Viviane Eeman
07 March 2022
© Laurent Brandajs
À une petite heure de Paris, dans un coin de campagne bucolique, cette habitation tout en longueur de 350 m2, laissée en l’état, a conquis un couple qui habitait jusqu’alors en appartement dans la capitale. Il mandate l’agence d’architecture Amandine Gommez-Vaëz et Arnaud Lenoir de blackStones, qui font équipe depuis de nombreuses années, pour offrir à cette longère un second souffle.
© Laurent Brandajs
Parmi les gros travaux entamés, le premier étage sous comble a été rehaussé, les fenêtres, soulignées de pierres calcaires ont été harmonisées et les murs, revêtus d’un beige chaleureux. À l’intérieur, le premier acte a consisté à ouvrir les volumes composés de petites pièces pour faire entrer un maximum de lumière et simplifier la circulation. Les propriétaires désiraient aussi un côté graphique, contemporain et un peu masculin qui viendrait s’intégrer de manière cohérente et lisible dans les éléments anciens, comme les poutres en bois préservées. Parmi les tons dominants, on retrouve le noir, tandis que les parties plus claires sont traduites en nuances de beige. Aujourd’hui, cet ensemble moderne qui comprend quatre suites reflète la personnalité des propriétaires, mais aussi leur passion pour les métiers de bouche.
© Laurent Brandajs
Signalée par un plafond cathédrale qui profite d’une double hauteur, l’entrée, avec ses placards en frêne au cannage peint en noir, distribue à gauche le séjour et, à droite, un couloir qui ouvre sur le vestiaire des invités ; en face, sur une petite salle de sport derrière une paroi vitrée et au fond, sur une suite. Elle se démarque par son escalier spectaculaire dessiné par Amandine Gommez-Vaëz et Arnaud Lenoir. En acier cintré, il a été composé, puis démonté pour être ressoudé sur place à cause de son poids. Les marches sont en tôle laquée noir, tandis que les mains courantes ont été réalisées dans un revêtement mêlant une fine poussière de marbre à différents éléments. L’escalier s’insère dans un mur arrondi avec une marqueterie de chêne posée dans le sens bois debout pour un effet particulièrement graphique. Cet endroit théâtral, souligné par un olivier en bronze de Philippe Pasqua, débouche derrière les portes-ateliers coulissant sur la cuisine, élément phare et lieu de passage obligé avant de profiter des autres pièces du séjour.
Spectaculaire escalier en acier cintré dessiné par Amandine Gommez-Vaëz et Arnaud Lenoir, devant un mur en bois debout. Olivier en bronze de Philippe Pasqua. © Laurent Brandajs
La vue traversante permet d’embrasser en un seul coup d’œil l’espace du séjour jusqu’au salon. Dans l’élégante cuisine, l’îlot central est occupé par un piano La Cornue incrusté dans le frêne et le marbre et surmonté d’une hotte, elle aussi en marbre. En face, placés symétriquement de part et d’autre de l’ouverture vers la salle à manger, des rangements bas structurent la pièce. Les éléments hauts, comme le réfrigérateur ou la colonne incluant une rôtissoire, s’inscrivent discrètement à l’arrière et complètent cet ensemble éclectique paré au sol d’un grès cérame beige très clair. Celui-ci relaie les pierres du Sinaï de la terrasse seulement séparée par une grande porte vitrée.
Piano de cuisson La Cornue encastré dans un plan de travail en marbre. © Laurent Brandajs
Bois et métal définissent l’espace. Les poutres en chêne apparentes, sablées, ont définitivement gommé leur aspect foncé pour récupérer leur tonalité naturelle, rehaussée d’un verni incolore, tandis que la poutre métallique de soutien donne du caractère à la pièce et la délimite. Tranchant avec le grès cérame, le chêne des marais accueille une table dessinée et réalisée par les architectes avec un piétement central en bois et un plateau en frêne sur lequel ont été apposées trois bandes de marbre identique à celui de la cuisine. Un rappel également répété dans le mobilier sur mesure. Le cannage, un élément que l’on retrouve partout dans la maison, s’invite ici sur le dossier des chaises. La longère ne possédant pas de sous-sol, une cave à vin professionnelle avec hygrométrie et température constante, ainsi qu’un coin dégustation partagent l’espace sur toute sa longueur derrière une baie vitrée toujours traitée dans l’esprit atelier.
