Monde, Séville
Éric Jansen
24 April 2025
Depuis la ruelle, on ne devine rien, mais la majestueuse porte d’entrée et la simple sonnette indiquent déjà que La Casa del Limonero n’est pas un hôtel ordinaire. La plaque en marbre intrigue aussi : à côté du nom figurent des silhouettes d’animaux… “Ce sont des cerfs, commente Martina, la directrice de cet établissement si particulier.
C’est un clin d’œil à ce magnifique sol en carreaux de céramiques, qui a été découvert lors des travaux de restauration. Le cerf est une allégorie de la miséricorde divine pour les Juifs. Sans doute un témoignage de l’influente famille juive convertie, dont c’était la résidence.” L’allusion est subtile et ce n’est qu’un début. Devant la réception, l’amateur reconnaît immédiatement la banquette Alligator des frères Campana. “Et dans l’entrée, vous avez vu l’œuf suspendu d’Ingo Maurer ?” s’amuse Martina. Bienvenue dans l’antre d’une collectionneuse française, qui souhaite rester discrète et laisse le soin à Martina d’expliquer les lieux. “Le palais date du XVe siècle, il a été acheté en 2015 à une famille bien connue à Séville. Des années d’études et de travaux ont été nécessaires, avec en plus la parenthèse du Covid. Nous avons finalement pu ouvrir au début de l’année.”
D’une architecture classique, avec un patio central et une galerie rythmée de colonnes, le palais est déjà spectaculaire par ses volumes, son harmonie, sa majesté. Mais en plus, à ce cadre restauré dans les règles de l’art s’ajoutent les œuvres et les pièces de design de la propriétaire. Une collection réunie au fil d’une trentaine d’années et qui trouve ici, enfin, son écrin. Disséminées dans les chambres, dans la salle à manger ou dans les salons du premier étage, les meubles vintage racontent l’histoire des arts décoratifs de la seconde partie du XXe siècle et du début du XXIe. Tous les grands noms sont là ou presque : Gio Ponti, Ettore Sottsass, Charles & Ray Eames, Arne Jacobsen, Joe Colombo, Roger Talon, Vico Magistretti, Mattia Bonetti, Barberini & Gunnell… Ils dialoguent avec des artistes contemporains pas moins importants, à l’exemple, dans la salle à manger, de Manolo Valdés, Joana Vasconcelos, Vik Muniz et Abdoulaye Konaté. Dans le grand escalier, le visiteur reconnaît également une œuvre d’Olga de Amaral et dans la galerie du premier étage, une série de photos de Malick Sidibé. Elles voisinent avec des artistes plus pointus que seuls de vrais initiés apprécieront. Martina en convient : “Nous allons éditer un petit fascicule pour donner des explications”. Et lorsqu’on s’étonne de voir de délicates lampes en Murano des années 1950 sur les tables de chevet dans les chambres, la réponse est claire : “La propriétaire n’a pas d’inquiétude, elle pense que les clients apprécieront et respecteront ces pièces”.
Tapisserie Haute époque.
Au-dessus du bar de la salle à manger, une pièce d’Abdoulaye Konaté.
Dialogue inattendu entre Pucci di Rossi et des azulejos du XVe siècle.
À ce cadre qui fait croire à un séjour de rêve dans la maison d’amis collectionneurs s’ajoutent des prestations de grand luxe. Tout d’abord, l’espace : le palais s’étend sur 2900 m² et il n’y a que quatorze chambres, dont huit suites. On ne croise pour ainsi dire personne et aucun enfant… Le lieu leur est interdit. Il faut dire que certaines œuvres d’art sont un peu explicites. À signaler également, le raffinement des salles de bain avec ces douches à l’italienne parfaitement étudiées, la literie des plus confortables, le chauffage et la climatisation invisibles, sans oublier le service impeccable de Concha, pareille à une gouvernante de maison privée, irrésistible quand elle s’exprime en français. Et puis, ces prestations qui font toute la différence à Séville : un spa tapissé d’élégants
zelliges de Fez, un couloir de nage en plein soleil et, surtout, un jardin où lire à l’ombre des palmiers, des orangers et du fameux citronnier qui a donné son nom à l’hôtel. “C’est en le voyant que la propriétaire a craqué !” commente Martina. Comment ne pas la comprendre ? Mais cette casa du citronnier a d’autres atouts. Un conseil : en profiter avant que la nouvelle ne se répande.
Photos : © Matriusca/Antonio Bellido • Photo de couverture : sous la tapisserie Haute époque, une console d’Hervé Langlais en face d’une œuvre de Tim Noble & Sue Webster. Bienvenue dans l’antre d’une collectionneuse !
Hôtel
La Casa del Limonero
Adresse
Calle Guzmán el Bueno nº4
41004 Séville
Réservations
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