Stéphanie Dulout
26 December 2024
“Infini est le nombre des fous”, lit-on déjà dans L’Ecclésiaste car à l’origine, dans la pensée religieuse, le fou est l’insensé qui rejette Dieu… Le terme désignera par la suite à la fois le simple d’esprit, le malade et le bouffon. À travers une grande variété d’œuvres (psautiers, tableaux, tapisseries, casques, médaillons, marottes, gobelets, becs de fontaine…), l’exposition s’attache à montrer ces différentes facettes et la place croissante que prend cette figure encore marginale au XIIIe siècle, quand elle apparaît sous la forme de créatures hybrides, grotesques dans les marges des manuscrits enluminés où elle ne tarde pas à proliférer, s’accrochant aux rinceaux végétaux et se nichant dans les lettrines des enluminures…
Bec de fontaine : fou jouant d’un instrument de musique, seconde moitié du xve siècle, bronze, 15,8 x 10,8 x 6,2 cm. © KHM, Kunstkammer
Maître de 1537, Portrait de fou regardant à travers ses doigts, vers 1548, huile sur bois, 48,4 x 39,6 cm. © Anvers, The Phoebus Foundation
Gustave Courbet, L’Homme fou de peur Oslo, Nasjonalmuseet for Kunst, © CC BY 4.0 NasjonalmuseetJarre, Anne Hansteen
Hyeronimus Bosch, Excision de la pierre de folie © Museo Nacional del Prado, Dist. Grand Palais Rmn, image du Prado
Ayant aussi proliféré dans les charivaris ou fêtes de confréries et les carnavals médiévaux, jusqu’à son incarnation à la cour en la personne du “fou du roi”, elle devient omniprésente au XVIe siècle, étant alors érigée en symbole des désordres du monde : tantôt acteur, tantôt commentateur de la folie humaine, se complaisant dans la lubricité et la luxure, le fou apparaît dans nombre de tableaux, comme celui qui met en garde ceux qui se laissent aller à la débauche, environné bien souvent de la mort… Tandis que dans les romans de chevalerie, la folie s’empare des grands amoureux (tels Lancelot ou Yvain, “le Chevalier au lion”), la figure du fou se glisse souvent entre Éros (l’Amour) et Thanatos (la mort) pour dénoncer la vanité de l’amour charnel voué au néant dans des danses macabres et autres scènes préfigurant le thème des Vanités.
Jan Matejko, Stanczyk durant un bal après la perte de Smolensk (détail), 1862, huile sur toile, 88 x 120 cm. © Muzeum Narodowe w Warszawie Piotr Ligier
Si l’âge classique marque une éclipse de la figure du fou, notamment avec le triomphe de la raison à l’époque des Lumières, la recherche de “l’harmonie des contraires”, mêlant au sublime le grotesque, au beau, le laid et le difforme prônés par Victor Hugo dans le sillage de Shakespeare, fera du fou tragique la figure romantique par excellence.
Exposition
Figures du fou
Du Moyen Âge aux romantiques
Dates
Du 16 octobre 2024 au 3 février 2025
Adresse
Musée du Louvre (Hall Napoléon)
75001 Paris
Horaires
Lundi, jeudi, samedi et dimanche de 9 à 18h
Mercredi et vendredi de 9h à 21h
Fermé le mardi
Site et billetterie
Publicité