Christophe Vachaudez
06 July 2023
Je me dois d’être honnête : le Palais nous a surpris, nous les médias, en ne communiquant pas pleinement sur l’état de santé de l’ancien roi des Belges. Nous avons appris qu’il souffrait de déshydratation, mais quiconque a déjà été confronté à ce cas d’espèce dans son entourage sait qu’en deux ou trois jours, l’affaire est réglée. Forcément, les choses ont été très vite : une aura de mystère a commencé à entourer ce séjour en clinique, prolongé par de nouveaux examens et une surveillance médicale. Il aura fallu qu’un chroniqueur royal, Pierre De Vuyst pour ne pas le nommer, fasse savoir qu’il avait l’information d’une infection bactérienne du sang pour que les services de communication de Laeken finissent par envoyer un ultime communiqué de presse la veille de sa sortie, précisant le mal nouveau dont souffrait le Roi émérite.
© Didier Lebrun/Photonews
Pourquoi ce mensonge par omission ? L’argument est limpide : la santé appartient à la vie privée de la personne du Roi. Tout souverain qu’il fut, c’est un retraité des affaires de l’état qui a, ici, été soigné. D’évidence, ils ont raison. Même lorsqu’ils font savoir que le convalescent sera exfiltré discrètement de l’hôpital, par une porte dérobée et en dehors de la présence des caméras. Encore et toujours cette sacrosainte vie privée. On peut gloser des heures sur la frontière, très ténue qui doit exister entre l’homme public et l’homme privé. La définir, c’est déjà reconnaitre qu’elle est impossible. Mais ce serait faire peu de cas de l’affection que les sujets du royaume nourrissent pour cet homme depuis ses premiers pas dans la fonction royale en 1993. Et même bien avant, lorsqu’il faisait fleurir le savoir-faire économique de la Belgique aux quatre coins du monde.
© Photo News
Tout retiré des affaires qu’il est, Albert reste Albert. Cet homme-là n’est pas comme les autres. Il est et reste le père de notre nation. Celui pour qui l’on a tremblé, plusieurs fois. Avec qui l’on s’est ému. Qui nous a fait rire. Contre qui l’on a pu nourrir quelques griefs lorsqu’un pan de sa vie maritale a été dévoilé. Mais Albert fut notre chef. Nous avons tous fait partie de sa famille. Et cette réalité, qu’on le veuille ou non, nul ne peut l’effacer. Le palais, incontestablement, a joué le pare-feu. En en disant le moins possible, il a fait son job. Mais imaginez un instant que l’issue fut plus tragique, et que la presse n’ait pas été mise au courant de la situation médicale préalable. Le peuple ne l’aurait jamais digéré. Avec les conséquences politiques que ce genre de choix pourrait avoir.
Dans cette séquence, chacun a été à sa place. Le palais qui a protégé son sire ; la presse qui a creusé l’affaire ; et le Roi, enfin, qui en sortant de l’hôpital, a offert aux Belges ce qu’ils attendaient : un sourire, un signe de la main, des photos, pour les rassurer. Les remercier aussi d’être là, dans les bons comme dans les pires moments. Albert le retraité, le sénior, est redevenu Albert II. Notre roi.
Photo de couverture : © Didier Lebrun/Photonews
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