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Les pivoines pour lutter contre la leucémie

Christophe Vachaudez

15 September 2020

© DR

Á Sourches, au royaume de la pivoine, des plants rares, de superbes lithographies mais aussi des sculptures s'unissent pour lutter contre la maladie. Sous le marteau de Maître Xavier Sanson, quelque 73 lots seront mis aux enchères au profit de l'antenne Leucémie Espoir 72, à l'initiative de Bénédicte de Foucaud, maîtresse des lieux et zélatrice érudite de la famille des Paéoniacées.

De la pivoine Santa Fe dont la robe fuchsia protège un cœur de pétaloides blanc à la Tourangelle, véritable froufrou rosé, en passant par la Bartzella, explosion flavescente, ou de la Belle Occitane, pompon immaculé au parfum enivrant, spécialistes et amateurs seront comblés ! Issues de collections privées ou de maisons réputées, ces pivoines offrent un heureux écho à leurs consoeurs qui font le bonheur des visiteurs du château.

Des pivoines Bartzella jaunes dans les jardins du château de Sourches
© DR

Á la lisière des Alpes mancelles, le domaine de Sourches allie à son nom illustre, une longue histoire et une architecture digne des plus grands traités. Pourtant, les curieux s'y pressent pour toute autre chose. En juin, ils viennent arpenter les douves sèches, profitant du trésor des lieux : une myriade de pivoines en fleur. Durant cette période bénie, les inflorescences généreuses s'épanouissent entre escarpe et contre-escarpe offrant un spectacle attendu, hommage senti à Bénédicte de Foucaud, à l'origine de ce jardin singulier. Fruit d'une délicieuse passion, le conservatoire de la pivoine a vu le jour au fil des saisons et des hybridations, des fers de bêche et des coups de sécateur. Le résultat est jubilatoire et culmine à la floraison qui dure plusieurs semaines. En effet, suite à une étude d'ensoleillement réalisée par une société spécialisée venue d'Autriche, la grande ordonnatrice des lieux a pu planter les variétés tardives en pleine lumière et les hâtives à l'ombre afin de prolonger cette véritable explosion colorée et de profiter pleinement des antiques murs qui sont peu à peu restaurés par des artisans locaux.

Le château de Sourches
© Frederic Ducout

Sourches, paradis de la pivoine

Comme elle l'explique lors des visites commentées qu'elle accorde au quotidien à un public subjugué, nombre de pivoines porte un nom significatif, parfois le patronyme d'un personnage célèbre, celui d'un artiste peintre comme Holbein, ou encore d'une tête couronnée comme la reine Victoria. Certaines font références à la géographie comme Oklahoma ou Ville de Lyon, à l'histoire, avec Alesia, ou ressemblent à des allégories poétiques telle Mer rouge aux dragons d'argent, sans parler des improbables américaines répondant à d'étranges noms comme Mashmallow puff ! Et chaque année, Bénédicte de Foucaud livre un recueil explorant l'univers de la pivoine selon un thème choisi. Encadrés de frondaisons centenaires, le château a conservé ses nobles façades et son dôme central à pans coupés. De nos jours, un vaste tapis que les graminées ondoyantes disputent au gazon escorte le visiteur jusqu'à la cour d'honneur, cernée de ces fameuses douves sèches. Et la maîtresse de céans de répondre à nos questions...

Bénédicte de Foucaud, propriétaire du château de Sourches et passionnée de pivoine
Bénédicte de Foucaud © Frederic Ducout

Eventail.be - Comment est née votre passion pour les pivoines ?

Bénédicte de Foucaud - J'ai acheté mes premières pivoines en 2003, lors d'un voyage culturel aux Pays-Bas, à Amsterdam. Mes amies et moi avons ramené chacune trois plants et je suis la seule à avoir continué dans cette voie. Mon intérêt s'est vraiment développé un an plus tard même si j'ai joué de malchance car mes pivoines ont été en partie mangées par les chevreuils, quand il ne s'agissait pas des lièvres, des mulots ou des sangliers qui anéantissent tout sur leur passage. Je les avais plantées près de la piscine, puis elles ont été placées au potager avant de finir en pot. Finalement, le projet d'utiliser les douves sèches est né et la seule survivante, une Madame de Verneville, s'y épanouit toujours.

