Rédaction
06 December 2019
Le 24 septembre dernier, se tenait en effet discrètement à Bruxelles la conférence de clôture du projet « Heritage Houses for Europe » (Demeures historiques pour l'Europe). Evènement discret, certes, mais cependant imposant par la taille puisqu'il réunissait aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique pas moins de 400 parties prenantes. Acteurs et actrices du patrimoine en Europe, propriétaires privés, associations, institutions ou encore politiques spécialistes de la question.
L'objet de cette conférence ? Présenter les résultats de la première étude européenne portant sur les demeures historiques familiales privées. Car, si l'on peine à y croire, le Parlement européen a bien décidé de se pencher sur la question en lançant une étude. Son but ? Evaluer la valeur ajoutée que ces demeures peuvent représenter pour l'Europe et identifier les modèles entrepreneuriaux innovants qui s'y créent. Mais aussi fournir aux propriétaires des outils pour dynamiser leurs biens.
Le château de Hex, propriété privée du comte et de la comtesse Ghislain d'Ursel mais ouverte au public à l'occasion d'événements particuliers. © DR |
La tenue d'un tel évènement peut à première vue paraître anodine dans la capitale des conférences. Mais à y regarder de plus près, il n'en est rien. S'il est bien un secteur que l'on a facilement tendance à croire poussiéreux et pas forcément capable de se réinventer, c'est bien celui des demeures historiques. Propriétés d'un autre âge, bien souvent détenues et entretenues par des familles éloignées des modes de gestion actuels, paquebots familiaux dont on se demande parfois comment ils parviennent à se maintenir à flot.
Et justement, si le secteur des propriétés privées de famille était en train de se réinventer pour filer droit vers la modernité ?
40 % des demeures historiques européennes sont encore des propriétés privées. Et pourtant, aux dires des études réalisées, ces dernières restent bien souvent « la cerise sur le gâteau » du budget du patrimoine européen. Le dossier dont on se préoccupe après tout le reste en somme. Dans tous les pays d'Europe, fleurissent les associations visant à réunir et soutenir les propriétaires, au premier rang desquelles l'Association Européenne des Demeures Historiques (European Historic Houses) longuement présidée par Rodolphe de Looz, qui rappelait que si l'on n'y fait pas attention, le patrimoine disparaitra, et ce définitivement. Mais les jeunes propriétaires remplaçant leurs parents et arrivant en masse sur le « marché » des demeures historiques (qui se chiffre en milliards), se sont bien vite aperçus que, si l'esprit de corporation était indéniablement utile, il ne suffisait pas pour autant.
La propriété transylvanienne (Roumanie) du Professeur Jan De Maere, spécialiste de l'art pour L'Eventail © DR |
Aussi, voit-on émerger de plus en plus de projets innovants et modes de gestion modernes rendant les propriétés dynamiques. Le temps des demeures familiales à jouissance exclusivement privée semble toucher à sa fin. Rien qu'au Royaume-Uni, par exemple, l'on compte plus de 26 millions de visiteurs par an dans les demeures historiques privées, soit l'équivalent du nombre de visites des lieux publics détenus par l'Etat !
C'est en assistant à un évènement comme celui-là que l'on comprend que le progrès est en marche. De multiples outils financiers mais aussi technologiques existent désormais pour soutenir la gestion de biens patrimoniaux.
Et les projets sont aussi nombreux que variés : visites culturelles, hôtellerie et restauration, centres de congrès, de réception, organisation de festivals, production agricole, viticole, location, tournages de films et séries... La liste est longue et ne cesse de s'allonger. Un phénomène qui promet de voir émerger des choses complètement nouvelles dans les années à venir et sur lesquelles Eventail.be a bien l'intention de se pencher.
Le prince Simon de Mérode devant le château familial de Westerlo. Comme beaucoup d'autres propriétaires de demeures historiques, il cherche un nouveau business model pour maintenir ce patrimoine. © Diego Franssens |
C'est sur base de ce constat que l'Europe semble comprendre que ces propriétés représentent un enjeu colossal : par leur contribution socio-économique (emploi, préservation des savoir-faire et de l'environnement, dynamisme rural) et par les modèles innovants permettant la conservation d'un patrimoine que les États ont désormais bien du mal à financer. Autant de problématiques que Stéphane Bern soulevait déjà lors d'une interview qu'il accordait à Eventail.be il y a un an (retrouvez-le ici).
L'étude "Heritage Houses for Europe" est disponible ici. |
Il peut alors paraître surprenant que l'Union européenne ait mis si longtemps à se décider à lancer des actions pour soutenir ces propriétaires, quand on sait à quel point ils contribuent au tourisme et donc à l'économie du vieux continent. Un pétrole qu'il est grand temps de raffiner si l'Europe veut se maintenir face aux géants de la finance et de la manufacture que sont devenus les Etats-Unis et l'Asie. Car, bien paradoxalement, les vieilles pierres semblent être notre avenir !