Corinne Le Brun
11 December 2024
Les éditions Philippe Rey viennent de republier Les années-lumière, le premier roman de Serge Rezvani publié en 1967. Bien leur en a pris. Serge Rezvani se voit décerner le premier prix littéraire de sa vie avec le Prix Renaudot du livre de poche 2024. Le roman, lumineux, raconte l’enfance chaotique et la jeunesse aventureuse de Serge Rezvani pendant la guerre. Né en Iran en 1928 d’un père magicien et persan et d’une mère russe perdue trop tôt, Serge Rezvani a grandi seul, s’est formé par lui-même dans le Paris des années 40 et 50. Plus tard, il rencontre la lumière de son existence : Lula. Joie et drame. Le sel de toute (sa) une vie. Se définissant comme “indisciplinaire”, Serge Rezvani, aujourd’hui 96 ans, est également peintre et auteur de chansons dont l’inoubliable Le tourbillon de la vie, chantée par Jeanne Moreau. À noter que les éditions Philippe Rey republient également Les années Lula, l’histoire d’un amour fou racontée au présent de la vie, « ces années partagées minute par minute, heure par heure, jours, mois et années avec cette femme à la beauté digne de la folie esthétique du peintre, mais surtout, des félicités que peuvent éprouver deux esprits restés en perpétuelle rencontre.» À (re)lire.
Le beau-livre ultime de tous les concerts vient couronner plus de 60 ans d’une carrière exceptionnelle. Du haut de sa cinquantaine d’albums et de quelque 1 500 chansons, Sylvie Vartan est l’une des icônes les plus célèbres du répertoire français. À 80 ans, elle met un terme à sa carrière en 2025 et revient, dans ce beau-livre, et en compagnie du journaliste Benoît Cachin, sur ses plus beaux moments live, du 11 décembre 1961, aux tournées mondiales avec ou sans Johnny Hallyday, à son apothéose en janvier 2025 au Palais des Congrès de Paris. « Et puis surtout, il y a les affiches originales photographiées chez Mychèle Gaumet, LA collectionneuse de tout ce qui touche à Sylvie Vartan en version papier et surtout les commentaires de Sylvie sur tous ses concerts » explique Benoît Cachin qui signe ici son quatrième ouvrage consacré à Sylvie, la star des années yéyé. À feuilleter sans modération.
L’ouvrage de Jean-Claude Grumberg, publié en 2019, multi-récompensé, rend hommage aux Justes durant la Seconde Guerre mondiale. La plus précieuse des marchandises raconte l’histoire d’un couple de modestes bûcherons qui recueille, en Pologne, en plein hiver, un bébé jeté par la fenêtre d’un convoi de déportés, en route vers le camp de concentration d’Auschwitz. Michel Hazanavicius a adapté le conte éponyme au cinéma, en réalisant un film d’animation époustouflant, actuellement à l’affiche. Lauréat de l’Oscar et du César du meilleur réalisateur en 2012 pour The Artist, le cinéaste français révèle un talent de dessinateur bluffant, préférant la suggestion des images animées – ou pas – qu’il a lui-même dessinées pour tenter de montrer l’insupportable à l’écran. Quelque chose de très doux apparaît. La nouvelle édition de La Plus Précieuse des marchandises rassemble un choix de dessins et extraits des carnets de travail de Michel Hazanavicius. Une petite merveille d’humanité et de délicatesse.
Des portraits de femmes, réalisés par 69 femmes photographes. Laure Adler les présente toutes comme des combattantes. Dans Les femmes photographes sont dangereuses, on rencontre Lee Miller, Sarah Moon ou Agnès Varda. Parmi les moins connues, on croise notamment Ouka Leele : l’artiste espagnole rehausse ses photographies par l’aquarelle, des couleurs criardes. Effet kitch assuré. Dès le XIXᵉ siècle, de nombreuses femmes s’emparent de la photographie naissante. Pourtant, dans tous les domaines, elles se heurtent trop souvent à un manque de reconnaissance et de visibilité. Laure Adler les met à l’honneur à travers une sélection de choix personnels, des pionnières incontournables aux figures oubliées en passant par de jeunes découvertes. Après, notamment, Les femmes qui lisent sont dangereuses (2020), Les femmes qui écrivent vivent dangereusement (2022), publiés chez Flammarion, Laure Adler, journaliste, historienne, écrivaine, pose son regard frondeur, féministe sur les risques du métier de photographe quand on est femme.
On connaît tou(te)s l’icône des années 2000. Surprise. Britney Spears devient le sujet d’un récit féministe. Adolescente, l’auteure Louise Chennevière (32 ans) était folle de Britney. Elle voulait être Britney. Comme des millions de jeunes filles, elle dansait, elle chantait sur Baby one More Time. Sous le regard réprobateur de ses parents, de tous les parents. Trop sexuée, vulgaire, Britney échappe au bon goût. Adulte, Louise Chennevière dévore La femme en moi, les mémoires de la star (2023). « En deux nuits, j’ai réalisé comment j’ai eu honte, adolescente, d’avoir aimé Britney. D’où vient cette honte, ce dégoût pour ses passions de petite fille ? ». Louise Chennevière décrit en parallèle les destins de Britney Spears et Nelly Arcan, mannequin, jeune auteure canadienne, victime de sa beauté incandescente. L’une et l’autre sont tenaillées entre le désir et la mort. « “Objet sexuel absolu”, leur corps “hors de contrôle”, corseté, surveillé, volé, fera les gorges chaudes des médias. De l’hypersexualisation à la difficulté de se (ré)approprier son corps, Louise Chennevière parle de Britney, de Nelly et d’elle-même. Voilà un tract, un récit audacieux. Juste. Les phrases longues, quasi sans ponctuation, voire non terminées, surgissent d’une énergie folle que chaque mot propulse. Un récit puissant, libérateur.
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