Christophe Vachaudez
18 January 2025
Du “Cabinet de physique expérimentale” des débuts, en passant par le commerce d’estampes, l’enseigne s’est ensuite spécialisée dans les toiles de maîtres. Philippe Henricot, à la tête de l’antenne belge, lève le voile sur la stratégie de cette maison qui s’est forgé une réputation à l’échelle mondiale.
L’Éventail – Quelles sont les raisons qui ont poussé Colnaghi à ouvrir un bureau à Bruxelles ?
Philippe Henricot – En 2016, Colnaghi a été racheté par Jorge Coll, un marchand espagnol de trente-huit ans, qui a voulu insuffler une énergie nouvelle à la galerie, car le marché de l’art ancien souffre quelque peu de son image traditionnelle. J’ai rejoint la galerie voici six ans et j’ai d’abord travaillé à Londres. Comme je souhaitais rentrer en Belgique, j’ai proposé d’ouvrir une antenne à Bruxelles, ce qui a été plutôt bien accepté car nous avions déjà des clients belges qui venaient nous voir à Londres, à Maastricht et même à New York. Notre pays concentre un nombre incroyable de collectionneurs et pas seulement des amateurs de peintures flamandes, mais aussi de maîtres italiens ou espagnols. S’installer à Bruxelles nous permettait d’en toucher davantage. Finalement, nous sommes plutôt satisfaits de la démarche. Bruxelles est également un carrefour important et, depuis le Brexit, le bureau de Bruxelles, tête de pont entre Maastricht et Paris, voire Madrid, a prouvé son utilité. En 2021, nous étions au Sablon mais nous ambitionnions une plus grande surface et trois ans plus tard, nous nous préparons à inaugurer nos locaux, rue Jacques Jordaens.
Aquarelle rehaussée de Jacob Jordaens figurant un groupe de musiciens à un balcon © Colnaghi
– Pourquoi avoir décidé de participer à la BRAFA ?
– Notre participation à la BRAFA va de pair avec notre volonté de nous implanter dans le paysage belge. C’est une opportunité unique de nous faire connaître et de pouvoir contribuer à enrichir la section art ancien. Il est de plus en plus difficile de trouver des œuvres inédites, d’autant que les musées achètent environ 30% des œuvres sur le marché et une fois dans les institutions, elles n’en sortent plus. Nous devons aussi redynamiser le marché car, souvent, les goûts sont devenus plus éclectiques et les clients se contentent d’acquérir un seul tableau ancien, au lieu d’en acheter plusieurs comme par le passé. Il faut aussi pouvoir défendre les maîtres moins connus car les chefs-d’œuvre, toujours très demandés, s’envolent à des prix très élevés. Moins nous serons confrontés à l’art ancien et moins il connaîtra le succès qu’il mérite. C’est pour cette raison que notre présence à la BRAFA est importante. J’ai à cœur de pérenniser ce beau métier et d’établir de bons contacts, tant avec les musées qu’avec les collectionneurs privés. D’ailleurs, depuis notre arrivée à Bruxelles, nous avons vendu des tableaux aux musées de Bruges et à la Fondation Roi Baudouin qui a nous a acheté une vue d’Anvers.
Adriaen Thomasz Key, Le Christ en croix entouré de la Vierge et Saint Jean, huile sur bois, 50 x H. 67 cm. © Colnaghi
– Quelle est la stratégie actuelle de Colnaghi ?
– Jorge Coll ne manque ni d’idées, ni d’ambition. Depuis son arrivée, les choses ont bien évolué. Ainsi, nous avons élargi nos périodes d’intérêt en ce qui concerne la peinture et Colnaghi a aussi renoué avec le dessin qui revient en force, proposant des feuilles de toutes les époques avec un créneau de prix très abordable. Cette discipline permet aussi de belles découvertes. Le département est sous la responsabilité de l’expert Will Elliott avec qui nous collaborons depuis 2022. Nous avons aussi gardé un pied à Madrid, car l’Espagne reste une source d’œuvres d’art très importante. À New York, nous avons inauguré un département de sculptures antiques grecques et romaines placé sous l’égide de Carlos Picón, conservateur des Antiquités grecques et romaines du Metropolitan Museum of Art. Nous présenterons d’ailleurs à la BRAFA une sculpture antique romaine d’Apollon. Grâce aux recherches que nous avons effectuées, nous avons pu trouver une provenance prestigieuse, puisque l’œuvre a fait partie de la collection du marquis Vincenzo Giustiniani, au début du XVIIe siècle. Ce mécène du Caravage, dont il possédait trois tableaux dans son magnifique palais, avait fait graver sa collection d’antiques et la découverte de notre statue fut une bonne surprise. Nous avons publié un livret à ce sujet. Les acheteurs sont de plus en plus en demande et il est important pour nous de pouvoir fournir une provenance, d’où l’aspect fondamental des recherches que nous entreprenons.
Torse d'Apollon romain en marbre qui fit partie de la collection Giustiniani. © Colnaghi
– Quel a été votre parcours ?
– J’ai étudié l’histoire de l’art à Édimbourg où j’ai terminé mon master, puis je suis entré comme stagiaire au département peinture ancienne chez Sotheby’s, un très bel endroit pour apprendre, avec des ventes aussi bien à Londres qu’à New York ou Paris. J’ai postulé dans plusieurs galeries et j’ai eu la chance d’entrer chez Colnaghi à Londres. L’ouverture du bureau de Bruxelles correspondait à mes aspirations et je suis heureux d’être rentré en Belgique.
Photo de couverture : © Colnaghi
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