Corinne Le Brun
14 October 2020
La nature tient un rôle majestueux dans le film, un environnement que le réalisateur a connu dans son enfance. Raphaël Jacoulot, fils aîné d'agriculteurs et père lui-même, livre un thriller amoureux sur le désir (fou) de paternité, peu vu au cinéma. La musique inquiétante, les images éblouissantes, les interprètes excellents font monter la tension. Jalil Lespert donne une profondeur à François, patron rugueux qui perd pied en découvrant la passion amoureuse et la paternité rêvée. Rencontre au Festival International du Film Francophone à Namur.
Eventail.be - Vous fallait-il du recul pour incarner un homme obsédé par la paternité ?
Jalil Lespert - Quand j'ai lu le scénario, j'ai été ému par son désir d'être père, peut-être parce que je le suis moi-même. Ce qui m'a le plus touché, c'est la problématique du fils et de l'enfant qu'il était dans la mesure où lui-même n'était pas encore fini. Pour moi, c'est quelqu'un qui n'arrive pas à choisir sa vie. Son rêve d'enfant est un rêve très fantasmé. François a un désir de père complètement fou. Ce n'est pas une question de paternité, ni de savoir comment il va gérer l'enfant car, pour lui, la nécessité d'être père, dans son esprit, c'est d'être un homme entier. Il est conditionné depuis son plus jeune âge où l'hérédité, la transmission passent avant tout. Etre père est pour lui la formule pour être un homme accompli.
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- Son besoin d'enfant est fragile...
- Comme le couple fait un parcours en PMA qui ne fonctionne pas, il se tourne vers l'adoption que François ne souhaite pas d'ailleurs. Quand la psychologue lui pose la question c'est quoi pour lui être père, il se voit lui enfant avec son père, il en parle comme une fille. On voit qu'il n'est pas prêt. Pour moi, on devient père. Il y a de l'instinct mais, au fond, on grandit avec l'enfant, des scènes de vie s'additionnent. Franchement, j'aurais du mal à répondre à cette question.
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- François tombe amoureux de Patricia qui tombe enceinte. Pour garder cet enfant, il est prêt à tout...
- Peu importe les conséquences. Ce que je trouvais beau dans la passion qui lui tombe de dessus, c'est qu'on n'est pas dans la petite amourette. François n'est pas un coureur. Il est très amoureux de sa femme avec qui il traverse des moments difficiles qui ont abîmé leur couple. Dans ce moment de faiblesse, un autre couple de citadins débarque dans ce village. Une femme très belle l'impressionne et va le subjuguer. Et cela va être irrépressible pour lui. Il va vivre avec elle une passion amoureuse qu'il n'a probablement jamais connue. Il est un adolescent dans cette passion. Bien sûr, il ne s'attend pas à ce qu'elle soit enceinte car il pensait que lui-même était stérile. Quand elle le lui annonce, il est à la fois abasourdi et en même il réalise qu'il peut être père. Il a une réaction enfantine. Il dit on changer de vie, mais il n'entrevoit pas du tout, assez égoïstement, les dégâts autour de lui, alors que Patricia est plus raisonnable. François n'a jamais eu à décider par lui-même, il s'est laissé porter.
- Très peu de films abordent le désir d'être père. Des personnages vous ont-ils inspiré ?
- J'ai pensé vraiment à Jean Yanne parce qu'il y a quelque chose de très chabrolien dans le scénario. La montagne, la scierie, la forêt...cette ambiance constitue une menace qu'on sent dans tout le film. Cette dimension de brutalité, de violence quelques fois tout en étant dans de la candeur fait qu'on comprend les fêlures de François. Ceci dit, j'ai suivi les instructions du metteur en scène.
- Vous incarnez un père dans Post Partum1, déjà aux côtés de Mélanie Doutey. Ce type de personnage vous attire particulièrement ?
- Mélanie est magnifique dans les deux films. On commence à me proposer des rôles de père de garçons ou de jeunes filles de vingt ans. Ce n'est plus dans les bébés. Je vieillis. Ce qui me plaît ce n'est pas juste de jouer un père. J'apprécie un les aspects multiples d'un personnage. Les facettes insondables de François le mettent devant un dilemme énorme. Sa richesse intérieure m'a touché.
- Vous êtes acteur et réalisateur, notamment de Yves Saint-Laurent, Le Dindon...
- Je me plais dans les deux métiers avec beaucoup de joie. Je mesure la chance que j'ai. Je rédige un long métrage et une série de fiction. J'ai écrit et réalisé une série documentaire sur Dominique Strauss-Kahn qui va arriver sur Netflix et j'ai tourné comme acteur dans La Terre des hommes de Nael Marandin (Semaine de la Critique Cannes 2020, sortie début 2021, ndlr). J'ai retrouvé l'envie de jouer, que j'avais un peu perdue parce que je n'avais pas de projet qui me plaisait vraiment. Je ne suis pas pressé.
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