Christophe Vachaudez
10 March 2025
Chez SJ Phillips, prestigieuse enseigne londonienne spécialisée dans le bijou ancien, un bracelet attribué au joaillier Bapst aligne trois fleurs de lys, allusion évidente à une provenance royale. Et de fait, le bijou aux couleurs du drapeau français adopté par la monarchie de juillet fut offert à la princesse Clémentine d’Orléans, fille du roi Louis-Philippe et de la reine Marie-Amélie, peut-être en 1843, à l’occasion de son mariage avec le prince Auguste de Saxe-Cobourg-Gotha, un neveu du roi Léopold Ier. Le bracelet échut par héritage à son fils Ferdinand qui devint tsar de Bulgarie. Il passa ensuite à sa descendance qui s’en sépara en 2024.
© DR/SJ Phillips
Toujours en relation avec la Maison d’Orléans, un autre objet à caractère familial sera exposé chez Camille Leprince dont la galerie spécialisée en céramiques et porcelaines anciennes se situe à Paris. Il s’agit d’une écritoire exécutée à la Manufacture royale de Sèvres en 1829 par un trio d’artistes renommé : Jean-François Leloy (ornemaniste), de Nicolas-Marie Moriot (peintre) et d’Antoine-Gabriel Boullemier (doreur), d’après des dessins d’Alexandre-Evariste Fragonard. Livré en un temps record (trois mois), il fut commandé par la reine Marie-Amélie, encore duchesse d’Orléans à l’époque, à la demande de sa belle-sœur Marie-Isabelle d’Espagne, reine des Deux-Siciles. Destiné au roi François Ier, son époux, l’écritoire célèbre le mariage de leur fille Marie-Christine avec le roi Ferdinand VII d’Espagne, programmée le 11 décembre 1829. Un portrait des intéressés orne d’ailleurs chacune des coupelles. Parfaitement documenté, cette pièce unique en porcelaine rehaussée de bronzes dorés illustre à merveille l’art somptuaire de Sèvres qui correspond au règne de Charles X et de Louis-Philippe.
Livre d’Heures Hachette © DR/Dr Jörn Günther Rare Books
Autre chef-d’œuvre associé à une reine de France, le Livre d’Heures Hachette, un manuscrit sur vélin qui fut enluminé à Tours entre 1508 et 1512 pour Claude de France. Connue pour son amour des livres et sa dévotion religieuse, la fille de Louis XII et d’Anne de Bretagne épousa en 1514 François d’Angoulême, futur François Ier, et sera sacrée reine en 1517 à la basilique de Saint-Denis. Le précieux ouvrage fut sa vie durant une sorte de compagnon spirituel. Le livre de prières ne comprend pas moins de 73 miniatures dont 17 en pleine page, 32 plus petites et 24 figurant les signes du zodiaque et les occupations liées à chaque mois de l’année. Parangon du genre, il appartînt notamment aux ducs de Hamilton avant d’échoir au collectionneur André Hachette qui lui a donné son nom. Il sera présenté sur le stand de Dr Jörn Günther Rare Books dont la galerie occupe une ancienne maison du vieux centre de Bâle.
© DR/M.S. Rau
En provenance de la Nouvelle-Orléans grâce à la galerie M.S. Rau, une étonnante lampe de bureau évoquera non seulement Napoléon III, dernier empereur des Français mais aussi un grand orfèvre parisien. Alexis Falize (1811-1898) puisque c’est de lui qu’il s’agit, fit ses armes chez le joaillier Mellerio avant d’ouvrir son propre atelier en 1838 où sa maîtrise des techniques fit merveille. Quelques années plus tard, ses créations sont convoitées par la plupart des maisons royales et il n’est point étonnant que l’Empereur succombe à cette lampe originale qu’il fera installer dans sa bibliothèque personnelle. En argent doré, elle associe avec brio motifs anciens et art “moderne”. Reposant sur des pieds à griffes, son corps est soutenu par des sphinx royaux et orné de perles, tandis que des bras d’inspiration orientale soutiennent de délicats écrans en verre coloré. Des montures turquoise et un médaillon central ajoutent encore au design luxueux typique de Falize. Son étui d’origine en maroquin rouge, timbré du “N” impérial et de la couronne, témoigne de son origine.
"La défaite de Sennacherib", Hans von Aachen (1552 – 1615) © DR/Pelgrims de Bigard
Autre provenance remarquable, celle d’une huile sur cuivre proposée par Cédric Pelgrims de Bigard représentant la défaite de Sennacherib, une huile sur cuivre due à Hans von Aachen (1552 – 1615). Réalisée d’après une composition de Christoph Schwarz, l’œuvre qui a tout de la minutie des miniatures met à l’honneur un sujet rarement choisi par les artistes. Parmi les plus fameux rois d’Assyrie, Sennacherib s’employa à asservir les royaumes voisins mais quand il décida d’envahir celui de Juda, l’intervention divine d’un ange mit fin au siège de Jérusalem. Le tableau appartînt à l’empereur Rodolphe II, l’un des plus importants collectionneurs et mécènes de l’histoire (1552-1612). Á sa mort, la peinture entra en possession de l’archiduc Albert. Rubens qui découvrit le tableau à Bruxelles en fit un dessin aujourd’hui conservé à l’Albertina de Vienne.
© DR/Walter Padovani
Enfin, la galerie Padovani de Milan a admirablement documenté un buste du grand-duc Léopold Ier de Toscane non identifié et procédant de la collection de Tayllerand-Périgord. Cette effigie due au ciseau du sculpteur carrarais Domenico Andrea Pelliccia (1736-1821) démontre une extrême sophistication dans le traitement du marbre mais aussi un grand souci du détail. La nature froide de la pierre apuane et le naturalisme du matériau ne parviennent pas à atténuer l’intensité intérieure du portrait, bien que le personnage pourrait sembler figé, à l’expression impénétrable. Frère de la reine Marie-Antoinette et de Joseph II, à qui il succédera d’ailleurs comme empereur du Saint-Empire romain germanique, Pietro Leopoldo fut un grand-duc de Toscane du siècle des Lumières, considéré comme un despote éclairé. Ce fils de la grande Marie-Thérèse clôture cette sélection bien loin d’être exhaustive mais qui inaugure de belle façon cette Foire de Maastricht que les amateurs d’art attendent toujours avec fébrilité.
Photo de couverture : écritoire de la Manufacture royale de Sèvres (1829) pour la reine Marie-Amélie, encore duchesse d’Orléans © DR
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