Rédaction
07 November 2014
Très jeune, il succède à son père, le roi Boris III, mort dans des circonstances troublantes. Menacée par les Soviétiques qui s'emparent de la Bulgarie, la famille royale rallie l'Égypte avant de s'établir en Espagne où Siméon renoue avec le Vieux Continent. Après des études aux États-Unis, il épouse Doña Margarita Gómez-Acebo y Cejuela le 21 janvier 1962, dans l'église orthodoxe de Vevey, voilà tout juste cinquante ans. Le couple royal aura cinq enfants: Kardam, prince de Tirnovo, Kyril, prince de Preslav, Kubrat, prince de Panagiurishte, Konstantin, prince de Vidin, et Kalina, princesse de Bulgarie. Très proche de ses cousins royaux, il mène avec succès une brillante carrière dans le monde des affaires. Autorisé à rentrer en Bulgarie, il ne foulera le sol de sa patrie qu'en 1996, cherchant un moyen de servir son pays. Il décide alors de créer un parti politique qui va remporter une victoire écrasante aux élections parlementaires du 17 juin 2001. Le 24 juillet, le roi Siméon prête serment comme Premier ministre de son pays, jurant de respecter la constitution de la république de Bulgarie. Le fait est inédit mais le souverain souffre très vite de cette situation atypique, devenant l'objet de nombreuses attaques personnelles. Encalminé par la jalousie, son programme ne portera pas les fruits espérés et le roi finit par se retirer de la politique. De nos jours, il consacre toujours son temps à la Bulgarie. L'Eventail l'a rencontré il y a quelques temps.
Le roi Siméon II de Bulgarie et son épouse Doña Margarita Gómez-Acebo y Cejuela © Droits réservés |
L'Eventail - Sire, Votre père meurt dans d'étranges circonstances et Vous avez à peine six ans quand Vous lui succédez sur le trône de Bulgarie. Quels sont vos souvenirs de cette époque ?
Siméon II de Bulgarie - Pour ma sœur et moi, la mort de notre père fut un choc terrible. Nous venions de lui envoyer des gentianes et je lui avais dessiné un avion, un malheureux présage. Si je n'ai pas tout compris, j'ai pourtant réalisé que j'étais maintenant en première ligne, si l'on peut dire.
- Quelque temps plus tard, les troupes soviétiques envahissent la Bulgarie. Que s'est-il passé ?
- La situation était très préoccupante mais Moscou avait envoyé un message fort au parti car les soviétiques craignaient la réaction des alliés si j'étais assassiné. Cependant, le risque était bien réel car mon oncle, le prince Kiril, et les deux autres membres du Conseil de Régence avaient bel et bien été fusillés.
- Comment Votre mère, la reine Giovanna, a-t-elle vécu cette période troublée ?
- Ce fut vraiment épouvantable pour elle car elle devenait veuve à 39 ans et se retrouvait seule, confrontée à de graves difficultés financières. Pourtant, jamais, elle n'a eu un mot déplacé envers qui que ce soit, tentant d'expliquer une situation ou d'excuser quelqu'un. Comme l'Impératrice Farah, elle ne s'est jamais plainte et a toujours conservé une attitude exemplaire.
- Pourquoi avoir choisi l'Égypte comme terre d'exil ?
En fait, nous rejoignions mes grands-parents, le roi et la reine d'Italie, déjà installés à Alexandrie grâce à l'hospitalité du roi Farouk. Je les voyais pour la première fois et l'accueil fut très protocolaire car, en tant que roi, je devais prendre place, seul, aux côtés du roi Victor-Emmanuel dans la première voiture du cortège. Mon grand-père avait l'air sévère et j'étais terrifié. Ma grand-mère, la reine Elena, était très gentille avec nous. J'aimais l'accompagner à la pêche. J'ai aussi rencontré mes cousins Hesse, Bourbon-Parme et Calvi di Bergolo.
- Quelle était Votre vie en Egypte ?
- J'ai pu m'inscrire au prestigieux Victoria College grâce à la générosité de grand-maman. J'étais dans la même classe que le futur roi Hussein de Jordanie qui était un peu plus âgé que moi. J'y ai fait la connaissance de princes venus de la plupart des Émirats, des liens qui se sont avérés précieux et utiles par la suite.
- Pourquoi avoir soudain rallié l'Espagne ?
Ma mère souhaitait que je reçoive un enseignement plus approprié et éconduite par l'Italie, elle reçut finalement la permission du Général Franco de s'installer en Espagne.
- En Espagne, Vous rencontrez souvent le Général Franco, quel homme était-il ?
