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Rebecca Marder : « Quand on défend une cause, on est prêt à tout »

CinémaFilmInterview

Corinne Le Brun

15 March 2023

Dans “Mon crime”, Rebecca Marder incarne une jeune avocate dans les années 30. Très inspiré, François Ozon signe ici une comédie féministe loufoque et jubilatoire qu’il mène d’une main de maître. Rencontre avec Rebecca Marder, 27 ans.

Madeleine (Nadia Tereszkiewicz) est une jeune actrice naïve accusée d’un meurtre. Son amie Pauline (Rebecca Marder), jeune avocate sans travail, défend la cause des femmes dans les années 30.

Eventail.be – Auriez-vous imaginé pouvoir jouer le rôle de Madeleine, jeune actrice ?
Rebecca Marder – Nadia et moi avons fait toutes les deux des auditions. On m’avait demandé d’apprendre les deux rôles. Nadia était la parfaite Madeleine. Du coup, je passais l’audition pour le personnage de Pauline, l’avocate. Je suis très heureuse d’avoir pu incarner ce personnage. Le choix de François est très fin. Madeleine et Pauline sont tellement complémentaires et, au-delà de ces clichés de la blonde et de la brune, François les a rendues toutes les deux très malicieuses, très intelligentes et complices. Nadia n’est pas complètement la blonde écervelée, elle a du caractère. Pauline, elle, est très dévouée, plus en retrait. Elle est la confidente. Elle m’émeut beaucoup quand elle dit « les histoires d’amour c’est pour les autres et pas pour moi. » J’aime être le souffleur.

© DR

– Avocate au chômage, Pauline est prête à tout, y compris à mentir, pour défendre la cause des femmes…
La fin justifie les moyens. Pauline et Madeleine sont des femmes visionnaires. Elles ont quand même un siècle d’avance sur leur temps. Elles ont envie de travailler, elles veulent que la parole soit libérée. Le métier d’avocat a des similitudes avec celui d’acteur. La salle d’audience est un huis clos qui ressemble un peu à la salle de théâtre, il s’agit de prendre la parole, de faire une diatribe. Il y a quelque chose de très jubilatoire dans les scènes avec Michel Fau, en affreux avocat général. Pauline n’est pas une menteuse. Quand on défend une cause, on est prêt à tout. Cela relève de la dévotion. Pauline ne travaille pas et là c’est l’occasion rêvée de pouvoir s’exercer et même de découvrir son métier. Dans le film consacré à Simone Veil Simone, le voyage du siècle d’Olivier Dahan (où Rebecca Marder incarne Simone Veil, jeune, ndlr), son mari lui interdit d’être avocate parce que ce n’est pas un métier pour les femmes alors qu’on est dans les années 50. Aujourd’hui, dans les cabinets d’avocats, c’est encore compliqué pour les femmes. J’ai présenté Simone, le voyage du siècle devant des assemblées d’avocates pour parler de leur condition de femmes. Des différences de salaires, de traitement subsistent. Le chemin reste encore long.

© DR

– Les dialogues, écrits dans un langage châtié, sont débités à la mitraillette. Comment vous y êtes-vous préparée ?
J’ai démissionné de la Comédie-Française en juin dernier, après sept ans de maison. J’ai l’impression de m’être musclée dans cette institution particulière. Parfois, on est amenés à jouer quatre pièces différentes, six fois par week-end. Mon cerveau était préparé pour ce qui est de l’apprentissage des dialogues et d’essayer d’être le plus sincère et authentique possible dans des textes qui sont presque des solfèges différents. François a fait une vraie adaptation, il a insufflé beaucoup de modernité. Nadia est écrivain, dans la pièce d’origine. François l’a rendue actrice, ce qui fait cause à l’actualité et au mouvement #MeToo. On a eu la chance et ce luxe qui arrive peu au cinéma de pouvoir répéter en amont du tournage. Pendant deux semaines, on a fait des lectures avec François, Isabelle, Fabrice…Tout était très chorégraphié, cadré comme au théâtre. Cela donne une liberté immense. François nous stimulait à avoir ce débit ultra rapide des années 30, à l’instar d’un Sacha Guitry ou d’une screwball comedy (comédie loufoque) américaine à la Frank Capra. Il nous a montré des films pour nous inspirer et nous donner à tous ce solfège des années 30 combiné avec sa propre inventivité.

© DR

– Nadia et vous êtes entourées de monstres sacrés dans des rôles secondaires. Était-ce impressionnant ?
Oui, bien sûr. Mais François instaure un climat de confiance avec les acteurs et toute l’équipe. C’était assez beau de voir défiler Fabrice Luchini, Daniel Fau, Isabelle Huppert, André Dussolier, l’un après l’autre …. Ils étaient les guest-stars de passage et nous, celles qui les accueillaient. Cela tire vers le haut d’être avec des acteurs aussi doués. François a embarqué tout le monde au même niveau, dans un esprit de troupe. Il n’y a pas eu de numéro d’acteurs.

– Cette comédie féministe sur les années 30 a-t-elle une résonance aujourd’hui ?
Placer l’action dans ce contexte-là autorise le rire. La distance permet de montrer à quel point, on a avancé et que le chemin est long. Pour nous, d’entrer dans cet âge d’or du cinéma est un rêve. Jamais je n’aurais osé imaginé que j’appartiendrais à ce cinéma-là. Tout est esthétiquement beau. François rend hommage à la crème du cinéma français et, en même temps, Mon crime est un pied de nez des films des années 30 où on montre la rivalité féminine, les actrices qui se crêperaient le chignon entre elles… Là, François montre un duo de femmes très fort. On peut être amies et dormir dans le même lit sans qu’il y ait forcément d’ambiguïté sexuelle. Nadia et Isabelle (Huppert) ont toutes les deux le poing levé, elles se tiennent la main et moi, je leur jette des fleurs… Cette scène-là m’émeut beaucoup. Elle rend hommage aux femmes, aux actrices et aussi à la sororité.

– Vous êtes jeune et déjà célèbre. Comment vivez-vous cette notoriété soudaine ?
Je la découvre depuis que j’ai quitté la Comédie-Française. Je me sentais protégée par les murs du théâtre parce qu’on est cœur du jeu et du travail de comédien, de 9 heures du matin à minuit. Sur un tournage, la vie d’actrice s’extériorise dans la nature. On fait la promotion, on voyage avec le film qui sort dans les salles, ce qu’on ne peut pas faire quand on est au théâtre. Si vous êtes sur les planches, les gens ne peuvent pas compter sur vous. Je voulais pouvoir choisir mes projets et pouvoir être un peu libre. Mes sept années passées à la Comédie-Française sont les plus belles de ma vie. Elles sont mes fondations.

* : La jeune comédienne a reçu le César du meilleur espoir féminin pour Les Amandiers réalisé par Valeria Bruni-Tedeschi.

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France, Paris

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Informations supplémentaires

Film

Mon crime

Réalisation

François Ozon

Distribution

Nadia Tereszkiewicz, Rebecca Marder, Isabelle Huppert, Dany Boon, Fabrice Luchini

Sortie

En salles

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