Rédaction
02 June 2017
Dans la majorité des États, les propriétaires étrangers d'une seconde résidence sont généralement vus comme des citrons à presser. La France est l'exemple par excellence de cette règle. Impôt des non-résidents sur le revenu, ISF, droits de succession, droits de donation, droits de mutation et autres impôts locaux en France sont tous prévus pour être aussi appliqués à des propriétaires belges d'un immeuble en France. Particularité française, ces impôts sont souvent élevés. Il en résulte que globalement la pression fiscale sur une seconde résidence française est importante. Art de vivre à la française et météo plus clémente ont un certain coût pour les Belges.
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Cette dernière décennie a vu la fiscalité en France augmenter sensiblement, que ça soit sous Sarkozy ou sous Hollande.
Sarkozy augmenta par exemple la durée de détention de 15 ans à 30 ans pour que votre plus-value immobilière soit entièrement exonérée. Résultat, au lieu de vendre en se faisant ponctionner une partie importante de son prix de revente, le propriétaire immobilier a conservé son bien, préférant accumuler les abattements latents au fil des années. Il est humain de ne pas préférer payer maintenant (beaucoup) d'impôts que moins, voire pas, plus tard. L'effet collatéral fut la diminution des transactions immobilières et en conséquence la chute des droits de mutation dans les recettes fiscales françaises.
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Sous l'ère Hollande, on peut identifier deux phases au niveau de la fiscalité. Lors de la première en 2012, Hollande a voulu appliquer le programme sur lequel il avait été élu : choc fiscal et fiscalité plus 'juste' étaient au menu pour les fortunés. Sans conteste, sa mesure phare a été la taxation au taux stratosphérique de 75% des revenus dépassant un million d'euros par an. Cette mesure rapporta très peu au Trésor français. Elle provoqua par contre l'exode de bon nombre de dirigeants d'entreprises, fortunés, sportifs et artistes à l'image de Gérard Depardieu qui atterrit chez nous à Néchin. Elle donna surtout un grand coup à l'image de la France, présentée par les médias étrangers comme un endroit où le produit de la réussite était confisqué. La deuxième phase est à l'hiver 2013-2014. Constatant la faillite de sa politique fiscale désastreuse qui provoqua une diminution du prix de l'immobilier à Paris et à la Côte d'Azur, ainsi qu'une image désastreuse du pays à l'étranger, Hollande entama un revirement dans sa politique fiscale. L'augmentation continue de la fiscalité à des sommets ne pouvait plus durer. Il décida par exemple de diminuer pour tous les propriétaires immobiliers la période de détention de 30 ans à 22 ans pour obtenir l'exonération entière de la plus-value. Il supprima également sa mesure symbolique du taux à 75% deux ans seulement après sa création.
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Macron maintenant élu, quelles sont ses mesures prévues qui impacteront les propriétaires belges d'une seconde résidence française ?
Son programme sur l'immobilier et le logement comporte principalement deux mesures phares qui ont fait du bruit pendant la campagne présidentielle.
La première, c'est la suppression/transformation de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Cet impôt est remplacé par un Impôt sur la fortune immobilière (IFI). Voilà comment faire du neuf avec du vieux. Avec le même seuil d'assujettissement de 1,3 million d'euros, les mêmes taux et barèmes, la même exonération de la résidence principale, l'IFI ressemble fortement à l'ISF. La seule différence est le champ d'application. Dorénavant, seront uniquement pris en considération vos biens immobiliers français. L'objectif clairement avoué par Macron est d'exonérer tous les actifs financiers qui concourent selon lui au financement de l'économie réelle. Par cette mesure, intelligemment Macron facilite aussi le travail de contrôle du fisc français. Les immeubles français sont répertoriés, ont une valeur peu contestable et, surtout, ne peuvent pas être transféré vers des cieux plus exotiques. Les possibilités d'évasion seront quasi nulles.
Concrètement, cette mesure aura pour conséquence certaine une diminution d'impôt pour les Français et réduira la fuite des fortunés d'entre eux de l'Hexagone. Elle n'aura par contre que peu d'impact pour les Belges du fait que le gros de leur patrimoine français est souvent constitué de leur seconde résidence française. Les propriétaires belges continueront donc à payer un montant semblable à avant au Trésor français, que cet impôt s'appelle IFI ou ISF.
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La deuxième mesure phare, c'est la suppression dans 80% des cas de la taxe d'habitation.
Tant pour les propriétaires français que pour les belges, elle représentera une économie de quelques milliers d'euros par an.
