Thomas de Bergeyck
06 November 2024
Tout avait pourtant été prévu au millimètre, malgré le chaos ambiant. On a déblayé la rue qui devait accueillir le cortège royal-politique, on a déblayé des voitures empilées comme des jouets, on a placé les journalistes venus davantage pour les monarques que pour les habitants. Certains policiers ont même … fouillé des locaux, par sécurité. Il y avait là de quoi faire monter la tension dans le village. Certains ont eu le sentiment que l’on mettait en scène leur malheur. C’est la première erreur de ce fiasco.
© Casa de S.M. el Rey
De la boue, des bouteilles des bâtons et de l’eau ont bien été lancés sur le cortège. Mais à qui étaient-ils destinés ? C’est la seconde erreur. Pourquoi avoir associé le roi à ces deux élus devenus ennemis publics aux yeux de la population, pour avoir envoyé trop tard les messages météo alors que l’alerte rouge avait déjà été décrété dans la région ? C’étaient eux les premiers visés. Ce qui sauve la situation ? Une réaction rapide du couple, et surtout, le choix de rester sur place alors que les élus, eux, ont été exfiltrés. Pas question de fuir. Felipe et Letizia ont même reçu des étreintes, preuve d’une présence qui était souhaitée.
© Casa de S.M. el Rey
Et pourtant, le timing est en général l’écueil le plus grand lorsque l’actualité noircit le tableau d’une nation dirigée par un roi. Souvenez-vous d’Elizabeth II qui a mis … une semaine à aller voir les victimes de la catastrophe d’Aberfan, ce terril qui s’est écroulé, emportant toute une école et des dizaines d’enfants. La Reine s’est est voulu toute sa vie. Pareil lorsqu’elle a attendu trop longtemps avant de rentrer à Londres, après le décès de la princesse Diana. On se souvient encore d’Albert II, à qui l’on avait reproché d’être rentré un peu tard du Midi au moment de l’affaire Julie et Mélissa. Le souverain qui s’était ensuite largement rattrapé en organisant la table ronde au palais pour l’enfance meurtrie.
© Boumediene Belbachir/Photonews
Comparaison n’est pas raison, mais souvenons-nous aussi de la réaction de notre roi Philippe, au lendemain des inondations de juillet 2021 qui avaient tué 39 personnes. Il s’est rendu à Chaudfontaine dans les heures qui ont suivi. Puis Pepinster, puis Verviers le 20 juillet. Son intelligence ? Être revenu deux mois plus tard pour prendre des nouvelles des personnes qu’il avait consolées. Séquence parfaite. Elle me rappelle cette scène touchante du roi Baudouin, qui plusieurs fois est allé au chevet de victimes d’inondations, parfois en barque au milieu des torrents d’eau. On se souvient d’Esneux, en février 1984 lorsque l’Ourthe est sortie de son lit. Baudouin de Belgique a trouvé, dans une maison noyée, une petite dame de 83 ans transie de froid. Louisa Lambinon n’avait plus rien. Le souverain, sans réfléchir avait alors enlevé sa parka pour la mettre sur les épaules de Louisa. Jamais le palais n’a souhaité récupérer le manteau que la famille conserve toujours, aux dernières nouvelles.
© Photo News
Les rois n’ont que peu de pouvoir. Mais le plus fort est celui du symbole : le monarque reste un paravent des tempêtes. Dans les bons comme les mauvais jours. La boue, Felipe l’a reçue au nom de son gouvernement. Les éloges, Philippe, Baudouin ou Albert les ont reçus au nom d’une classe politique sortie grandie. Comme toujours ce qui compte, ce ne sont pas les faits mais ce que l’on en retiendra.
Photo de couverture : © Casa de S.M. el Rey
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