La salle à manger est accolée à la cave à vin. © Laurent Brandajs
Élément central, la bibliothèque qui occupe la totalité de la surface du mur du fond a été dessinée par les architectes et reprend le style du mobilier sur mesure de la salle à manger. Ses tasseaux verticaux de frêne teinté noir, mis en relief par des bandes de LED, servent à cacher le matériel de la télévision et, dans leur partie supérieure, dissimulent la climatisation tout en offrant des rangements. Entre les deux, des modules en tôle laquée jouent le rôle d’étagères, tandis qu’à gauche, les boîtes en métal accueillent les bûches taillées avec précision pour que l’ensemble soit esthétique. La cheminée design Focus au foyer suspendu et orientable a été décentrée pour laisser la priorité à un grand téléviseur. Le mobilier est essentiellement vintage, à part le confortable canapé modulaire aux larges dossiers, ainsi que quelques meubles bas également utilisés comme assises d’appoint. Simple et efficace, l’éclairage est sobrement composé de spots tubes et d’autres, orientables, pour éclairer les objets ou servir de liseuse et ne s’encombrer d’aucun luminaire qui aurait pu briser la vue traversante.
Table basse Rio de Charlotte Perriand, fauteuils Utrecht de Gerrit Rietveld et canapé Living Divani. © Laurent Brandajs
À l’étage, la passerelle au-dessus de l’entrée conduit aux suites. La master occupe une centaine de mètres carrés et reprend un salon télévision, un bureau et, en partie nuit, une salle de bain, un dressing et une chambre. Symphonie de noir et de beaux matériaux pour cette pièce, avec une peinture en harmonie et, derrière le lit jusqu’au faîte de la toiture, un placage de frêne que l’on retrouve un peu partout dans l’habitation. Pour obtenir un aspect bois brûlé, son veinage a été brossé afin d’être plus perceptible et de mieux réagir à la lumière, avant d’être peint en noir et verni. Les deux tuyaux, l’un pour la climatisation et l’autre pour la cheminée, ont été laissé apparents et poursuivent un code esthétique industriel très présent, en contraste avec les cannages des portes du dressing. Au sol, le parquet, comme ailleurs, est un luxueux chêne des marais. Issu de forêts immergées, ce bois millénaire doit ses subtiles nuances foncées et sa patine remarquable aux sédiments. Séché, il est résistant à l’eau, très dur à couper et son degré de poinçonnement est nul, ce qui en fait un allié imparable, même s’il est avant tout prisé pour son cachet singulier. La configuration des lieux imposait une certaine implantation, afin de disposer de la hauteur nécessaire pour les douches et le lavabo. L’option choisie est cet élément central composé de la baignoire d’un côté et de la double vasque de l’autre, agrémenté par des miroirs double face dépendant d’une structure en métal. Les parois des douches, à l’arrière, épousent avec précision les contours des lignes du volume. Le style industriel se retrouve dans la robinetterie avec finition canon de fusil, tandis que la baignoire inspirée d’un tonneau reprend une planche en bois qui permet d’être adossé plus confortablement. L’insert dans le parquet, comme l’espace douche et une partie des murs, est en grès cérame à l’aspect marbre de 6 millimètres d’épaisseur, plus facile à gérer que du vrai marbre sur ces hauteurs mansardées.
Frêne brossé et parquet en chêne des marais pour cette suite éclairée par des appliques en cuivre de Tom Dixon et des liseuses Vision de DCW Editions. © Laurent Brandajs
Le parc de 8500 m2 a été complètement réaménagé par un paysagiste selon les plans des architectes, pour être à la fois contemporain et naturel, avec de beaux volumes, tout en mettant la maison et les œuvres d’art en valeur. Dans la pelouse, plusieurs modules en pierres du Sinaï définissent différentes terrasses. Au premier salon, rassemblé autour d’un large brasero, succède une salle à manger sous une pergola bioclimatique qui permet de s’isoler du vent et de la pluie. Derrière celle-ci, le long d’un muret, la cuisine extérieure se compose d’un monolithe en inox massif brossé pour éviter l’effet brillant et pensé pour résister aux intempéries. Il s’accompagne d’un teppanyaki de 1,60 mètre de large. L’éclairage est pareil à celui qui se trouve dans le salon extérieur, mais la hauteur des tubes a été adaptée pour se poser sur le muret et dispenser une luminosité adéquate, le soir. Dernier détour par les luxueux garages, dont le bardage en bois brûlé répond aux tonalités de la dalle de béton teinté intérieure qui accueille des espaces écrins pour les voitures des propriétaires.
Sur les terrasses en pierres du Sinaï, salon Kettal organisé autour d’un brasero. Au fond, salle à manger sous une pergola climatique de la même marque. © Laurent Brandajs
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