Virginie Draelants
20 November 2024
L’Éventail – Comment l’association Action Autonomie Avenir a-t-elle vu le jour ?
Patrick Manac’h – Les débuts remontent à environ trente-cinq ans, avec l’aide d’une amie, Cécile Pelous (présidente de AAA – NDLR), nous avons recueilli des enfants en grande détresse, au Népal. Il a fallu structurer cette action. Ces enfants-là ont grandi et, aujourd’hui, il y a encore une centaine d’enfants dont nous nous occupons au Népal. Quand je suis arrivé au Maroc pour ouvrir la Maison de la Photographie, en 2009, je n’avais pas l’intention de dupliquer un programme népalais… sauf que je suis allé en randonnée sur le plateau du Yagour et que j’ai croisé, Rachid Mendeli, berger issu d’une longue généalogie de transhumants. C’est de là que tout est parti, selon les besoins des enfants vivant dans les villages isolés. Vivant au Maroc, je suis un peu le chef d’orchestre de nos actions sur place, mais je suis loin d’agir seul ! C’est avant tout un travail en équipe et de transmission. Sans personnes formidables et engagées, sur place, je n’aurais rien fait du tout. Quand on rencontre localement des personnes solides et engagées elles-mêmes, cela vaut la peine de les aider… mais je n’aime pas ce mot… de les faire participer. On échange, on partage un instant d’éternité ensemble.
© AAA
– L’éducation et l’instruction sont au cœur de l’action de AAA…
– Rachid m’avait dit qu’il n’y avait pas d’écoles maternelles et aucun programme officiel en ce sens. On l’a donc aidé à ouvrir une première école maternelle, puis j’ai croisé sur un chemin de montagne Manuela Del Marmol (notamment fondatrice de Kisany – NDLR) et, par hasard, nous allions tous les deux voir le chantier d’une nouvelle école pour laquelle il manquait un peu de fonds. Je le lui ai dit, elle a fait le tour de ses contacts et l’école a été construite. Ensuite, grâce à elle, on a repris un certain nombre d’école qui avaient été initiées par des associations mais sans suite, sans suivi. C’était ce que j’appelle des rêves cassés, non accomplis. Nous avons refait une enquête de terrain et redynamisé les rêves de sept ou huit villages. On a créé une cartographie des écoles maternelles et il a fallu former des jeunes filles vivant dans les villages pour devenir maîtresses d’école. Finalement, l’État marocain a décidé de créer, lui aussi, des écoles maternelles et je pense que l’administration locale a été heureuse de récupérer les bâtiments que nous avons construits.
© AAA
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– Quelle est la situation aujourd’hui ?
– Nous scolarisons grâce aux infrastructures en place plus de deux mille enfants en préscolaire. L’avantage avec ces classes maternelles, c’est de familiariser les petits à la langue arabe, puisqu’ils viennent de populations amazighes ou berbères. Le primaire est organisé, globalement, dans chaque village et quand ils y arrivent, les enfants ne perdent pas trop de temps en adaptation. Quand vient le moment du collège, puis du lycée, dans la vallée de l’Ourika, on ne compte qu’une seule école, située à Aghbalou. Grâce à l’effort – un gros effort – de quelques amis, on a pu ouvrir un autre établissement, toujours à Aghbalou, à mi-chemin dans la vallée. Il accueille aujourd’hui deux mille collégiens et lycéens. Mais il fallait pouvoir loger une partie de ces adolescents et pour cela, on a commencé par louer une petite maison pour loger neuf jeunes. L’année suivante, on a acheté une maison, plus grande, pour y loger dix-huit garçons. De fil en aiguille, on loge aujourd’hui une centaine d’adolescents dans les divers internats.
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– Cela leur facilite sans doute grandement la vie… D’autant plus après le terrible séisme de septembre 2023.
– Oui, car leurs villages sont éloignés et, sinon, ils ne pourraient pas fréquenter le collège. Tous ont été touchés par le séisme, mais pas anéantis. Quand le séisme s’est produit, j’ai reçu beaucoup d’appels de gens dans l’émoi, et j’ai dû répondre que je ne suis pas un urgentiste. Toute la générosité marocaine d’abord, européenne ensuite, a eu du mal à être canalisée. On trouvait des paniers remplis, simplement posés au bord de la route… Mais si notre association ne regroupe pas des urgentistes, nous avons poursuivi et amplifié notre programme. Après le tremblement de terre, on a loué une autre maison, on l’a équipée et on a pu y loger quarante-huit collégiens, leur offrant une solution immédiate. En fait, tout avait démarré comme une modeste initiative et qui s’est amplifiée. Aujourd’hui, le champ de coquelicots est en fleurs !
– Comment aimeriez-vous voir évoluer l’action de l’association AAA au Maroc ?
– Le programme que nous avions souhaité établir dans la vallée de l’Ourika est à peu près concrétisé. Ainsi, nous avons répondu à une initiative locale de loger dans un internat neuf jeunes filles d’un village très isolé. Nous avons rencontré la personne à l’origine de ce programme local et elle accueille désormais quatorze jeunes filles. Ce qui me fait plaisir est de voir l’ensemencement des idées : sur un modèle concret et avec un coup de main, on peut beaucoup ! Je souhaite par-dessus tout que des initiatives locales naissent et qu’ensemble, on puisse les fortifier, jusqu’à trouver d’autres relais sur place, puis à assurer le suivi. C’est ainsi que nous aimons procéder : pour ainsi dire, les petites pierres créent l’avalanche.
Photo de couverture : © Fugazi Images, Shutterstock.com
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