Martin Boonen
10 May 2023
Eventail.be – Quel est votre parcours dans l’automobile ?
Patrick Peter – À l’origine, nous sommes plutôt une agence de communication. Nous le sommes restés mais désormais la production d’événements représente 90% de notre activité. Nous avons commencé en 78 et sommes actifs dans l’événementiel automobile historique depuis 1982. Nous avons débuté le Grand Prix de l’Âge d’Or sur l’autodrome de Linas-Montlhéry en 2002. Vous voyez, cela fait déjà un petit moment que c’est devenu notre spécialité. En 2002 nous mettons sur pied la première édition du Mans Classic, et à partir de 2010 toutes les séries anciennes. Entre temps, nous avons fait des incursions dans l’univers des courses modernes avec le BPR dans les années 90’, et puis les Le Mans Séries de 2004 à 2012. À partir de 2012, on s’est focalisé exclusivement sur les voitures anciennes.
Patrick Peter, fondateur de Peter Auto et organisateur de Spa Classic © DR
– Entre 2012 et aujourd’hui, il y a beaucoup de choses qui ont dû changer. Comment avez-vous vu évoluer le monde de l’automobile classique ?
– Cela avait déjà commencé à changer avant notre arrivée, en fait, dans les années 90’ déjà. Avec la crise économique, le prix des voitures, de l’immobilier… tout s’est cassé la figure. Ensuite ? C’est remonté, petit à petit. Il y a eu une croissance, pendant 20 ans, des années 90’ jusqu’en 2015. Les voitures anciennes sont devenues des voitures de collection et leur prix s’est envolé. L’intérêt des collectionneurs s’est donc marqué pour ce genre de voitures à partir 2010, tant pour les voitures de série que pour les voitures de compétition. Mais pas pour les mêmes raisons. La cote des voitures anciennes de série à explosé, alors que rouler dans une voiture de compétition d’époque restait bien moins onéreux que courir dans une voiture contemporaine, où le degré de technicité, notamment informatique, requiert désormais une batterie d’ingénieurs ou de mécaniciens pour ne fusse que démarrer le moteur. Une voiture moderne, après trois ans de roulage, elle ne vaut plus rien. Enfin, si, mais elle acquiert une valeur de musée, plus une valeur de compétition. C’est autre chose pour les voitures de compétition historique qui reste, malgré les années, toujours relativement facile à faire rouler. En revanche, tout ce qui tourne autour de la voiture s’est bien professionnalisé. Au début, j’ai connu des pilotes qui arrivaient sur le circuit par la route avec leur voiture de compétition et repartaient de la même façon le soir même. Maintenant, les paddocks regorgent de motor homes et compagnie… cela a bien changé, oui.
– Avec des normes environnementales de plus en plus drastiques et une diabolisation politique de l’automobile, en particulier dans les villes, est-ce que l’automobile historique à un avenir ?
– Ce que je constate, c’est que nos événements sont en croissance régulière, notamment en termes de fréquentation. Par exemple, nous avons franchi le cap des 200 000 spectateurs au Mans Classic l’année dernière, et on va encore certainement battre ces chiffres cet été. Même les compétitions de rallyes historiques, sur routes ouvertes, donc par essence plus contraignantes pour le public local, sont très très bien accueillies. Il faut se rendre compte que les voitures ancêtres, même si elles ne sont pas aux normes anti pollutions actuelles, ne représentent rien par rapport à la pollution du parc automobile totale. En France, il y a 40 000 000 de véhicules en circulation, dont seulement 600 ou 700 000 sont des ancêtres. Et le kilométrage annuel total de ces voitures ne représente pas 10% du kilométrages moyen annuel d’une voiture moderne que l’on utilise au quotidien. C’est donc un faux procès. D’autant plus que nous commençons à travailler sur des carburants synthétiques qui réduisent le niveau d’émissions de pratiquement 80% par rapport à des carburants classiques. On sait que dans les cinq ans à venir, on va pouvoir alimenter l’intégralité de ces voitures avec ces carburants. On a plutôt un accueil très favorable parce qu’il y a un vrai art de vivre, on joue sur la fibre nostalgique… et ça fonctionne sur toutes les classes d’âge. Ce sont des souvenirs pour ceux qui ont vu courir ces voitures à l’époque, et cela éveille la curiosité des plus jeunes.
© Peter Auto
– En parlant de technologie, les voitures de compétition actuelles semblent de plus en plus éloignées des voitures que l’on conduit au quotidien. Elles sont en tout cas beaucoup plus difficile à comprendre. Feront-elles, à l’avenir, autant rêver que les voitures historiques actuelles ?
