Christophe Vachaudez
31 March 2021
Le bijou qui allie une provenance prestigieuse à une façon des plus abouties, marie les diamants aux perles du plus bel Orient. Réalisé aux alentours de 1867, il sort des ateliers du joaillier turinois Musy et aurait été offert par le roi Victor-Emmanuel II à sa future bru Maria Vittoria Carlotta Enrichetta Giovanna dal Pozzo, princesse della Cisterna (1847-1876) quand cette dernière épouse son fils cadet Amedeo, duc d'Aoste. Au moment de la cérémonie qui se déroule à la chapelle du palais royal de Turin, le 30 mai 1867, le jour de l'Ascension, Maria Vittoria n'a pas encore 20 ans.
Maria Vittoria dal Pozzo, duchesse d'Aoste, portant une partie de sa collection de perles © Adriano Ciabani |
Le souverain aurait certes préféré une archiduchesse d'Autriche ou une princesse de Saxe mais il consent finalement à cette union pourtant considérée comme morganatique, ajoutant aux cadeaux un somptueux collier de perles dont un imposant saphir sert de fermoir.
La jeune fille est née à Paris le 9 août 1847. Ses parents, Carlo-Emanuele, comte dal Pozzo et prince della Cisterna, et Louise Caroline, comtesse de Merode-Westerloo, s'étaient mariés à Bruxelles le 28 septembre 1846, le même jour qu'Antoinette, sœur de la précédente, qui épousait le prince de Charles III de Monaco. Les deux sœurs avaient reçu une dot plus que conséquente, ce qui en faisait des partis très prisés. Cultivée et élégante, Maria Vittoria va ainsi hériter de l'immense fortune de ses parents, détail non négligeable !
La princesse Marie-Gabrielle de Savoie avec le diadème porté en collier © DR |
Amedeo et son épouse vont bientôt connaître un destin singulier. En effet, suite aux troubles politiques secouant l'Espagne, les Cortes proposent au Prince le trône des Bourbons. Nous sommes en 1870. L'aventure ne durera que trois ans car, dans l'impossibilité de résoudre la crise que traverse le pays, Amedeo abdique en 1873. Il rentre alors en Italie avec Maria Vittoria qui aura été une éphémère reine consort d'Espagne. Déjà malade, la Princesse meurt finalement de la tuberculose le 8 novembre 1876, à l'âge de 29 ans, à San Remo. Elle laisse trois enfants : le prince Emmanuel-Philibert, futur duc d'Aoste (1869-1931), le prince Victor-Emmanuel (1870-1946), comte de Turin, et le prince Louis-Amedeo (1873-1933), duc des Abruzzes. Comme on peut le constater sur différentes photos contemporaines, Maria-Vittoria s'est constituée une riche collection de perles.
L'une des perles poire qui orne le diadème © DR/Sotheby's |
Á l'époque, elle pouvait déjà rivaliser avec celle de sa belle-sœur, Margherita, princesse de Savoie-Gênes, qui s'était unie en 1868 au prince Humbert, frère aîné de son époux Amedeo. Plus tard, cette dernière recevra d'ailleurs le surnom de reine des perles. De grande qualité, les perles poire du diadème trouvait donc un écho dans les nombreux rangs de perles de la duchesse d'Aoste qui possédait en outre des boucles d'oreilles et de nombreuses appliques rehaussées des plus jolies perles goutte. Il est probable que les bijoux de Maria Vittoria aient été partagés plus tard entre ses trois fils.
La princesse Hélène de France, l'épouse de l'aîné, Emmanuel-Philibert, n'a jamais porté le diadème. On pense donc qu'il a du faire partie de l'héritage d'un des deux autres fils, le comte de Turin ou le duc des Abruzzes qui, tous les deux, mourront sans descendance. On sait seulement que le roi Umberto II d'Italie le racheta à l'un de ses cousins pour éviter que ce bijou historique ne quitte les collections familiales. Il l'offrira à sa fille la princesse Marie-Gabrielle quand celle-ci donne naissance à sa fille Elisabeth.
La princesse Maria Vittoria portant le diadème mais rehaussé d'émeraude © DR |
Dans sa forme actuelle, le diadème montre une succession de onze volutes ascendantes composées chacune de brillants significatifs enrichis de pierres plus petites. Chaque volute renferme une perle poire montée en fleuron sur un culot feuillagé en diamants. L'ensemble repose sur une importante base en diamants.
Détachables, les volutes peuvent s'adapter et former un somptueux collier que la princesse Marie-Gabrielle affectionnait de porter. D'après un dessin conservé dans les archives de la Maison Musy, à Turin, les volutes pouvaient reposer sur une base différente, ornée de perles. Á l'époque, les bijoux sont conçus pour se transformer et il s'agit sans doute d'une variante ou d'un projet qui n'a pas été retenu.
Le bijou dans sa configuration collier © DR/Sotheby's |
Installé dans la capitale historique du Piémont, le joaillier a très tôt tissé des liens étroits avec la Maison de Savoie puiqu'il a reçu son premier brevet royal en 1765 de Louis (1721-1778), prince de Carignan, devenant à cette date orfèvre et horloger de la cour. La relation s'est poursuivie et Musy a fourni de nombreux bijoux qui furent portés par la reine Margherita (1851-1926), épouse du roi Umberto Ier, la reine Elena (1873-1952), épouse du roi Victor-Emmanuel II ou la reine Marie-Josée (1906-2001), épouse du roi Umberto II.
Il existe une gravure montrant Maria-Vittoria arborant la parure mais sertie d'émeraudes, fantaisie de l'artiste ou versatilité du bijou, le mystère reste entier. Estimé entre 1 et 1,5 million de francs suisses, nul doute que le diadème va motiver les enchères des collectionneurs qui pourront aussi compter sur une somptueuse broche de provenance impériale. Christie's devrait répliquer en présentant une magnifique parure de saphirs procédant de la grande-duchesse de Bade, Stéphanie de Beauharnais, et autrefois portée par la princesse Birgitta de Suède, sœur du roi Carl-Gustav, et épouse du défunt prince Johan-Georg de Hohenzollern. L'ensemble n'avait plus été vu depuis des décennies.
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