C'est une bonne chose à souligner car depuis toujours cet impôt local a quelque chose d'injuste, voire d'incorrect. Il peut considérablement varier pour deux biens similaires en fonction de leur situation car son taux est fixé par les communes. Il est par ailleurs déterminé sur base de la valeur locative cadastrale de votre bien, valeur qui a été fixée en 1970 et n'a plus été revue depuis lors. Cette valeur n'a par conséquent pas suivi les évolutions du marché immobilier français depuis plus de 40 ans. La Belgique connaît la même bizarrerie avec le précompte immobilier et les additionnels communaux pouvant considérablement varier d'une commune à une autre.
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Quid maintenant si vous envisagez ces prochaines années de vendre votre seconde résidence française ? Macron a déclaré ne pas vouloir toucher aux dispositions actuelles concernant les plus-values. Il en résulte que votre plus-value sera imposée à l'impôt sur le revenu, au taux de 19%, et aux prélèvements sociaux, au taux de 15,5%. Elle sera totalement exonérée de ces impositions après respectivement 22 ans et 30 ans.
Sur ce point, il est dommage de constater que Macron fasse preuve d'un certain conservatisme, laissant l'immobilier au rang d'un des actifs français les plus taxés. À titre de comparaison, la plus-value que vous réaliseriez sur une seconde résidence en Belgique est imposée en principe à 16,5% et totalement exonérée après 5 ans. Elle n'est imposée que très rarement au taux de 33% si la vente est spéculative. Macron semblant vouloir favoriser les actifs mobiliers participant à l'économie réelle, il est regrettable que l'exonération totale de la plus-value ne soit acquise qu'après 30 ans. Justement même, si Macron veut voir plus de moyens financer ce qu'il appelle « l'économie réelle », alléger la fiscalité immobilière est une des recettes. La fiscalité actuelle ne favorise en rien le réinvestissement dans l'économie réelle, dans un pays où le prix de la brique a fortement augmenté ces dernières décennies.
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On l'a compris, Macron entend garder le statu quo au niveau de la pression fiscale sur l'immobilier français. C'est regrettable tant pour les Français que pour les Belges.
Macron semble oublier que trop d'impôts tue l'impôt. Comme l'a démontré l'économiste américain Arthur Laffer, si dans un premier temps une augmentation des taux d'imposition fait augmenter les recettes fiscales, cela n'en va pas infiniment ainsi. À un certain niveau d'imposition, on constate une diminution des recettes fiscales. Cela vaut naturellement aussi pour la pression fiscale des différents impôts sur l'immobilier en France. Pire même, trop d'impôts peut parfois engendrer des comportements de fraude ou d'adaptation des comportements des individus. On le voit par exemple avec l'immobilisme des propriétaires immobiliers français dû à la lourde imposition sur la plus-value immobilière. Ce même phénomène a aussi été constaté en Belgique avec par exemple la création de la taxe sur la spéculation en janvier 2015 qui a beaucoup fait parler d'elle. Cette taxe imposait à 33% les plus-values sur actions réalisées moins de 6 mois après l'achat. Qu'ont fait les résidents Belges actifs en Bourse ? Attendre plus de 6 mois pour céder leurs titres. L'autre constat collatéral de cette taxe a été une diminution drastique des recettes d'une autre taxe, la taxe sur les opérations boursières, suite à la diminution des transactions en Bourse. Douze mois après sa création, le gouvernement Michel décida à juste titre d'abroger cette taxe. Autre exemple belge révélateur : la hausse des accises sur le tabac et l'alcool décidée fin 2015 par le gouvernement Michel. Les consommateurs belges ont adapté leur comportement en cherchant des alternatives moins chères, notamment dans les pays transfrontaliers. Le gouvernement a obtenu l'effet inverse qu'attendu, une diminution des recettes fiscales et un trou budgétaire à devoir résorber.
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En conclusion, l'approche fiscale de Macron sur l'immobilier est faite de demi-mesures. Pour le propriétaire belge, seule la suppression de la taxe d'habitation peut diminuer les nombreux impôts français qu'il a à payer. Pour lui, le remplacement de l'ISF en IFI n'est qu'un changement d'emballage, la fiscalité restera conséquente. Macron veut donner satisfaction un peu à droite et un peu à gauche, tout en ne se revendiquant n'être d'aucun des deux côtés. En Belgique, la Flandre en juillet 2015 a décidé de diminuer drastiquement les taux des droits de donation. Il en a résulté une augmentation massive des donations et une explosion des recettes fiscales. Les Régions bruxelloise et wallonne ont intelligemment suivi l'exemple. Voilà une approche fiscale à privilégier.
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