Corinne Le Brun
17 January 2024
Eventail.be – Votre livre est-il une suite de Databiographie (1) ?
Charly Delwart – Je dirais plutôt un prolongement. Dans ce nouvel opus, j’ai eu l’idée d’utiliser un dispositif pour écrire une forme d’autofiction à travers le jeu des questions et de réponses. Ce dispositif permet d’aborder les textes différemment. Et parallèlement, il crée une sorte de rapport au lecteur, pas forcément interactif parce que je n’ai pas de retour de sa part. Mais cette grille de lecture permet un espace de projection à partir d’éléments issus de ma propre vie.
– Cette obsession de l’autofiction et de l’autobiographie vous a toujours habité ?
– Pas du tout. Avant Databiographie, j’avais écrit des romans. Mais il est vrai que l’idée d’être au plus direct dans le rapport écrivain-lecteur, m’intéresse de plus en plus. Je pense que, si on travaille bien le plus personnel, alors il devient plus universel aussi. Et donc, il faut faire un choix dans ce qu’on dit de soi. Le dispositif que j’ai imaginé permet de se dire, qu’est-ce qui de ma vie concerne l’autre aussi ? En quoi des ponts se dressent ? L’autobiographie ramène toujours au passé. Ce livre-ci est ancré dans le présent. Ce qui m’intéresse, c’est de disséminer une logique d’approche des choses. Ce n’est pas un journal intime. Plutôt qu’autofiction ou autobiographie, je qualifierais cet exercice de “littérature à la première personne”.
© Coadic Guirec/Bestimage/Photo News
– Entre les romans et cet exercice particulier, quel genre préférez-vous ?
– J’aime les deux, mais aujourd’hui, j’apprécie l’exercice d’écrire à la première personne. Et comme dans «Databiographie», je parle d’une vie ordinaire, sans faits saillants majeurs, qui concerne la majorité d’entre nous, en fait. Cette vie «banale» est une matière à investiguer. «Databiographie» présentait un bilan global avec des statistiques, des chiffres et des ratios. Là, il s’agit plus de questions, la manière dont elles se posent, vers quoi elles mènent et ce qu’elles disent de moi, de nous.
– Les réponses sont plutôt sérieuses…
– Oui, philosophiques ou interrogatives. Elles partent sur des chemins de traverses et d’humour aussi, parfois. On a quand même accès aux grandes valeurs de l’existence ou aux grands concepts à travers ce qu’on vit au quotidien. C’est sur ce terrain que cela se joue. L’idée est d’être présent à sa vie ou au monde. On est quand même bombardés de réalités en permanence, horizontalement, verticalement…. On sait tout. Ce qui se passe, avant et maintenant, sur la planète. Cette profusion d’idées et de réalités qu’on vit en temps direct fait qu’on ne choisit plus. On subit. C’est difficile de choisir aujourd’hui. Quelle est ma place dans le monde ? Qu’est-ce qui s’offre à moi et qu’est-ce que je peux vraiment faire ? Ces questions sont récurrentes. D’où l’importance de choisir ou de remettre l’idée que, à une situation donnée, en fait, différents chemins s’offrent à soi. Parfois, un choix implique vouloir encore investiguer d’autres solutions ou d’autres idées. Finalement, ce n’est pas mal d’être conscient de ce qui s’offre à soi.
– Y aura-t-il une suite ?
– Non, je ne crois pas. Je verrai. Il y aura plutôt un autre dispositif à trouver. Ce qui m’intéresse dans l’écriture, c’est l’utilisation d’un principe extérieur à la littérature. Pour le moment, j’écris le scénario de mon premier long métrage, une comédie politique sur le climat. J’avais une volonté, depuis longtemps, d’écrire sur la comédie politique, un genre pas très français mais plutôt anglo-saxon. J’ai écrit la série «Sous contrôle» (réalisée par Erwan Le Duc, sur arte, NDLR). La réception de cette mini-série était un bonheur.
Corinne Le Brun
«Que ferais-je à ma place ?» de Charly Delwart. Ed. Flammarion.
(1) : Databiographie, Ed. Flammarion, 2019.
Photo de couverture : © Pascal Ito/Flammarion
Livre
Que ferais-je à ma place ?
Auteur
Charly Delwart
Éditeur
Flammarion
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