- Concrètement, comment avez-vous acquis vos connaissances sur la pivoine ?

- J'ai commencé à lire le peu d'ouvrages qui existe sur le sujet tout en débutant une collection de pivoines, toutes différentes car j'ai toujours été attirée par la diversité. Je déteste quand tout se ressemble, quand il y a une sorte d'uniformité. En France, les responsables de jardin ont été peu réceptifs mais cela ne m'a pas arrêtée. Par la suite, je me suis rendue en Russie, en Ukraine et aux États-Unis pour rencontrer des spécialistes et étudier les sols. En Chine, j'ai constaté un manque de rigueur car les responsables mélangent les graines dans des entrepôts pleins du sol au plafond. Même si cela semble évoluer, il n'y avait à l'époque aucune recherche d'identité variétale.

Un bouquet de pivoines du château de Sourches
© DR

- Pourquoi avoir choisi les douves ?

- Elles offraient un terrain idéal, à l'abri du vent et des animaux car on parvient à les isoler assez facilement. Il a fallu effectuer un travail de drainage et je les ai peu à peu colonisées sans jamais penser qu'elles seraient un jour ouvertes au public. En 2012, un ami chinois m'a dit combien c'était égoïste de ne pas partager ce jardin et trois ans plus tard, tout était prêt pour accueillir les visiteurs. J'ai conçu les parterres en fonction de la forme des pivoines, de leur époque de floraison et des feuillages qui sont aussi importants que les fleurs elles-mêmes. J'ai ainsi mélangé afin de créer des vagues et des mariages de couleurs harmonieux. Aujourd'hui, on peut y recenser 2326 cartels gravés qui correspondent chacun à une pivoine, qu'elle soit herbacée, hybride intersectionnelle, arbustive ou botanique. En plus, il y a trente doublons qui servent à l'expérimentation. J'étudie leurs réactions aux des conditions extrêmes de plantation. Certains massifs sont dédiés à des hydrideurs comme Rivière, Hollingsworth ou Sanders, un américain qui, selon moi est sans doute le plus grand d'entre tous.

- Existe-t-il des collections équivalentes en Europe ou ailleurs ?

- En France, Monsieur Rivière en possède environ 650. Une collection en Allemagne rassemble 300 plants. En Chine, il existe des ensembles très importants mais il s'agit uniquement de pivoines arbustives. Le paradis de la pivoine se trouve dans la région de Luoyang. Les Chinois font en sorte d'obtenir trois pieds qui, quand ils fleurissent en même temps, forment déjà un bouquet. Quant aux Japonais, ils visent à produire les plus grandes pivoines qui soient, tant au niveau de la taille que des inflorescences. Il y a des siècles, des moines shintos ont migré vers le Japon avec leurs pivoines et les ont peu à peu modifiées.

- Quelle est l'histoire de la pivoine dans nos régions ?

- J'ai lu les ouvrages consacrés à la mythologie et à l'histoire des civilisations antiques et j'ai trouvé une seule phrase attribuée à Asclepios qui parlaient des pivoines comme de remèdes mais aussi de poisons. Les pivoines herbacées sont connues en Europe depuis bien longtemps et figurent dans les jardins des monastères. Il faut cependant attendre la fin du XVIIIe siècle pour que des pivoines arbustives parviennent en Europe, d'abord à Kew Gardens, puis en France où un spécimen est offert à l'impératrice Joséphine. C'est alors que les français ont vraiment commencé à travailler à partir des individus chinois. On peut ainsi citer quelques grands hybrideurs comme Calot, Crousse, Lemoine ou l'abbé Delavay qui ont oeuvré tout au long du XIXe siècle.

 
Jeudi 17 septembre 17h
Château de Sourches à Saint-Symphorien (France)
www.chateaudesourches.com/Catalogue-Encheres

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