- Il éprouvait une véritable aversion pour le système communiste et c'est pourquoi il n'a pas hésité à nous accueillir. Réservé et humble en ma présence, il cadrait mal avec l'image qu'on se fait d'un dictateur. Il a toujours été très courtois avec ma mère et moi.
- Était-il possible d'entretenir en même temps des relations avec la famille de Bourbon ?
Oui, bien entendu d'autant plus qu'à mon arrivée en Espagne, le futur roi Juan-Carlos y vivait déjà. Je peux dire que le Général Franco lui montrait une affection vraiment filiale. Par la suite, j'ai fait la connaissance du comte de Barcelone qui pour détendre l'atmosphère m'a dit que j'étais un sacré veinard de pouvoir vivre en Espagne. Plus tard, quand je le voyais, il me parlait longuement et sa confiance me touchait. Il s'amusait à m'appeler Simeonibus.
© Droits réservés |
- Vous voyiez aussi votre oncle le roi Umberto qui vivait au Portugal. Quel homme était-il ?
- C'était un homme qui se livrait difficilement, affichant pourtant un côté mondain qui n'était qu'une façade. Au fond, je pense que je ne l'ai connu qu'après sa mort quand j'ai découvert l'aspect monacal de sa chambre, un contraste d'autant plus saisissant, après sa somptueuse bibliothèque, remplie de splendides ouvrages. On voyait un lit sans ressort, une petite table de nuit, un chapelet, un petit drapeau italien et une misérable ampoule qui pendait du plafond. C'est à ce moment-là que j'ai vraiment réalisé son élévation morale.
- Vous avez tissé des liens forts avec le roi Hassan II du Maroc. Pouvez-Vous nous en parler ?
- J'avais beaucoup d'affection et d'admiration pour le roi Hassan II. Sa culture était étonnante et très vaste. C'était un vrai érudit et il fascinait son auditoire quand il discourait sur la religion. J'ai travaillé pour lui pendant vingt ans dans le cadre de l'ONA . Quand je me suis rendu au Maroc en tant que Premier Ministre, le roi Mohammed VI m'a dit 'Je ne vais pas vous dire que vous êtes le bienvenu car, ici, vous êtes chez vous'.
- Après avoir travaillé treize ans pour le groupe Thomson et exercé les charges de conseiller financier dans différents groupes, vous avez choisi de rentrer en Bulgarie. Pourquoi ?
- J'y suis retourné en 1996 car je voulais sonder le terrain. Je cherchais un moyen de servir mon pays et le moment était venu. Finalement, les choses se sont emballées et je suis allé à l'encontre de certains principes que je défendais autrefois : ne pas prendre parti, ne pas entrer dans la mêlée. Ce fut très éprouvant car d'emblée, j'ai ressenti les à-priori des générations qui n'avaient entendu que mensonges et calomnies sur la monarchie. J'acceptais volontiers les remarques sur ma façon de gouverner mais il s'agissait plutôt de critiques dirigées contre ma personne et je devais sans arrêt esquiver les torpilles. En fait, j'étais confronté à un immobilisme affligeant. Beaucoup ne voulaient tout simplement pas travailler avec moi.
- Avez-Vous projeté de rétablir un jour la monarchie ?
J'ai trop de respect envers les Bulgares pour leur imposer un système en bloc. Ils ont vécu quarante ans d'isolement total et de critiques anti-monarchiques. Pour le moment, la république et la démocratie fonctionnent et c'est le plus important. Et puis, le pays était confronté à des défis bien plus essentiels que le rétablissement de la monarchie.
- Vos pairs du gotha ont-ils admis cette double appartenance monarchie-république ?
- Tout à fait. J'ai d'ailleurs reçu nombre de messages d'encouragement et j'ai même une anecdote. Lors des funérailles de la reine-mère en Grande-Bretagne, j'avais pris place dans la nef du côté 'civil', en tant que Premier ministre, près de Madame Chirac. Á la fin de la messe, un dignitaire est venu me 'repêcher' car la reine me conviait à Windsor avec les autres familles royales. Le roi Harald a salué mon arrivée par un 'Welcome back to the Club !'.
- Avez-Vous des contacts réguliers avec cette tribu des Saxe-Cobourg dont Vous faites partie ?
Nous entretenons de très bons rapports avec le roi Albert et la reine Paola. Nous devions partir en croisière avec eux durant l'été mais le sort s'est acharné car la reine s'est cassé le poignet puis il y a eu la situation politique belge qui a rappelé le roi et enfin, c'est notre fils Kardam qui a eu son terrible accident, mais nous restons en contact.
Siméon II de Bulgarie, Un destin singulier. Ed. Flammarion, 2014.
Publicité
Publicité