Stéphane Lémeret
28 October 2024
Quand le fameux 4×4 en question (le Land Rover Defender, descendant direct du Series I de 1948) a tiré sa révérence en 2016, il a laissé derrière lui d’innombrables “orphelins”, qui aimaient tout autant le modèle pour ce qu’il était en tant que véhicule que pour la valeur symbolique qu’il avait acquise. Parmi ces orphelins, un certain Jim Ratcliffe. Pardon : Sir James Arthur Ratcliffe, pour être précis, un ingénieur britannique devenu milliardaire grâce à Ineos, géant chimique qu’il a fondé en 1998. Jim aimait tant le Defender qu’il a, à l’annonce de la fin de sa production, contacté Land Rover pour proposer de racheter tout l’outillage de fabrication du modèle, et de continuer à le faire vivre. Land Rover a refusé. Qu’à cela ne tienne, Ratcliffe a alors décidé de lancer son propre concept de véhicule tout-terrain, évidemment inspiré du Defender, mais en mieux. En interne, ce projet porte le nom de “Projekt Grenadier”. Pourquoi “Grenadier” ? L’explication ne pourrait être plus typiquement british : “The Grenadier” est le nom du pub préféré de Ratcliffe à Londres, où a été évoquée pour la première fois l’idée du véhicule. Rien que cela, c’est un excellent début de légende !
© Ineos
En 2020, Ineos Automotive publie les premières informations et les premières images de son futur véhicule. La ressemblance avec le Land Rover n’échappe à personne, ce qui fait déjà vibrer un certain public. On apprend en même temps que deux entreprises on ne peut plus sérieuses sont de la partie : les autrichiens de Magna Steyr ont participé à l’ingénierie, tandis que moteurs (essence et diesel) seront fournis par BMW. Sur papier, c’est la crème de la crème qui est sur le projet ! Le monde bouillonne d’impatience de voir enfin arriver celui qui “reprend le flambeau”. Reste donc à trouver où fabriquer ce bel animal…
Initialement, il est prévu de construire une toute nouvelle usine au pays de Galles mais finalement, l’histoire britannique devient européenne, puisqu’Ineos se voit proposer par un constructeur allemand de racheter son usine française. Ce sera donc en Lorraine, dans l’ancienne usine Smart de Mercedes, que naîtra l’Ineos Grenadier. La production est lancée en octobre 2022.
© Ineos
Il nous a fallu attendre encore un peu plus d’un an pour goûter enfin à ce véhicule prometteur, ce qui fut fait en janvier de cette année. Et nous avons découvert un Ineos Grenadier offrant tout ce que nous attendions de lui, et bien plus. Premièrement, c’est un véhicule très charismatique quand on est en sa présence. Et curieusement, malgré sa très nette inspiration esthétique, il parvient à affirmer sa propre personnalité. Si bien que l’on oublie vite la référence au Land Rover. À bord, il parvient à créer une harmonie étonnante entre modernité et rusticité, entre numérique et analogique…
Sur la console, un vaste écran tactile cohabite avec une foule de boutons physiques, dans une esthétique quasi militaire. Au plafond, quelques autres boutons pour l’éclairage de bord, les fonctions de franchissement, ou les équipements auxiliaires que l’on pourrait ajouter au Grenadier. Et même si ces bidules devaient rester sans fonction pour toujours, l’ambiance à bord profite néanmoins de leur présence.
Et à l’usage ? Bien sûr, on aurait envie d’organiser un comparatif mettant face à face le Grenadier et son inspirateur. Sur papier, il nous semble que l’Ineos est encore meilleur en tout terrain que le Defender, notamment grâce au triple verrouillage de différentiel, dont seul le Mercedes Classe G dispose aujourd’hui. Mais, au fond, qu’il soit meilleur ou non importe peu. Le fait est que l’Ineos Grenadier ne se laisse impressionner par aucun terrain hostile !
© Ineos
© Ineos
En revanche, il est indiscutable que l’Ineos prend le large sur la route. Il est forcément plus confortable, plus habitable et plus silencieux. Merci, entre autres, à l’onctueux 6 cylindres 3 litres de chez BMW. Durant l’essai, nous disposions du bloc essence fort de 286 chevaux et 450 Nm (249 ch/550Nm pour le 6 cylindres 3 litres diesel), dispensant une sonorité très agréable, même à vitesse autoroutière. Avec l’Ineos, on peut donc imaginer ce qui n’était possible avec le Defender que moyennant un certain sens du sacrifice pour le confort et une grande résistance aux maux de tête : de longs voyages.
Reste à préciser que l’Ineos Grenadier a en commun avec feu le Defender de ne guère être particulièrement maniable en ville et d’adorer les passages à la pompe. Enfin, l’Ineos aussi a conscience de son pouvoir de séduction et le fait payer au moins 77 000 euros pour un exemplaire neuf. Mais au vu des qualités de l’engin, c’est largement justifié !
Photo de couverture : © Ineos