Corinne Le Brun
26 May 2025
Parmi les 22 films soumis à leur regard, Un simple accident, nouvelle charge contre la République islamique de l’Iranien Jafar Panahi, a reçu la Palme d’or. De retour à Cannes, le cinéaste frappe fort. Comme tous ses films, Jafar Panahi a tourné clandestinement à Téhéran à sa sortie de prison. Le film confronte des victimes à leur bourreau qu’elles croient reconnaître. Le temps d’une nuit et d’une virée en van, un groupe d’anciens prisonniers se disputent sur le châtiment à infliger à leur ancien tortionnaire. Faut-il se venger ou pas ? Le film a bousculé la Croisette. Et convaincu, très naturellement, le jury. Très ému, après plusieurs secondes sans voix, Jafar Panahi demande une chose : « mettons, toutes les difficultés, toutes les différences à côté. Le plus important, c’est notre pays et la liberté de notre pays. » Un cri de colère d’un cinéaste courageux qui réussit aussi à se renouveler.
Joachim Trier nous avait enchantés avec Julie (en 12 chapitres) avec Renate Reinsve. L’actrice lumineuse rempile, avec brio, dans Valeur sentimentale, un film nostalgique sur les rapports d’un père cinéaste et de ses deux filles dont l’une est comédienne. C’est pour elle qu’il a écrit un scénario. Elle refuse la proposition. Dans une maison d’Oslo, les souvenirs affluent, se confrontent dans une ambiance familiale de plomb. On pense à Ingmar Bergman. Du grand art. Un Prix du jury grandement mérité.
Joachim Trier © Moreau/Jacovides/Bestimage
Les frères Dardenne, jamais deux sans trois ? Le duo belge a été récompensé du Prix du scénario pour Jeunes mères, présenté la veille de la remise des prix. Elles sont cinq : Jessica, Perla, Naïma, Ariane et Julie. Cinq adolescentes confrontées au grand chamboulement de la maternité. Les frères Dardenne tracent ici l’itinéraire de ces jeunes femmes dans leur 10e film en compétition à Cannes ! L’occasion aussi d’un hommage à leur actrice fétiche Emilie Dequenne, décédée en mars dernier. Pour la descente des marches, la chanson de Johnny Hallyday Tennessee a enveloppé la Croisette de sa douceur et de ses mots : « Comme une étoile qui s’éteint dans la nuit.. À l’heure où d’autres s’aiment à la folie… ».
Jean-Pierre et Luc Dardenne © Jacovides-Moreau/Bestimage
Wagner Moura, Kleber Mendonça Filho © Jacovides-Moreau/Bestimage
Nous avions fait le choix du Britannique Josh O’Connor comme Meilleur acteur. Celui qui fut le prince Charles dans la série The Crown fait une double prestation subtile dans The History of Sound d’Olivier Hermanus comme dans le génial The Mastermind de Kelly Reichardt , deux films américains en compétition officielle. Le jury lui a préféré Wagner Moura, brillant dans L’agent secret de Kleber Mendonça Filho. L’acteur brésilien incarne Marcelo, un professeur au passé trouble sous la dictature militaire brésilienne. Doublé réussi pour le film qui est également récompensé du prix de la Mise en scène.
Nadia Melliti , Hafsia Herzi © Jacovides-Moreau/Bestimage
Elle était fortement pressentie. Léa Drucker ne recevra finalement pas le prix de la Meilleure actrice. La débutante Nadia Melliti (23 ans), puissante et fragile la fois dans La petite dernière de Hafsia Herzi, est primée. Dans la salle, la réalisatrice, par ailleurs honorée de la Queer Palm, est en larmes. Nous sommes aussi très émus de voir son film et son travail récompensés tant les difficultés de tournage furent nombreuses. Le drame social et intimiste met en scène une jeune musulmane qui découvre son homosexualité.
Mascha Schilinski, Da'Vine Joy Randolph © Jacovides-Moreau/Bestimage
La réalisatrice berlinoise est un peu l’inconnue de la compétition. Masha Schilinski reçoit le prix pour Sound of Falling, une réussite très picturale mâtinée de fantômes intergénérationnels. Les quatre jeunes filles de Masha Schilinski grandissent dans un lieu unique, une ferme en Allemagne, et semblent liées les unes autres. La douleur faite aux femmes y est criante. Impressionnant.
Un beau palmarès. De belles promesses de films à voir prochainement au cinéma.
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