Christophe Vachaudez
30 December 2020
Son inquiétude la tenaille mais pourtant elle a réussi à seconder son époux le prince Naruhito, en dépit de la dépression chronique dont elle souffre depuis des années ? Le pays du Soleil Levant semble soulagé. L'impératrice Masako a fêté ses 57 ans ce 9 décembre et cet état de grâce semble durer, au fil de ses apparitions publiques. Sa vie fut plutôt inhabituelle puisqu'elle nait à Tokyo, certes, mais passe sa prime enfance à Moscou où son père, Yumiko Egashira est dilpomate. Á cinq ans à peine, changement de cap puisqu'elle rallie les États-Unis et entre à l'école maternelle à New York. Elle a 8 ans quand elle regagne le Japon et intègre une école privée catholique où on l'initie au piano ou au tennis, en sus des nombreuses matières qui lui sont réservées, comme l'apprentissage du français et de l'allemand.
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En 1979, Masako s'installe à Boston. Son père a obtenu une chaire à l'université d'Harvard où elle va bientôt étudier l'économie. Elle séjourne en France pour perfectionner la langue de Molière et approfondit son allemand au Goethe Institut. La jeune fille s'inscrit ensuite à l'université de Tokyo pour étudier le droit et préparer son examen d'entrée au Ministère des Affaires étrangères. Elle fera partie des 28 éléments sélectionnés sur les 800 participants. Comme ses parents, Masako veut servir sa patrie. En 1987, elle rencontre pour la première fois le prince héritier Naruhito lors d'une réception offerte en l'honneur de l'infante Elena d'Espagne, de passage à Tokyo. L'héritier du trône de chrysanthème tombe sous le charme de cette brillante diplomée. La presse ne lâche pas les tourtereaux et Masako est heureuse de s'échapper vers la Grande-Bretagne pour finaliser un Master au Balliol College de l'Université d'Oxford.
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Durant ses deux années d'éloignement, Naruhito persiste et garde le contact mais Masako rechigne et n'abandonne pas l'idée de faire carrière. Elle craint aussi de se retrouver privée de toute liberté, enfermée dans le carcan d'une cour régie par un protocole obsolète et sans pitié. Á ses objections, le Prince rétorque que servir le Japon à ce niveau équivaut au plus éminent poste de diplomates qui soit. On les croit séparés mais soudain, le Conseil de la Maison impériale annonce officiellement les fiançailles et le mariage prochain des deux jeunes gens. Masako a cédé à la troisième demande en mariage de Naruhito. Elle sera bientôt princesse et un jour impératrice.
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C'est revêtue du traditionnel kimono qu'elle épouse le fils aîné de l'empereur Akihito et de l'impératrice Michiko le 9 juin 1993, selon le rite shinto. Tout semble sourire au couple le plus en vue du Japon et, pourtant, il faudra attendre 1999 pour qu'une première naissance soit annoncée. La Princesse fait une fausse couche et supporte mal la pression qui s'ensuit. On attend d'elle un héritier et qui l'enjoint de donner un héritier à la dynastie Yamato, la plus ancienne dynastie régnante au monde qui remonterait au VIIe siècle avant notre ère. Le 1er décembre 2001, une petite fille prénommée Aiko voit le jour mais l'attente d'un garçon qui ne vient pas déchaîne l'animosité à tel point que le prince Naruhito monte au créneau et pointe du doigt les manigances du Conseil de la Maison Impériale. Le gouvernement planche déjà sur un remaniement de la loi de 1947 afin qu'une femme puisse accéder à la fonction suprême mais entretemps, le fils cadet de l'empereur Akihito, le prince Fumihito, qui a déjà deux filles, célèbre en 2006 la naissance d'un troisième enfant, le prince Hisahito. Les pourparlers engagés sont ainsi suspendus.
La princesse Masako souffre désormais de problèmes de santé et une sorte de dépression semble être finalement diagnostiquée. En conséquence, ses apparitions en public se raréfient et son état suscite l'inquiétude. Un voyage officiel en Nouvelle-Zélande et en Australie en 2002 marque le dernier déplacement du couple princier à l'étranger.
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En 2006, Masako se rend aux Pays-Bas en visite privée à l'invitation de la reine Beatrix mais il faudra attendre 2013 pour qu'elle renoue avec les voyages officiels à l'étranger quand elle assiste en compagnie de son époux à l'investiture du roi Willem-Alexander. On la voit ensuite aux dîners de gala donnés en l'honneur du Roi et de la Reine d'Espagne ou des souverains belges. Les médias japonais se réjouissent de cette amélioration et lui réservent toujours le meilleur des accueils.
Curieusement, Masako a toujours bénéficié de la sympathie de ses compatriotes et sa popularité est demeurée intacte. Fin avril 2019, sa vie a connu une nouvelle étape puisque l'empereur Akihito a officiellement abdiqué en faveur de son fils aîné. Lors d'une rare allocution télévisée fin 2016, il avait insisté sur son grand âge et sa santé déclinante. Une loi votée par le gouvernement l'autorisait à mener à bien son projet. Pareil événement n'était plus survenu depuis 1817, sous l'empereur Kôkaku. Naruhito est ainsi devenu le nouveau grand Shogun, 126e souverain du Pays du Soleil Levant. Masako a succédé à l'exemplaire impératrice Michiko, née roturière, comme elle, et infiniment respectée au Japon et au sein des cours étrangères pour sa culture et sa gentillesse. Si on l'y autorise, Masako pourra y apporter une légère touche de vie et de modernité. Elle ose parfois porter du rouge... un bien timide début !
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