Rédaction
19 December 2018
Un thème proche de celui de la pièce de Roussin (retrouvez-en la critique ici), mais sur un ton nettement moins léger : Petits Crimes Conjugaux d'Éric-Emmanuel Schmitt au Théâtre de La Valette à Ittre. Il s'agit de la première pièce présentée (et mise en scène) par Michel Wright, le nouveau directeur de ce petit théâtre à succès du Brabant wallon. Créé il y a plus de trente ans par Léonil McCormick, le Théâtre de La Valette suivait depuis quelque temps un parcours plutôt chaotique. Pas moins de trois directeurs très éphémères s'étaient succédé à sa tête en moins de trois saisons. L'existence même du théâtre était menacée. Jusqu'à ce que la Ministre de la Culture, Alda Greoli donne récemment son feu vert (et quelques maigres moyens financiers) à la reprise de la salle sous la houlette de Michel Wright. Ce dernier connaît bien les lieux ; cela fait plus de vingt ans qu'il y travaille régulièrement, tant comme metteur en scène que comédien.
© Thâtre de La Valette |
C'est donc cette pièce d'Éric-Emmanuel Schmitt, l'auteur francophone contemporain le plus diffusé dans le monde, qui ouvre la saison. Alors, que sont ces petits crimes conjugaux commis au long de quinze ans de vie commune d'un couple ? Qui en est l'auteur, qui en est la victime ? Suite à un mystérieux accident, Gilles, écrivain de romans policiers, est devenu amnésique. À sa sortie de l'hôpital, son épouse Lisa le ramène au domicile conjugal.
(c) Thâtre de La Valette |
Mais Gilles a-t-il vraiment perdu la mémoire ou son amnésie ne constituerait-elle pas une protection ou encore une tentative de renouveau de son couple ? Lisa souhaite-t-elle vraiment reconstruire leur vie commune ou au contraire la détruire ? Les affrontements des deux personnages qui mêlent confusément vouvoiement et tutoiement sont-ils des mots d'amour ou des cris de haine ? Sont-ils complices ou antagonistes ? Leur mariage est-il une union d'amour ou une alliance d'assassins ? Un texte parfois un peu verbeux mais d'une effrayante intelligence. Il y a du Pirandello dans ce Schmitt-là. Chacun sa vérité...
(c) Thâtre de La Valette |
Jean-Philippe Altenloh confère à Gilles, le mari énigmatique une présence inquiétante. Il parvient à inspirer au spectateur à la fois crainte et sympathie pour ce personnage indéchiffrable. Catherine Conet interprète Lisa, l'étrange épouse, avec beaucoup d'intensité et de sensualité. Elle réussit à susciter de la compassion pour les souffrances qu'elle s'inflige et cache depuis si longtemps. Éric-Emmanuel Schmitt se pose en contempteur cruel du couple traditionnel (plus encore à l'égard de son élément féminin).
(c) Thâtre de La Valette |
L'auteur met dans la bouche de ses personnages quelques répliques acerbes qui traduisent une terrifiante vision de la vie conjugale : « une association de tueurs..., un long chemin vers la mort qui laisse des cadavres sur la route. Un vieux couple est un couple où chacun tente de supprimer son partenaire. Lorsque vous voyez une femme et un homme devant le maire, demandez-vous lequel des eux sera l'assassin.»
La mise en scène de Michel Wright s'avère particulièrement habile à entretenir l'ambiguïté de la situation. Sa direction des acteurs (et leur talent) apporte une froide lueur sur le paradoxe d'un couple déchiré par un amour pourtant partagé.
Un excellent spectacle dérangeant et intriguant à voir au Théâtre de La Valette jusqu'au 31 décembre.
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