Martin Boonen
29 August 2024
Eventail.be – Comment êtes-vous devenu photographe animalier ?
Michel d’Oultremont – C’est la nature qui m’a amené à la photo. J’ai grandi à Glabais, dans un environnement où la nature est partout. Je rentrais de l’école en vélo, par les champs, ma paire de jumelles autour du cou. J’ai commencé par de la simple observation animalière : lapins, oiseaux, et même chevreuils quand j’avais de la chance. Je devais alors avoir une douzaine d’années. À quinze ans, j’ai vu, au festival du film animalier de Namur (Nature Namur, ndlr), le film “Les secrets des photographes animaliers” dans lequel on suit des photographes de la nature sauvage. Je voyais ces photographes faire la même chose que moi, sauf qu’eux, ils ramenaient un souvenir physique de leurs observations. Alors, avec toutes mes économies, j’ai acheté mon premier appareil et téléobjectif, et cela a démarré comme ça.
Le photographe animalier Michel d'Oultremont © Michel d'Oultremont
– Capturer ces instants était-il si important pour vous ?
– Dans un premier temps, je voulais surtout montrer à mon entourage ce que j’observais dans la nature. Il y avait déjà cette idée de partager mes découvertes. C’était aussi la grande époque des forums internet où des passionnés échangeaient librement autour de leur passe temps favoris. J’avais moi aussi envie de partager tout ça. J’aurais pu peindre ce que je voyais, mais j’étais loin d’être assez bon un pinceau à la main. J’aurai pu le filmer aussi, mais à cette époque, le matériel vidéo était très onéreux. La photo s’est imposée comme ça : un moyen, facile, pratique et beau pour rendre compte de ma passion à tous ceux que ça intéressait.
© Michel d’Oultremont
– Vous avez baladé vos objectifs dans le monde entier. Qu’est-ce qui vous pousse à aller si loin ?
– Cela fait 17 ans que je photographie des animaux et, au début, je voulais partir à la recherche de certaines espèces comme un philatéliste collectionne les timbres. Cela impliquait donc de me déplacer. Parfois au bout du monde. De l’île d’Hokkaïdo, au Japon, au parc national de Yellowstone aux États-Unis. Avec le temps, ces postures de chasseur/collectionneur s’est atténuées pour laisser plus d’importance à la recherche graphique et artistique.
© Michel d’Oultremont
– Au point d’en faire des livres ?
– Quatre, en effet. Comme je le disais, je prends des photos pour partager la beauté que j’observe dans la nature. Alors, sortir un livre a été une sorte de suite logique de mon travail. Le premier, À l’affut est sorti chez Weyrich. Il a été suivi de 4 autres, en autoédition (j’aime garder la main sur tout le processus éditorial. Éternel insatisfait que je suis, si quelque chose ne plait pas ou plus, je ne peux n’en qu’à moi-même) : Rencontres, à Hokkaïdo, Yellowstone, aux USA et finalement, le petit dernier, Harmonie.
© Michel d’Oultremont
– De quoi est-il question dans Harmonie ?
– Harmonie est consacré à la faune belge. Après Hokkaïdo et Yellowstone qui sont au bout du monde, je voulais rappeler qu’il n’était pas forcément nécessaire d’aller si loin pour partir à la rencontre d’une nature sauvage somptueuse et que, tout à côté de chez nous, parfois au bout de notre jardin, quand on prend un peu le temps de se poser et d’observer, on découvre des trésors : des martres, des renards, des cerfs, plus de 300 espèces d’oiseaux… cela me tenait à coeur de remettre la nature de chez nous à l’avant plan. Certaines photos du livre ont été prises littéralement à 300 m de chez moi.
© Michel d’Oultremont
– La nature et la faune belge, en particulier, sont méconnues ?
– Dans le monde des photographes de la nature sauvages francophone, il y a beaucoup de Français qui photographient leur pays. La Belgique est rarement montrée, rarement mise en valeur alors qu’elle recèle de trésors insoupçonnés. Je voulais en montrer une partie et réparer cette injustice.
© Michel d’Oultremont
strong>- À l’occasion de ce livre, avez-vous encore découvert des choses chez nous ?
– J’ai suivi tout le printemps une nichée de martre, un mustelidé de la famille de la fouine. Il est en revanche plus difficile à observer que sa cousine. En 20 ans d’observation, je n’avais jamais trouvé de nid de cette espèce. En passant du temps sur le terrain, on découvre toujours des choses que l’on attendait pas. C’est la magie de la nature sauvage. Ce sont des cadeaux inestimables que de vivre ces moments.
© Michel d’Oultremont
– Comment choisissez-vous les photos qui vont dans vos livres ?
– C’est très compliqué, et ces choix sont souvent des crèves-cœur. Je fais d’abord une sélection de trois ou quatre cent images qui me plaisent et que je trouve intéressantes sur le sujet. Vient ensuite l’étape de la création de la maquette. Pour Harmonie, j’ai décidé de commencer par des images crépusculaires et nocturnes pour aller progressivement vers des photos claires et lumineuses, prises dans la neige notamment. Une fois ce choix artistique arrêté, on peut alors commencer à trier les photos pour raconter l’histoire. Et ce tri qui écarte forcément des photos auxquelles on tient, est impitoyable.
© Michel d’Oultremont
– Votre travail n’est pas seulement documentaliste, il est est surtout très graphique. La nature se prête-t-elle à cette dimension artistique ?
– La nature est, en elle-même, très graphique. Que ce soit dans les nuances ou les motifs d’un pelage, le dessin et l’ajustement d’un plumage… le graphisme est partout, et les lumières naturelles renforcent cet aspect.. Dans un environnement urbain, le photographe va jouer sur l’alignement des bâtiments, sur les lignes de fuites, sur les perspectives… je fais exactement la même chose avec la forêt, les prairies ou les marais… Au fil du temps, j’ai un peu changé ma façon d’appréhender mes sujets. Je ne cherche plus l’animal lui-même, mais plutôt le bel endroit, celui qui va faire naître la magie et j’attends qu’un animal entre en scène, peu importe son espèce.
– Y a-t-il encore des choses qui vous font vibrer ?
– Le métier de photographe animalier est fondamentalement un métier de rêveur et j’ai encore beaucoup d’envie. J’ai raté le tigre de Sibérie en Russie avant la guerre… je n’en ai aperçu que des empreintes, et c’était déjà beaucoup d’émotions. Il y a donc des rendez-vous qui doivent se reprogrammer et d’autres, qui sont ponctuels, que d’année en année, je ne raterai pour rien au monde, comme le brame du cerf ! Ces moments me font vibrer, cela m’anime et j’en ai besoin. Je pourrai voir la panthère des neiges, le tigre du Bengal, un rhinocéros blanc la même année que je ne raterai malgré tout pas le brame du cerf.
Livre
Harmonie
Auteur
Michel d’Oultremont
Éditeur
Michel d’Oultremont
Sur internet
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