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Leonardo Van Dijl : « Nous sommes tous des Julie, à notre manière »

CinémaFilmInterviewMade in Belgium

Corinne Le Brun

16 October 2024

Leonardo Van Dijl suit l’itinéraire d’une jeune joueuse, entre silence et témoignage. Le jeune réalisateur flamand signe un premier long métrage puissant. Plutôt que de monter au filet et de dénoncer des pratiques malveillantes, le réalisateur explore tout en nuances le malaise intérieur d’une jeune joueuse qui a perdu confiance. “Julie Keeps Quiet” adopte un ton résolument optimiste, positif. Et courageux. Par la puissance de son silence, Julie peut dire beaucoup de choses. Rencontre avec Leonardo Van Dijl.

Grand espoir d’une académie de tennis prestigieuse, la vie de Julie, seize ans, vacille lorsque son entraîneur est suspendu de ses fonctions suite au suicide d’une élève. Le staff met en place des temps de parole pour entendre tous les joueurs. Julie va-t-elle parler ?

Eventail.be – Le sujet du film est délicat. Etait-ce difficile de trouver un club de tennis pour le tournage ?
Leonardo Van Dijl –
Non parce que le film traite de la libération de la parole. Il ne parle pas de l’abus. Il évoque le futur et l’influence d’un coach qui agit avec de bonnes intentions, : il est capable d’organiser le comment vivre ensemble dans un club de tennis. Le protocole est là pour protéger les athlètes mais aussi les coaches. Les clubs ont été ouverts au dialogue. Je ne voulais ni attaquer ni dénoncer. J’étais là pour écouter et cette écoute fait aussi partie du film. Je ne voulais pas dépeindre le tennis comme un univers sombre. Ce genre de situations arrive partout.

– Julie se tait, précisément…
Elle est poussée à parler mais personne ne l’écoute vraiment. Julie prend sur elle. Mais son entourage s’émancipe et comprend comment il doit écouter. C’est très important d’évoquer cet aspect des choses. Au lieu de me concentrer sur le mauvais entraîneur, j’ai voulu mettre en avant l’émancipation de Julie en tant que joueuse et en tant que personne. J’ai réalisé que nous étions tous des Julie, à notre manière, avec nos propres silences, notre incapacité à dévoiler des choses que l’on préfère taire. Pour se protéger, résister. Je ne pense pas que seul le statut de victime puisse résoudre les choses. Une victime est d’emblée associée à une forme de responsabilité. Pour moi, la collectivité est aussi impliquée dans la protection d’une personne. Quand le silence devient trop violent, trop destructeur, la victime aura envie de parler. Encore faut-il qu’elle puisse s’entretenir avec la bonne personne, pas forcément dans l’espace public. Un abus reste une affaire privée.

© DR

– Julie se libère avec un nouveau coach…
Oui parce que cela change tout. Au début, Julie n’accepte pas le remplaçant Bakie parce qu’elle estime que Jérémy est son coach. Elle est emprisonnée, d’une certaine manière. Inconsciemment, elle se libère parce que Bakie vient vers elle. Il l’écoute, de personne à personne, en dehors de la pression du groupe. Bakie gagne sa confiance et, du coup, Julie reprend goût au jeu et retrouve son énergie. Je voulais faire comprendre l’amour qu’elle a pour le tennis.

– Votre film s’inspire-t-il d’un fait réel ?
Non. J’ai tout inventé. Je voulais vraiment m’éloigner le plus possible de la réalité parce que je trouve que chaque silence appartient à chacun. On est dans l’intime. Souvent les histoires d’abus ou de harcèlement sont volées. Je ne voulais pas que d’autres disent « oui, c’est aussi mon histoire. » C’est le vécu de Julie, c’est tout. Mais j’ai quand même parlé avec des psychologues, des professeurs, des coaches. Des structures comme Child Safe Pratices ou Stage Gardening existent. Le joueur mineur doit se sentir en sécurité.

© DR

– Pour quelles raisons vous attachez-vous au tennis ?
J’ai réalisé une trilogie de trois courts métrages sur le sport et les jeunes : Stephanie, Get Ripped (Grand Prix du Jury au festival du film Outfest à Los Angeles en 2014, ndlr) et Empire. Cette expérience rend peut-être les choses plus faciles pour réaliser un premier long métrage. J’ai raconté l’histoire de Julie dans un univers que j’apprécie. Je pratique le tennis avec beaucoup de joie mais je ne suis pas un champion. Le tennis est passionnant. Il y a le jeu, le mouvement, le bruit de la balle et de la raquette, l’effort, la concentration, la maîtrise de soi…

– Vous avez choisi une joueuse de tennis pour incarner Julie
Je voulais travailler avec des vrais joueurs. Apprendre à un acteur de jouer au tennis était perdu d’avance. Tessa (Van Den Broeck) est une joueuse de haut niveau. En six mois, je pouvais lui apprendre à interpréter un rôle. Au début, Tessa était réticente. Son coach l’a finalement convaincue. C’était clair qu’elle était parfaite pour le rôle. Sur le plateau, j’ai proposé aux autres joueurs d’inviter leur famille ou leurs amis et j’ai encouragé l’équipe technique à interagir avec eux. Je ne voulais pas les isoler sous prétexte de préserver leur concentration. C’est un travail collectif.

– Comment avez-vous rencontré Naomi Osaka ?
– Florian Zeller
(The Father, 2020, The Son,2022) a une société de production à Los Angeles (Blue Morning Pictures, ndlr). Producteur délégué de Julie Keeps Quiet, il nous a mis en contact avec la star du tennis Naomi Osaka, elle-même productrice (Han Kuma, ndlr). Elle a accepté de voir notre projet et de nous rejoindre dans la production. Noami est une héroïne, une inspiration. Elle a changé le jeu et la philosophie du tennis.

Julie Keeps Quiet a été présenté en première mondiale à la Semaine de la Critique 2024 à Cannes. Prix SACD, Prix Fondation GAN à la diffusion, Prix Luciole pour la meilleure affiche à Cannes 2024. Julie Keeps Quiet représentera la Belgique aux Oscar.

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Informations supplémentaires

Film

Julie Keeps Quiet

Réalisation

Leonardo Van Dijl

Distribution

Tessa Van Den Broeck, Ruth Becquart, Claire Bodson, Koen De Bouw, Pierre Gervais, Laurent Caron

Sortie

En salles à partir du 16 octobre

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