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Michel Delvosalle, l'accord parfait

JardinJardinsNaturePaysagiste

Christian Carette

17 March 2025

Installé à Braine-l’Alleud mais Bruxellois dans l’âme, Michel Delvosalle, en bon enfant de 1968 (il avait dix-huit ans), n’a jamais craint de caresser des rêves un peu fous… tant qu’il les jugeait réalisables. Également passionné de sculpture, il est de ces architectes paysagistes qui font honneur à l’art de vivre belge et embellissent nos cadres de vie, à la recherche de l’accord parfait entre la nature, les lieux et les gens.

Dire qu’un jardin bien pensé, qu’il soit très simple ou plus complexe, participe de l’art de vivre revient à enfoncer une porte largement ouverte. Peu importe qu’il ait coûté cher ou doive tout au système D et à l’huile de bras de son propriétaire… Tant qu’il correspond à ce que ce dernier en attend, le jardin embellit la vie : plaisir, détente, partage, bien-être. La pandémie l’a encore rendu plus précieux. Ceux qui le pouvaient se sont rués vers la campagne et les jardineries ont fait le plein.

“Chaque jardin est unique”

Pratiqué par des architectes paysagistes de haut vol pour des clients qui en ont les moyens, le jardin se fait œuvre d’art, “dans la recherche d’harmonie et la souplesse d’adaptation aux lieux et aux personnes, confie Michel Delvosalle. Chaque projet est différent, chaque jardin est unique. Je connais la noirceur du monde, mais je choisis toujours d’en rechercher la beauté. Je l’exprime à travers les jardins, la peinture, le dessin, la photographie et, depuis ma plus tendre enfance, la sculpture. Métaux, pierres, bois… toutes ces matières en apparence inertes m’ont donné des occasions d’exprimer le vivant.”

© jopauwels.com

“Un jardin, c’est comme une œuvre d’art”

Le canal en vaporetto

Le Bruxellois est un de ces “magiciens” qui enchantent nos coins verts. Et cela ne date pas d’hier. Michel a bouclé des études d’architecte paysagiste en 1973, à Anderlecht. “J’ai d’abord été entrepreneur de jardins durant quinze ans pour bien comprendre le métier, avant de créer mon bureau d’architecte paysagiste et de dessiner des plans”, confie-t-il.  Ancien soixante-huitard bon teint, il est aussi le géniteur d’un projet fou qui, en 1995, se promettait de transformer l’environnement morne et triste du canal bruxellois, entre Anderlecht et Laeken, en une sorte de jardin des Tuileries à la puissance 10, avec aménagement des berges, nouvel habitat, loisirs aquatiques, liaison entre la gare du Midi et la gare du Nord… en vaporetto ! “Tractebel m’avait donné carte blanche pour imaginer le futur de Bruxelles par le développement de cette zone du canal, ou comment recréer de la vie avec de l’eau à l’échelle d’une ville orpheline de la Senne, polluée et en majeure partie canalisée depuis 1867”, se souvient Michel.

En amont du jardin, la résurgence bienvenue d'un étang qui ne demandait qu'à jaillir. © jopauwels.com

Viser des choses qui semblent utopiques

On imagine la tête des commanditaires lors de la découverte de ce programme extraordinaire, dont l’architecte peine à estimer le coût. “Tractebel n’a pas voulu prendre la responsabilité d’aller plus loin. C’était un projet audacieux qu’aurait pu porter un président français. En Belgique, il n’y avait pas une autorité pour assumer cela, explique Michel Delvosalle. C’est assez mon genre de m’emballer et de viser des choses qui ont l’air complètement utopiques ! En même temps, avec la technicité et l’expérience acquises, j’étais convaincu que c’était assez réaliste, qu’on pouvait le faire et que Bruxelles le méritait. On remontait ainsi dans l’histoire de notre capitale, à l’origine vaste surface marécageuse sillonnée par la Senne et ses affluents, où abondaient les moulins à eau. Depuis, je constate d’ailleurs que des parties de ce que je projetais, reprises par d’autres, ont été programmées ou sont en cours de réalisation. J’ai également proposé de ralentir les eaux des gros orages – qui se multiplient en raison du climat subtropical humide vers lequel nous évoluons – en la stockant dans des sphaignes (comme dans les Fagnes) sur les toitures plates, publiques ou privées, et en la laissant s’évacuer doucement, à ciel ouvert, dans les caniveaux vers le canal, Bruxelles étant globalement en pente naturelle. Il ne faut pas avoir raison trop tôt. Je me souviens d’un travail d’étude où j’utilisais des espaces verts entre des tours d’habitat social pour créer des jardins potagers communs. J’avais eu royalement zéro. Aujourd’hui, on est en plein dedans”. [Sourire]

Agréable été comme hiver

Engagé au départ sur des projets d’État ou de communes, Michel Delvosalle a bifurqué rapidement sur le terrain privé. “C’était trop compliqué administrativement, reconnaît-il. Quand on a affaire aux instances publiques, les réponses sont très lentes, les délais énormes et les responsables changent. Avec les particuliers, c’est tout de suite oui ou non, on sait à quoi s’en tenir.”

