Rédaction
07 November 2016
Diplômée en littérature française à la Sorbonne, puis en Histoire du Théâtre à l'Université de Copenhague, rien ne la prédestinait à devenir une figure emblématique de l'Islande. Son élection le 1er août 1980 braqua les regards sur une nation qui, en octobre 1987, allait accueillir le sommet de Reykjavik, premier pont jeté entre les États-Unis et l'Union soviétique. Depuis 1986, Vigdis Finnbogadottir se consacre à diverses organisations, officiant comme ambassadeur de bonne volonté de l'Unesco pour la linguistique. Madame le Président a bien voulu revenir sur un parcours atypique, riche en expériences.
L'Eventail - Pourquoi avoir choisi d'étudier la littérature française à Paris ?
Vigdis Finnbogadottir - Mes parents ont étudié à l'étranger, ce qui est assez naturel en Islande car nous aimons nous imprégner des nouveautés culturelles du continent. Nous parlions beaucoup du Continent durant la guerre et de la France bien entendu. Après le conflit, j'ai souhaité découvrir le monde et j'ai précisément choisi la France car ce pays a depuis toujours été le berceau des grands courants ... pensez au Romantisme, au Réalisme ou à l'Avant-garde. J'y suis allée en 1949, escortée par deux amis. Nous avons opté pour Grenoble car nous pensions que l'examen de propédeutique serait plus clément. Arrivée là-bas, j'ai intégré un club intellectuel masculin où j'étais la seule fille. Après, j'ai passé deux ans à la Sorbonne où j'ai étudié la philosophie et la littérature puis j'ai gagné l'université de Copenhague qui disposait d'une chaire sur l'histoire du théâtre, une autre de mes passions. Á mon retour, j'ai monté avec des amis une troupe appelée Grima afin d'introduire l'Avant-garde en Islande, par pure idéalisme, puis j'ai été nommée directrice du théâtre.
© Axel Sigurdarson |
- Cette expérience vous a-t-elle également aidée dans l'exercice de votre fonction ?
- La littérature et le théâtre sont de remarquables outils pour mieux comprendre les gens et aussi votre propre vie. Au théâtre, vous analysez l'être humain depuis les premières répétitions du matin au tombé de rideau le soir, qu'il s'agisse de la joie, de la tristesse, de l'amour...la vie en général. Ce fut une aide incroyable pour moi dans l'exercice de ma fonction car cela m'a permis d'appréhender la nature humaine.
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- Comment avez-vous eu l'idée de vous présenter à l'élection présidentielle ?
- Je n'ai jamais fait partie d'un parti politique mais on m'a demandé de me présenter à cette élection car j'étais déjà connue grâce au théâtre ou aux cours de français que je donnais à la télévision. Je pensais encore qu'une femme ne pourrait jamais assumer une telle position et puis j'ai reçu un télégramme comme un accordéon des pêcheurs islandais dans les mers du Groenland qui m'assuraient de leur soutien car, eux, font confiance depuis longtemps aux femmes qui dirigent tout quand ils sont au loin. C'est une des raisons qui m'ont fait céder. Á ma grande surprise, j'ai été élue. J'ai du vaincre le scepticisme de beaucoup, même de certaines femmes. De nos jours, la place des femmes dans la société apparait comme une évidence, sans doute une conséquence de ce premier pas. Quand je me suis présentée au balcon de ma maison à Reykjavik, je portais une robe en laine islandaise qui m'avait été envoyée par une dame d'Akureyri, juste au cas où je gagnerai, et bien sûr, je l'ai revêtue car c'était un symbole fort pour moi !
- Comment s'est déroulé votre apprentissage ?
- Mes assistants m'ont beaucoup aidée mais j'ai agi selon mon expérience. J'ai eu la chance d'avoir des amis dans tous les partis, ce qui a facilité mon travail pour former les coalitions. J'ai essayé de promouvoir l'Islande lors des visites officielles. J'emmenais toujours un chef avec moi car nous sommes connus pour exporter notre poisson partout dans le monde. De cette façon, je pouvais le faire goûter préparé à mes hôtes ! Je portais aussi souvent de la laine. Je crois que les Islandais m'ont très vite acceptée car j'ai été invitée dans le monde entier. Tout le monde voulait voir le phénomène et cela m'a aidée à faire connaître l'Islande.
- Vous avez rencontré tous les leaders mondiaux. Quels sont ceux qui vous ont marquée ?
- J'avais de bons contacts avec Helmut Schmidt et Michel Rocard. Je me souviens aussi de François Mitterand ou de Yasser Arafat. J'en vois encore certains car je fais partie du Club de Madrid et aussi une association Inter Action, association des anciens présidents et des premiers ministres qui promeut la démocratie à travers le monde.
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- Pourriez-vous nous parler de votre intérêt pour l'écologie ?
- J'ai réfléchi comment je pouvais faire prendre conscience de cet enjeu aux jeunes générations et j'ai pensé, que lors de mes visites dans les différents comtés du pays, j'apporterai en cadeau des semences ou des arbrisseaux, principalement des bouleaux, dont je confierai la garde aux enfants du village afin qu'ils se préoccupent ensemble des plantations. Je dois dire que cette initiative est devenue très populaire. C'était aussi une façon de fixer la cendre volcanique qui s'envole et provoque une érosion marquée. Nous devons être très vigilants car la nature ici est très fragile. La mousse met des centaines d'années pour coloniser la lave et trop de touristes irrespectueux pourraient mettre en danger notre équilibre.
- Y a-t-il un lieu qui demeure spécial pour vous en Islande ?
- Oui, je pense de suite à Thingvellir, là où naquit le premier parlement en 930, un endroit naturel merveilleux et chargé d'histoires, parfois cruelles, mais sans doute l'un des plus beaux lieux d'Islande. Les vikings y ont défini les premières lois. Le Parlement se réunissait une fois l'an. C'est ici qu'en l'an 1000, on adopta la christianité.
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