Bruno Colmant
25 November 2024
En 1202, Fibonacci publie son ouvrage Liber Abaci (“le livre des calculs”), dans lequel il s’essaie à différentes formulations arithmétiques en matière de théorie des chiffres. Mais le nombre d’or constitue sans conteste son apport principal, bien que des doutes encerclent encore son invention originelle. Fibonacci n’en est pas l’inventeur, mais il a utilisé une formulation originale pour l’exprimer.
L’histoire tient en un problème, très simple. Imaginons un couple de lapins. Après deux mois, ce couple donne naissance, chaque mois, à un autre couple, qui lui-même, après deux mois, donne naissance, chaque mois, à un autre couple de lapins, etc. En supposant que les lapins ne meurent jamais (ce qui permet l’expression d’une suite croissante), combien de lapins y aura-t-il après un an ?
Essayons de résoudre l’énigme. Après un mois, il n’y a toujours qu’un couple. Après deux mois, il y a deux couples, à savoir le premier couple et le second, auquel il vient de donner jour. Après trois mois, il y a trois couples, c’est-à-dire les deux couples du mois précédent, plus un nouveau couple auquel le couple originel vient de donner naissance.
L’exercice est un peu fastidieux (nous l’avons péniblement effectué). Après douze mois, le nombre de couples de lapins s’élève à 233. La forme récurrente de la suite est exprimée au moyen d’une séquence 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 24, 55, 89, 144 et 233. Le nombre d’or est alors à portée de main. Il s’obtient en divisant un nombre de la suite par le précédent. Par exemple, en divisant 233 par 144, on obtient 1,618. Si on effectue le même calcul pour des nombres plus élevés de la suite, on obtient une convergence plus précise vers ce nombre d’or, dont les premières décimales sont 1,6180339…
La magie de ce nombre est incontestable, car il est source d’esthétique. On le note “phi” en hommage au sculpteur grec Phidias qui participa, au Ve siècle avant Jésus-Christ, à la décoration du Parthénon sur l’Acropole, à Athènes. Le moine franciscain Luca Pacioli (1445-1517), l’inventeur de la comptabilité, parla de “divine proportion”, tandis que Léonard de Vinci le qualifia de “section dorée”.
On trouve des traces du nombre d’or en Égypte. Le rapport de la hauteur de la pyramide de Khéops et de sa demi-base est égal au nombre d’or. On identifie aussi des formulations du nombre d’or dans la nature (circonvolution en spirale des coquillages) et dans d’autres œuvres humaines.
Dans le domaine boursier, Fibonacci a suscité des vocations. On recense, par exemple, les arcs de Fibonacci (destinés à mesurer les vagues successives d’une correction boursière), les jours des cycles de Fibonacci et les seuils de résistance. Ceux-ci sont calculés comme des cours limites, chacun dans un rapport de 1,618 avec le précédent. Ainsi, si un seuil de résistance de cours est à 10 euros, les suivants seront à 16,18 euros, 26,18 euros (c’est 16,18 euros multipliés par 1,618), etc. Certains opérateurs boursiers utilisent donc le nombre d’or pour déterminer des niveaux potentiels où les prix peuvent se retourner. Ces niveaux sont calculés en utilisant les ratios dérivés de la suite de Fibonacci, notamment 23,6 %, 38,2 %, 50 %, 61,8 % et 100 %. Le niveau de 61,8 % est particulièrement important, car il est considéré comme le niveau correspondant au nombre d’or. Cet outil permet aux courtiers de mesurer le pourcentage de retournement d’un marché entre deux points significatifs (un sommet et un creux). En traçant les niveaux de retracement, les opérateurs peuvent identifier des zones où le prix pourrait rebondir avant de poursuivre sa tendance initiale. Par exemple, si un actif a connu une forte hausse, un retracement à 38,2 % ou 61,8 % peut signaler une opportunité d’achat si le prix rebondit à ces niveaux.
La recherche académique financière n’a jamais dévoilé les arcanes du nombre d’or. Mais fondés ou espérés, les mystères boursiers de Fibonacci resteront une algèbre fascinante.