Au début des années 1990, Valérie Barkowski, alors styliste et directrice artistique, vient, un peu par hasard, en vacances à Marrakech. C’est le début d’un coup de foudre total qui dure jusqu’à aujourd’hui. « Je passais un séjour dans la palmeraie, qui ne m’avait pas éblouie plus que cela. C’est en me promenant dans la médina que j’ai eu un électrochoc. J’ai directement été séduite par le travail des artisans. Je me suis assise à côté d’un ferronnier et j’ai créé un bougeoir. Je pouvais déjà passer des heures à regarder des mains travailler. Cela me fascine. Je me suis toute suite dit qu’un jour j’allais venir habiter au Maroc. »
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C’est chose faite en 1996. Elle quitte alors son métier de courtière en œuvre d’art soviétique et la ville de Moscou pour s’installer à Marrakech. « En arrivant ici, je savais que les femmes brodaient leur trousseau et j’avais envie de faire broder mes pièces, mais impossible de trouver le linge et les brodeuses pour le faire ». Elle parcourt alors le pays à la recherche de ces traditions perdues. « J’ai d’abord commencé à explorer la broderie et la passementerie, puis la confection de pompons, dans différentes régions du pays. Chemin faisant, j’ai trouvé un atelier de tricotage et je me suis lancée dans une collection de linge de maison. Cela a pris trois ans. Je me vois vraiment comme un électron libre. J’ai toujours fait les choses en fonction des opportunités, des rencontres que j’ai la chance de faire et de mes envies. J’aime créer des histoires et rencontrer les gens. »
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Dès le départ, Valérie choisit de créer des pièces intemporelles hors logique de collections, qu’on se transmet de génération en génération. « Nos grands-mères gardaient leur trousseau à vie. On en est aujourd’hui très loin, souligne la créatrice. J’ai toujours prôné la durabilité et l’intemporalité, même si je sors bien sûr des nouveautés. 25 ans plus tard, heureusement qu’on y vient ! Les enfants de mes premiers clients ont grandi dans mes draps. Ils passent à leur tour commande. Il y a un vrai côté affectif et cocon avec le lit. » Ses draps ornés de pompons figurent toujours au rang de best sellers. « J’aime les choses qui durent dans le temps. Cela n’a pas de sens de jeter pour moi. Produire à moindre frais et avec le moins de matériaux possible est un autre élément important pour moi. J’aime cette recherche et cette réflexion. J’ai besoin de défis intellectuels, sinon je m’ennuie. Je ne pourrais pas créer toujours la même chose. Ma force est plus dans la direction artistique et le concept, que dans les produits. Je pense que c’est mon authenticité et mon honnêteté qui plaisent. Le fil conducteur dans tout ce que je fais, c’est ma personnalité. » La plus grande partie de sa collection éponyme est réalisée sur commande et les produits sont réalisés sur mesure avec des coloris à la carte.
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Après quelques années à planter ses racines au Maroc, le virus du voyage la reprend et Valérie accepte plusieurs missions en Inde et au Vietnam. « Marrakech est ma base, mais je me nourris de voyages et d’expériences. Découvrir quelque chose que je ne connais pas est ce qui me motive le plus. » À cette période, Valérie Barkowki transforme son riad personnel, une belle maison datant du 17e siècle, en boutique-hôtel au cœur de la médina. Restaurée en 1999 par l’architecte belge Quentin Wilbaux, un autre amoureux du Maroc, la maison d’hôte de charme, qui se compose de trois suites et d’une chambre double, offre instantanément un sentiment de sérénité grâce à sa grande cour intérieure et à son joli rooftop. Depuis sa création, le projet Dar Kawa est une vitrine sur l’univers Valérie Barkowski. « C’est aussi un projet qui est né un peu par hasard. Cette maison montre un art de vivre. C’est important que tout y soit cohérent. Dans mon travail, tout réside dans les détails. » L’atelier qui produit ses pièces et sa boutique se trouvent à deux pas. « C’est un petit écosystème organique. »
En plus d’héberger des touristes et voyageurs de passage, la directrice artistique à 360° en a également fait une résidence d’artistes. De temps à autre, elle invite créatifs et designers à venir s’inspirer de la scène et de l’énergie marocaines. En janvier dernier, c’était ainsi le tour de Gia Abrassart, journaliste culturelle, entrepreneuse atypique et fondatrice de la boisson au gingembre Ginger G. venue se former à la cuisine marocaine. « Les croisements et les dialogues entre les métiers et les cultures me passionnent, poursuit encore Valérie. Certains savoir-faire traditionnels disparaissent progressivement. Je le vois au Maroc, mais aussi dans d’autres pays, de l’Inde à l’Egypte. Pour moi le créateur n’est rien sans l’artisan. L’intelligence artificielle ne pourra jamais remplacer le travail de la main. Il y a un vrai travail de préservation, puis de transmission des techniques. Je m’y attaque à ma petite échelle. Je vais avoir 60 ans et ma fille a choisi un autre métier. Je prépare tous les jours mes équipes à la suite. Je rêve que mon entreprise devienne un exemple et en inspire d’autres. »
Photo de couverture : © Tania Panova
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