Thomas de Bergeyck
31 March 2025
Il s’accroche dans le dos de ses victimes, il se raconte au détour d’un café ou d’une réunion de bureau. Dans les journaux et à la télévision, le poisson d’avril est longtemps resté un incontournable. Je me souviens que dans ma rédaction, des semaines avant le jour J démarrait une série de réunions pour trouver, pardonnez-moi l’expression, LE poisson qui allait faire mouche. On voulait que le téléspectateur morde à l’hameçon d’un coup d’œil. Et le lendemain, on désamorçait à la manière d’un mot d’excuse, précisant que l’on « espérait que vous aviez remarqué la farce. » Les journalistes, qui s’étaient cassé la cervelle n’étaient pas peu fiers d’avoir eu l’idée et d’avoir pu la mettre en images, en s’amusant au passage.
Thomas de Bergeyck piégeant le Roi et la Reine sur le plateau de Place Royale ? © Didier Lebrun/Photo News
Alors pourquoi je vous en parle dans cet édito royal ? Parce que c’est -évidemment- à un roi que l’on doit le début de ces blagounettes de printemps. C’est Charles IX en France qui en 1564 a constaté que la nouvelle année se fêtait à des dates différentes d’une région à l’autre. L’année commençait généralement fin mars, et le premier avril refermait une semaine de “bons vœux” par des blagues, pour désamorcer la rentrée. Mais ce roi va décider par l’édit de Roussillon que l’An neuf désormais, partout, commencerait le premier janvier. Par nostalgie on a alors décidé de garder cette semaine de la fin mars pour continuer à s’offrir de “faux présents”, puisque c’est une “fausse nouvelle année”. Logique.
Charles IX, par François Clouet © Wiki Commons
Une autre histoire se partage l’origine : la saison de la pêche débutait le premier avril, à un moment ou le poisson était rare. On offrait alors des harengs, plus prolifiques, pour toute consolation. Que l’on accrochait dans le dos des pauvres pêcheurs. J’aime bien aussi cette allusion religieuse : le poisson remplaçait à table la viande, interdite durant le Carême. Ou encore la Passion du Christ devenu le “poisson” du Christ. Il fallait l’inventer.
© Philip Reynaers/Photonews
Dans la presse malheureusement, les blagues du premier avril disparaissent peu à peu, au nom de la crédibilité journalistique dans un contexte de fake news galopant. Il faut dire que nos “royaux” ont souvent été la cible des poissons. À commencer par les Anglais, qui avaient expliqué en 2010 que Kate ne supportait plus la pression de ses fiançailles et qui avait rompu ; ou encore la taille des oreilles du bébé de Catherine rendant impossible, à l’échographie, de déterminer le sexe de l’enfant. On avait même prêté au Duc d’Edimbourg des qualités de démineur dans les débats qui ont amené au Brexit, pensant que ce fort en gueule pourrait faire taire les “séparatistes”. Chez nous, la Dernière heure avait annoncé que le parrain de l’ainée du prince Laurent serait Zinédine Zidane ; ou encore que la reine Mathilde avait visité les cuisines de Hector Chicken pour connaitre la recette des “bouchées à la reine”. Plus c’est gros, plus ça passe. Et c’est ce qui faisait tout le sel de la vieille recette du poisson cru …
Photo de couverture : © Bert Van Den Broucke/Photonews
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