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Pièces de théâtre à voir en Brabant wallon

art & cultureBelgiqueBrabant wallonScène & Spectacles

Rédaction

02 December 2019

© DR

[caption id="attachment_23006" align="alignnone" width=""]Chat en poche[/caption]Les amateurs de théâtre en Brabant wallon (et les nombreux spectateurs qui font le déplacement) ont l'avantage de pouvoir accéder à deux salles dans lesquelles sont présentés, le plus souvent, des spectacles de très bonne qualité : l'Atelier Jean Vilar à Louvain-la-Neuve et le Théâtre de La Valette à Ittre. Ce sera encore le cas en ce mois de décembre.


Au Jean Vilar, où la directrice Cécile Van Snick s'est attaquée à Georges Feydeau, avec Chat en poche. La tâche n'était pas aisée car le théâtre de Feydeau est sans doute le plus difficile à monter. C'est une mécanique de précision qui exige des interprètes minutie et rigueur pour « passer la rampe ». On marche sur de la corde raide et mal joué, on tombe vite dans le vulgaire et le scabreux. En outre, Feydeau, par son extraordinaire virtuosité de langage, est à ce point connoté « Comédie-Française » qu'il est assez peu joué en dehors de l'Hexagone. La trame de ses pièces et surtout la manière dont il les traite sont à la fois absurdes, irrationnels et drôles.

 
 Le chat en poche © DR 

C'est le cas de Chat en poche, deuxième longue pièce écrite par Feydeau (peut-être pas la meilleure), créée à Paris en 1888 (avec assez peu de succès). Comme toutes les pièces de ce vaudevilliste virtuose, Chat en poche est basé sur un quiproquo initial qui en entraîne d'autres à sa suite. L'argument : Pacarel, bourgeois enrichi dans le commerce du sucre (« par l'exploitation des diabétiques »), s'entiche de monter à l'Opéra de Paris le Faust de Gounod, mais réécrit et recomposé par sa fille. Pour en assurer le succès, il fait venir un célèbre ténor de l'Opéra de Bordeaux. Arrive alors un jeune homme, venu de Bordeaux certes, mais pas du tout le ténor attendu. Il s'agit du fils de son ami Dufausset venu faire ses études de droit à Paris. Va s'en suivre une cascade de malentendus alimentée par des dialogues de sourds et des apartés visage tourné vers le public.

 
 Le chat en poche © DR 

Le théâtre de Feydeau exige de la part du spectateur une acceptation de conventions théâtrales extrêmes. Ce surpassement ne peut être obtenu que par le savoir-faire des acteurs et l'habileté du metteur en scène. Cécile Van Snick et sa troupe de huit comédiens y sont globalement parvenus. Bernard Sens est un Pacarel bouffi de vanité. Arthur Marbaix interprète le bien nommé Dufausset qui chante faux pour le plus grand plaisir des spectateurs. Quentin Minon joue Lanoix de Vaux, le prétendant très peu enamouré de Julie (incarnée aimablement par Julia Le Faou), la fille de Pascarel. Le reste de la distribution (Marie Avril, Stéphane Strubé, Frédéric Lepers et Laurence Warin) suit allègrement le tempo du génie comique de Feydeau.

 
 Le chat en poche © DR 

Le décor moiré de Lionel Lesire, tout comme les costumes chamarrés, sont intemporels. La scène est même dépourvue d'éléments pourtant généralement considérés comme inévitables au Vaudeville : les portes. En revanche, on y trouve beaucoup de tabourets transbahutés par les acteurs au gré de l'action.

Un spectacle festif approprié à cette fin d'année où le public ne sera pas trompé sur la marchandise, où il n'aura donc pas acquis un chat en poche.

À voir jusqu'au 11 décembre, puis du 28 au 31 décembre. 

 
 Les conjoints © DR 

Au Théâtre de La Valette à Ittre, avec Les Conjoints, c'est une autre histoire et racontée sur un ton bien différent. Le prolifique (plus de 20 pièces à son actif) auteur Éric Assous nous propose une comédie grinçante sur son thème favori : les relations entre hommes et femmes et la fragilité du couple. Cet homme a de l'amour une vision qui se veut désespérément lucide. La première scène de la pièce commence dans une ambiance tendue. Delphine (Catherine Conet) reproche à son mari Xavier (Marc Deroy) d'avoir invité à dîner leur vieil ami Bob (Michel Wright). Bob est en instance de divorce et Delphine a pris parti pour l'épouse délaissée. La tension monte quand Xavier, embarrassé, explique que Bob viendra avec sa nouvelle compagne, la séduisante Garance (Laura Fautré), de plus de vingt ans sa cadette. Et on est proche du point de rupture quand Delphine apprend que son mari, de plus en plus embrouillé, connaît bien cette Garance...

 
 Les conjoints © DR 

Un gros gain au Lotto va rendre encore un peu plus compliquées les relations entre ces personnages. À cette situation de départ viendront se greffer et s'entrelacer des détours et retours en arrière et se terminera sur une ébauche de projection dans l'avenir. Voici comment Fabrice Gardin, le metteur en scène, parle des personnages : " Chaque personnage à sa personnalité, son moteur, son énergie, son caractère, sa place sociale... Ils sont intelligents, cultivés, et, surtout, démontrent un cynisme à toute épreuve. Et c'est ça qui fait le sel de la pièce. On s'attache, petit à petit, à des personnages qui sont d'un niveau de noirceur très élevé. Qu'y-a-t-il de plus intéressant que de faire rire avec la part sombre de l'homme... "

 
 Les conjoints © DR 

Si Éric Assous est français, sa façon, son approche et son humour s'apparentent à l'esprit des dramaturges et scénaristes anglo-saxons. Singulièrement dans Les Conjoints ; il y a du Harold Pinter dans cette pièce-là. On y retrouve un sens du dialogue et de la construction du récit brillamment efficaces.
La pièce est interprétée par un quatuor de comédiens remarquables, parfaitement dans le ton. Catherine Conet, une présence scénique confondante. Marc Deroy, le gentil mari, peut-être moins naïf qu'il y paraît. Laura Fautré, à la troublante jeunesse, mais sincère ou calculatrice ? Michel Wright, d'un inquiétant cynisme naturel.


Après sa remarquable réalisation de La Peste d'Albert Camus au Théâtre des Galeries le mois dernier, voici une nouvelle mise en scène intelligente, séduisante et pointue de Fabrice Gardin.
Le soir de la première, dans le petit Théâtre de La Valette, les réactions du public étaient enthousiastes. Un succès absolument mérité.

À voir jusqu'au 31 décembre.

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