À quoi ressemble le genre de jardin-passion qu’il cultive ? “Mon fil conducteur, c’est l’eau, même si ce n’est pas une obligation. Je trouve qu’elle donne de la vie au jardin, le vent fait des risées à sa surface, elle sert de miroir au ciel… L’idée est d’avoir un jardin agréable en toutes saisons, été comme hiver, et de moindre entretien, avec un mélange de fleurs et de graminées dont la couleur s’exprime aux premières gelées, avec des haies ondulantes taillées et des arbres fruitiers à haute tige qui faisaient à l’origine partie du paysage d’Uccle et de la périphérie. L’essentiel, ce sont les avant-plans et le point de fuite qui donnent une profondeur de champ, comme si l’espace, où l’esprit divague et s’évade, n’avait pas de fin. J’aime réduire au maximum les limites entre le jardin et l’immeuble, que la végétation soit au plus près du bâtiment, qu’elle encadre la terrasse, qu’un arbre serve de parasol naturel, que les fleurs soient concentrées autour de la maison, qu’on les voie de l’intérieur. On en profite alors plus et mieux.”

Gradins en hêtres taillés piquetés d'arbres fruitiers. © jopauwels.com

Une forêt dans la ville

Bruxelles, cité-jardin ? “Ne souriez pas ! Je gère pour l’instant quatorze chantiers de front, et il y en a un tiers en ville, poursuit Michel Delvosalle. Certes, je reste dubitatif lorsque je vois certains immeubles végétalisés comme si on leur avait mis des cheveux : c’est bizarre et compliqué à gérer à long terme, ça vieillit mal. À Bruxelles, il y a une obligation urbanistique pour les toitures plates d’être ‘verdies’, avec des plantes grasses qui isolent, supportent la chaleur et absorbent la pollution, ce qui correspond un peu à mon principe de stockage évoqué plus haut. On y crée aussi des jardins, et même des potagers. Mais attention aux racines qui, à terme, peuvent attaquer l’étanchéité du toit. À Bruxelles, il y a beaucoup d’écrins de verdures privés, lovés dans des îlots assez étonnants, que l’on ne voit pas. C’est aussi l’une des rares métropoles avec une véritable forêt, la forêt de Soignes, qui entre en ville. Les arbres vont devenir de plus en plus importants dans les dix années qui viennent, et c’est tout le dilemme urbain. Il n’y a pas assez de place pour habiter, mais il faut des espaces verts pour assurer la qualité de l’air, pour créer de l’ombre. En ville, certains arbres résistent mieux que d’autres. Il faudra en planter qui poussent habituellement 500 kilomètres plus au sud. Il semble d’ailleurs que les hêtres de la forêt de Soignes supportent mal la hausse des températures. En même temps, je suis étonné de voir le climat changer à une vitesse pareille et la végétation continuer à s’adapter.”

Le jardin à la belge

Existe-t-il un jardin “à la belge”, comme on parle des jardins anglais ou à la française ? Quelque chose qui soit vraiment typique de chez nous ? “Cela doit exister… puisqu’une Française m’a demandé de lui en faire un, à Bruxelles et en Sologne, s’amuse notre interlocuteur. C’est bien sûr très difficile à définir, et j’ai tendance à y associer ma propre notion des arts du jardin. Mais c’est avant tout quelque chose qui correspond à notre état d’esprit de gens sans prétention, qui ne se prennent pas la tête et vivent simplement. Si l’on s’en tient aux stéréotypes, je dirais qu’il s’agit d’un compromis bien de chez nous entre le jardin anglais, la nature, le romantisme, et le jardin français avec ses structures fortes. Tout est parti, chez nous, de Jacques Wirtz, un Anversois décédé en 2018 qui a placé la barre très haut, une sorte de Mozart dans son genre, très structuré. On y ajoute aujourd’hui un peu de souplesse, des massifs de fleurs plantés de façon aléatoire, des tailles plus douces, des sentiers sinueux, des coteaux vallonnés, des plans d’eau, en accord avec la nature, la faune et la flore. Le tout avec une touche de modernité, d’audace et de créativité, par exemple pour la gestion des eaux, ou l’intégration d’œuvres d’art. Ce qui importe, c’est de trouver le fil conducteur cohérent qui définira une identité propre et claire au premier coup d’œil. Le modèle est exportable, à condition d’utiliser des plantes indigènes pour être en parfaite harmonie avec le paysage sur place.”

Photo de couverture : Création d’un canal courbe de 130 mètres de long. © jopauwels.com

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