Corinne Hubinont
17 April 2025
Les deux facteurs jouent un rôle. On sait que notre mode de vie occidental (alimentation riche en graisses animales, alcool, sédentarité , obésité,… ) , notre patrimoine génétique et notre environnement (pollution de l’air et des eaux, tabagisme, exposition aux UV,…) sont autant de facteurs incriminés dans la survenue des cancers. Cette maladie est en principe liée au vieillissement cellulaire puisque plus de 90% cas de décès liés au cancer surviennent après 40 ans. Néanmoins, la survenue de cancers chez les jeunes enfants et adultes est préoccupante de par sa fréquence en augmentation mais aussi par ses conséquences sur la vie familiale et sociale (scolarité, travail, fertilité, qualité de vie ).
Certaines tumeurs qui touchent les enfants et jeunes adultes sont liées à une prédisposition soit par une anomalie génétique connue dans la famille ou bien par une mutation apparue sans histoire familiale chez l’individu (on parle de mutation de novo). C’est le cas de tumeurs rares comme le rétinoblastome et certaines tumeurs cérébrales dont on a identifié la mutation génétique responsable de la tumeur, ce qui va offrir des perspectives de traitements ciblés. Ceci implique donc de prodiguer un conseil génétique dans les familles où on note la survenue fréquente d’un type de cancer afin d’optimaliser le dépistage en le réalisant plus souvent ou plus précocement. C’est le cas de certains cancers du sein chez les patientes porteuses de mutations comme BRCA1 qui ont 70% chances de développer un cancer du sein et 45% un cancer de l’ovaire.
Seuls ou bien associés à une prédisposition génétique, certains facteurs de notre environnement sont responsables de la survenue de cancers comme les rayons UV, la fumée de tabac et les radiations ionisantes. On parle aussi de l’impact des microplastiques provenant de nos déchets et qui sont présents de plus en plus dans la terre et dans l’eau. Il est possible que certains agents de notre environnement soient mutagènes (induisent des mutations génétiques) en perturbant la réplication de l’ADN lors des divisions cellulaires soit en activant certaines enzymes qui vont induire des mutations.
Un exemple de virus connu pour son oncogénicité pour le cancer du col utérin est le Human Papilloma Virus (HPV). Il existe depuis une vingtaine d’année, un vaccin efficace contre les types d’HPV les plus agressifs qui peuvent entrainer des cancers du col chez les jeunes femmes. La vaccination qui est proposée et remboursée dans notre pays aux jeunes garçons et aux jeunes filles, est un excellent moyen de prévention du cancer du col de l’utérus qui pourrait être amené à disparaitre quand la couverture vaccinale atteindra 80% de vaccination chez les jeunes.
Notre immunité est liée à de nombreux facteurs, dont en particulier la qualité de notre microbiome (colonies de bactéries) intestinal. Celui-ci peut être perturbé dès notre naissance si par exemple nous naissons par césarienne. Une étude a montré que cette voie d’accouchement peut entrainer à long terme la survenue de certaines maladies auto-immunes comme le diabète ou la maladie de Crohn. Par analogie, on peut imaginer le rôle d’un microbiome perturbé sur l’immunité et la survenue de cancers. C’est une piste d’étude en cours qui pourra s’avérer intéressante.
En conclusion, cette augmentation de l’incidence de cancers chez les enfants et les jeunes adultes est préoccupante pour la société et doit impliquer des mesures en matière de santé publique. Tout d’abord, de la prévention : Elle est indispensable et devrait avoir lieu à l’école avec des campagnes sur les risques du tabagisme ,de la « malbouffe », de la pollution à tous les niveaux (privilégier l’alimentation « bio », prise en charge des déchets, choix d’énergies propres,…). Heureusement, les progrès de la Médecine sont là pour aider la prise en charge des malades par des méthodes de diagnostic précoce, du dépistage à grande échelle, des traitements de plus en plus ciblés et avec le moins d’effet secondaires.
Le Dr. Corinne Hubinont, gynécologue obstétricienne de renom, est Professeur Émérite en obstétrique à l’UCLouvain dont elle a également été pendant des années la cheffe de service clinique du département d’obstétrique (médecine fœtale et maternelle) et la responsable à l’IREC du département de recherche en obstétrique.