– Je suis assez serein sur cette question. Maintenant, il y a effectivement des générations de voitures dont on ne sait pas si elles pourront continuer à fonctionner dans 10 ans, dans 15 ans ou dans 25 ans. Notamment pour des raisons d’obsolescence informatiques. On peut encore démarrer facilement une voiture d’il y a 30 ans. Mais faire fonctionner un ordinateur de la même époque, c’est paradoxalement beaucoup plus compliqué. Ces voitures sont presque condamnées à devenir des sculptures sur roues. Il y a eu un tournant technologique à ce niveau-là dans les années 2000, ce sera sans doute des années charnières pour l’exploitation des ces voitures comme autos historiques. Mais pour toutes les voitures avant cette génération, il y a de quoi se montrer très optimiste. Après tout, de nos jours, un cheval ou un bâteau à voile, ça ne sert à rien. Pourtant, ce sont encore de superbes loisirs.
Peugeot signe un triplé historique au 24h du Mans en 1993 avec ses terribles 905 © Peter Auto
Jaguar a couru en Group C à la fin des années 80' © Peter Auto
– Vous organisez des courses historiques à Linas-Monthléry, au Mugello, à Dijon-Prenois, au Mans… quelle est la place de Francorchamps parmi ces circuits mythiques ?
– Assurément une place un peu particulière parce que c’est probablement le plus beau circuit qui soit. Pour un organisateur d’évènement dans notre secteur d’activité, Francorchamps est incontournable. Le Mugello, c’est beau. Le Paul Ricard, c’est mythique, mais si on ne devait en sortir qu’un, ne serait-ce pas Spa ?
– Les plateaux présentés à Spa sont très différents et couvrent de larges pans de l’histoire de compétition automobile. C’est un défi de faire rouler tant de voitures si différentes ?
– Oui et non. Nous avons désormais l’habitude et nous avons construit notre expérience petit à petit. Aujourd’hui, nous en avons 9 qui vont de l’après-guerre jusqu’à 2010. Nous couvrons 60 ans d’histoire de course automobile. Normalement, les voitures que nous présentons sont des voitures de sport ou des prototypes, c’est-à-dire des voitures fermées. À Spa, nous ferons une petite entorse à cette tradition en présentant un plateau de monoplaces, des Formule 1 historiques.
© Mathieu Bonnevie
© Mathieu Bonnevie
– Comment jaugez-vous la qualité de vos plateaux ?
– Je suis assez fier de pouvoir dire que nous arrivons à attirer dans nos meetings des collectionneurs qui osent mettre des voitures de très grande valeur en piste. Des voitures que l’on ne voit pas ailleurs, ou du moins, pas en mouvement. Il y a des grandes Ferrari, des grandes Maserati… toutes les marques mythiques sont représentées. Et vous n’avez pas partout l’occasion de vous approcher de ces voitures, de discuter avec les pilotes et les propriétaires. Ce sont des choses qu’il est possible de faire chez nous et nous y tenons.
© DR/Peter Auto
– Cette année, les 24 Heures du Mans fêtent leur centenaire. Le Mans Classic sera aussi en fête ?
– Ah, alors ça oui ! Nous travaillons avec l’ACO (Automobile Club de l’Ouest, qui organise la course des 24 Heures du Mans) pour organiser un certain nombre d’animation et de présentation en commun. Nous ferons venir pour l’occasion un très grand nombre, à peu près 80, de voitures gagnantes, ou de voitures qui ont marqué l’histoire de cette course unique. Certaines viendront de très loin. Ce sera exceptionnel. Il y aura un immense convoi de Bentley d’avant-guerre. Une partie des septante-cinq vénérables voitures de courses partiront du RAC (Royal Automobile Club – un célèbre gentlemen’s club automobile londonien, ndlr), passeront par Goodwood, prendront le ferry, pour finalement nous rejoindre dans la Sarthe. Cela ne s’est jamais fait et cela promet à tout le monde un périple formidable. À côté de ça, il y aura ce qu’on fait habituellement, c’est-à-dire : un rassemblement de clubs (nous attendons 8500 voitures de clubs), une vente aux enchères, la parade des enfants Little Big Le Mans, et cetera…
Événement
Spa Classic, by Peter Auto
Dates
Du 12 au 14 mai 2023
Adresse
Circuit de Spa-Francorchamps
Route du Circuit, 55
4970 Stavelot
Billeterie
Sur internet