Corinne Le Brun
10 August 2022
Après Écouter le noir (2019), Regarder le noir (2020), Toucher le noir (2021), voici Respirer le noir, le quatrième recueil de nouvelles plus ténébreuses les unes que les autres (1). Treize auteurs (2) ont participé à cette belle aventure littéraire sensorielle. Du thriller, du polar, du fantastique, il y en a pour toutes les sensations. Aux manettes de cette idée originale : Yvan Fauth, bloggeur littéraire, passionné de polars, thrillers et autres romans noirs (3).
Eventail.be – Les cinq sens répondent-ils aux codes du polar ?
Yvan Fauth – Oui, parfaitement. Au départ, l’idée est née d’un opus dédié à l’audition. (Ecouter le noir, Ed. Belfond 2019, Pocket, 2020). Mais très vite, il y avait toute la place pour faire une collection complète sur les cinq sens et le roman noir. Tout cela se mettait bien ensemble.
– Comment avez-vous choisi les auteurs ?
– Ce sont les écrivains que je lis et apprécie pour leur plume et leur personnalité. Je les côtoie depuis longtemps, notamment dans les salons littéraires. Tous sont francophones à l’exception de R.J. Ellory, écrivain britannique. Il a accepté immédiatement et son traducteur habituel (Fabrice Pointeau, ndlr) a traduit son texte en français.
– Toutes sont des nouvelles inédites ?
– Oui, à l’exception d’Adeline Dieudonné qui avait écrit le texte pour la RTBF. Diffusé uniquement en radio, il n’avait jamais été publié à l’écrit. Elle l’a retravaillé pour s’adapter un peu plus à la thématique de l’odorat.
Adeline Dieudonné © Jack Tribeca/Bestimage/Photo News
– Cet assemblage inédit trouve son origine dans vos propres lectures ?
– Oui. Je suis un grand lecteur de polars. Depuis très longtemps, je me suis rendu compte que la littérature noire fait appel à une grande palette d’émotions. On ressent ce type de lecture par la vision, l’ouïe, l’odorat etc…on peut respirer un texte, écouter la mélodie d’un récit, de littérature noire comme générale.
– La nouvelle et le polar s’accordent-ils bien ?
– Oui cela marche parfaitement. Je suis un très grand lecteur de nouvelles, un genre quelque peu déprécié dans les pays francophones alors qu’il est très présent dans la littérature anglo-saxonne. Et la nouvelle convient parfaitement à la littérature noire, en plus de la science-fiction. Parce que ce sont des histoires qui marquent particulièrement en peu de pages. Pour cela, il faut une ambiance, des phrases choc. Il faut une vraie fin qui marque le lecteur et qui fait garder le texte en souvenir. L’exercice est loin d’être facile. Plusieurs auteurs m’ont dit qu’il leur était plus difficile d’écrire une nouvelle qu’un roman. Le public francophone a besoin d’être éduqué à nouveau à la nouvelle. Il y a très longtemps, on en lisait beaucoup. Un de mes objectifs est de donner envie de lire ce genre littéraire et je suis ravi de voir que des gens qui n’avaient pas l’habitude de lire des nouvelles y trouvent du plaisir.
– Quelles différences voyez-vous entre polar, thriller et roman noir ?
– Chacun aura son avis. Pour moi, le polar, c’est vraiment une enquête avec des flics et des détectives. Le thriller ne raconte pas forcément une enquête, il travaille plus sur le rythme, les surprises, les rebondissements. Dans le roman noir, le lecteur est davantage plongé dans l’ambiance, dans une atmosphère pesante.
– Respirer le noir rassemble les trois genres ?
– Même plus que cela. Certains vont même jusqu’à écrire des récits de science-fiction voire historiques. Les auteurs ont une liberté totale par rapport au genre et certains se lâchent à écrire dans un style qu’ils n’ont pas habituellement.
– Vous êtes directeur de la collection. Quel est votre rôle?
– Je suis le premier lecteur. Je fais part de mes remarques et suggestions. J’ai un rôle de conseiller. Le travail d’éditeur se fait dans un deuxième temps.
– Le virus est présent dans plusieurs nouvelles…
– Respirer le noir et plus ancré dans l’actualité que les précédents volumes. La crise sanitaire et ses conséquences ont donné matière à travailler des thématiques liées à la pandémie. Mais il y a aussi un récit sur le terrorisme.
Stephen King © Joel Ryan/PA Wire/Photo News
– Votre meilleur souvenir de lecture noire ?
– Stephen King a fait le lecteur que je suis. Il a écrit des pavés de milliers de pages mais aussi des nouvelles. Mon amour de la nouvelle vient de lui.
– Quand écrirez-vous votre premier roman ?
– Je suis dans l’ombre. Beaucoup, pendant le confinement se sont lancés dans l’écriture, activité qui s’est largement démocratisée. Pour ma part, je prends beaucoup plus de plaisir à entrer dans l’imaginaire des autres
Photo de couverture : © Patrice Normand/Leextra/Editions Belfond
(1) : Un dernier tome, autour du goût, est prévu en 2023.
(2) : Les Belges Barbara Abel, Adeline Dieudonné; Franck Bouysse, Hervé Commère, François-Xavier Dillard, Chrystel Duchmp, R.J. Ellory, Karine Giebel, Vincent Hauuy, Sophie Loubière, Jérôme Loubry, Dominique Maisons, Mo MalØ.
(3) : www.gruznamur.com
Sur internet
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