Thomas de Bergeyck
02 October 2023
« Je jure fidélité au Roi, obéissance à la Constitution et aux lois du peuple belge ». Elisabeth m’a ému. À travers elle, j’ai revu cette merveilleuse allocution délivrée au Cap par une autre Elisabeth, la princesse d’Angleterre qui allait devenir le monarque britannique au règne le plus long. En 1947, âgée d’à peine 21 ans, la duchesse d’York faisait preuve d’un incroyable aplomb : « Je déclare devant vous tous que ma vie entière, qu’elle soit longue ou courte, sera consacrée à votre service » Savait-elle que cette mission, qu’elle embrassait déjà de toute son âme, serait la sienne cinq ans plus tard ? Je ne souhaite évidemment pas le même destin précoce à notre héritière à nous. Puisse-t-elle savourer, de longues années encore, une vie plus ou moins normale de jeune femme bien dans son époque.
© Bestimage/Photo News
Quel merveilleux geste tout de même que ce serment, effectué jour pour jour 43 ans après celui de son père Philippe en 1980. Il n’avait alors que 19 ans et devenait officier après trois années de formation au sein de la 118è “Promotion toutes armes”. Il est devenu pilote de chasse puis para-commando. Ce jour-là, c’est au roi Baudouin, son oncle, que le prince Philippe délivrait son serment militaire. Le souverain qui, ironie de l’Histoire n’a, lui, jamais prêté ce serment avant de monter sur le trône. La Question royale ne lui en a pas laissé le temps. Il est rentré d’exil et lorsque son père Léopold III a choisi de faire un pas de côté en 1950, il est devenu, en quelques jours, prince royal puis roi, l’année suivante. Un chef des Armées qui n’a jamais prêté serment comme l’ont fait ses aïeux, c’est suffisamment rare pour être souligné.
Le prince Philippe prête serment d'officier à l'École Royale Militaire en 1999, 24 ans avant sa fille, la princesse Elisabeth © Photo News
La famille royale est passée maître en œillades symboliques. Sans doute pour nous permettre de mieux nous souvenir de ses temps forts. On aime les dates-clé chez les Saxe-Cobourg. N’est-ce pas le roi Philippe qui, un certain 21 juillet 2013 devenait chef d’état à la date anniversaire de son ancêtre, fondateur de la dynastie, Léopold Premier ? N’est-ce pas Albert qui a choisi de quitter le trône pile 20 ans après l’avoir embrassé ? Et qui se souvient de cette festive année 1990 durant laquelle Baudouin de Belgique a célébré publiquement trois gâteaux : ses 60 ans, ses 30 ans de mariage et ses 40 ans de règne ?
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Une année qui fut toutefois assombrie en avril par l’épineuse loi sur l’avortement, qui valut au souverain de ne plus l’être durant 36 heures, le temps de faire passer le texte. Mais au-delà des symboles du calendrier, je me prends à rêver de séquences plus imprévues, qui auraient permis de resserrer plus fort encore l’affect. Ce mardi soir, j’aurais adoré entendre la jeune Elisabeth jurer « fidélité à son papa ». Quatre mots qui auraient en quelques minutes fait le tour de la toile, et suscité l’émotion et l’amusement du plus grand nombre. Sans doute n’y aurait-elle pas été autorisée. Peut-être y a-t-elle pensé. Je me refais souvent le film en imaginant mes coupes à moi dans un scénario souvent bien huilé et très officiel. Pour trouver le “temps X” qui fera mouche. Une déformation professionnelle ? Peut-être. Cela dit, la séquence a été parfaite et l’émotion du Roi très palpable. Ce jour-là, le cœur de la Belgique a vibré pour celle qui nous accompagnera durant longtemps. Mais le plus tard possible.
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