Rédaction
21 March 2022
Miroir végétal de la côte qui lui fait face, les Jardins d’Etretat reflètent les vagues de la Manche, les tourbillons de l’eau et les falaises. © Richard Bloom
Depuis longtemps, les falaises et le ciel d’Étretat inspirent les peintres. Un tiers des estivants de la station balnéaire appartient au monde des artistes. Surnommée “Villa Roxelane”, la maison anglo-normande domine la falaise d’Amont, idéalement située face au soleil couchant. Construite en 1903, elle appartenait à Madame Thébault, une comédienne qui connut en son temps un certain succès. Sur les conseils de son ami Claude Monet, grand amoureux du jardinage qui souvent s’installe sur la plus haute des falaises pour y manier ses pinceaux, elle confie au paysagiste Auguste Lecanu le soin de créer un jardin à flanc de coteau.
La maison anglo-normande "La Villa Roxelane”, entouré du jardin Émotions et ses sculptures. © Richard Bloom
Un siècle plus tard, le paysagiste russe Alexandre Grivko découvre Étretat à l’occasion d’un séjour dans la région. Il avait admiré au musée Pouchkine, à Moscou, un tableau de Claude Monet représentant les falaises d’Étretat. Un vrai coup de cœur ! Lorsqu’il apprend, en 2014, lors d’un dîner à l’ambassade de Russie en France, que la Villa Roxelane est à vendre, il se précipite et ne discute par le prix. Il double la superficie des lieux afin de créer sur plus d’un hectare un jardin expérimental qui mêlerait haies et topiaires, allées gravillonnées et œuvres d’art contemporain d’artistes invités. Il revoit complètement la conception du jardin tombé en friche, mais conserve la villa et les arbres centenaires. Plus de mille tonnes de terre sont apportées pour couvrir la falaise étagée en gradins de pierre et y planter près de cent mille arbustes persistants. Deux ans plus tard, en septembre 2017, le jardin ouvre ses portes au public.
Les Jardins d’Étretat font écho aux paysages et à la nature de Normandie. Ils allient l’harmonie des formes à une aspiration revendiquée au néo-futurisme. Le paysagiste sculpteur veut sentir le temps éphémère, l’accepter et le comprendre en tenant compte du passé. Les sculptures végétales qui assurent aux jardins leur beauté tout au long de l’année évoquent les falaises et les arcs de la Côte d’Albâtre qui lui font face. Le visiteur s’y perd comme s’il nageait dans les vagues de la Manche, happé dans un tourbillon de formes qui, comme des sirènes, le bercent et l’envoûtent.
Les 7 'Gouttes de pluies' sculptures par l'artiste Samuel Salcedo. © Richard Bloom
Dans une aspiration à l’harmonie absolue qui marie l’art et la nature, le visiteur passe insensiblement d’un jardin à l’autre, au gré de son état d’esprit et de sa rêverie. L’élément le plus fort du jardin est une série de visages sculptures de l’artiste catalan Samuel Salcedo que l’on découvre dans le jardin Émotions. Intitulées Gouttes de pluie, ces sept sculptures en résine polyester et poudre d’aluminium ont été réalisées en 2016 pour les lieux. L’artiste a saisi et immortalisé les expressions les plus imprévisibles, telles que l’attente d’un baiser ou la contrariété qui se devine dans une moue des lèvres, l’épuisement, la douleur ou le plaisir. L’interprétation de chacun de ces visages ronds et chauves dépend avant tout du regard du spectateur. Posés comme une goutte d’eau ou une perle rare dans un coquillage symbolisé par une collerette moutonnante de verdure, ces visages sont époustouflants !
'La forêt mécanique' créée par le groupe d'artistes britanniques Greyworld dans le jardin Avatar. © Richard Bloom
Situé à l’entrée du domaine, le jardin Avatar est un portail qui mène au-delà de la réalité, vers un surréalisme magique. Ici, même les arbres jouent leur propre musique. Les plantes taillées aux formes insolites nous invitent à la rencontre de notre propre avatar. Pour découvrir le jardin Impressions, il faut emprunter un sentier en lacets qui serpente comme une route de montagne. On y découvre une large vue sur la mer et les falaises entrées dans l’histoire grâce au grand nombre de peintres qui les ont immortalisées. Les compositions de végétaux taillés font des vagues ondulantes, rappelant au visiteur les marées de la Manche.
Les sculptures de l'artiste Dashi Namdakov dans le jardin Zen. © Richard Bloom
Le jardin d’Aval réinvente Alice au pays des merveilles. Cet espace est entouré de plantes insolites et de nombreux arcs d’ifs taillés qui forment une réplique végétale de la célèbre falaise. Il est animé par une collection d’orchidées aux formes et couleurs extraordinaires. Cerné de bambous, le jardin Zen représente l’union de l’homme et de la nature. La floraison virginale des plantes évoque la pureté. L’installation sonore reflète l’idée d’éveil du bien. Un peu plus haut, le jardin de la Manche est le cœur des Jardins d’Étretat. Il est formé d’un labyrinthe massif de plantes taillées à la manière de vagues déferlantes, de spirales et tourbillons marins. La couleur argentée des feuillages rappelle celle de l’écume des vagues qui s’écrasent contre les falaises d’Étretat. Surplombant le domaine, le jardin d’Amont aligne ses végétaux qui ressemblent aux strates de la falaise et se fondent avec l’horizon côtier. Ils impressionnent par leur régularité mathématique et leur concordance géométrique. La promenade se termine par une terrasse située sur le point le plus élevé des jardins, offrant à vol d’oiseau une vue imprenable sur les falaises d’Étretat classées au patrimoine mondial de l’UNESCO.
La sculpture de Claude Monet en bambou par l'artiste polonais Wiktor Szostalo. © Richard Bloom
Les jardins font partie du réseau Great Gardens of the World et possèdent le label “Jardin remarquable” de France. En été, ils s’agrémentent d’expositions temporaires.
En couverture : Les sculptures de l’artiste catalan Samuel Salcedo. © Richard Bloom
Adresse
Les Jardins d’Étretat
Avenue Damilaville
Étretat, France
Horaire
Du lundi au dimanche de 10h à 18h
Téléphone
+33 2 35 27 05 76
Réservations
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