Martin Boonen
27 September 2024
Cancer métastasique du pancréas de stade 4. Quand le verdict des médecins tombe en 2020, le monde de Gilles Van der Spek aurait pu s’écrouler. En effet, lorsqu’il prend la nouvelle de plein fouet, le Bruxellois d’alors 32 ans ans est un jeune homme sportif, passionné de vélo, diplômé d’administration des affaires à Namur, ayant travaillé dans l’hôtellerie à Londres, Barcelone, Kyoto et à Langkawi, en Malaisie et avec des projets et des envies plein la tête. Le mal est incurable, alors une question se pose à Gilles : que faire du temps (entre 2 et 20 ans selon les médecins) qu’il lui reste ?
© Crolle
Le sang de Gilles Van der Spek ne fait qu’un tour : il est malade certes, mais il est vivant et il veut continuer à vivre, à fond. Il cristallise cette soif de vivre dans une idée, un mot valise : le profitivisme, contraction heureuse de l’envie de profiter et du besoin vital de rester positif.
Dans cette course contre la montre et la maladie, son premier atout après ses proches, c’est son vélo. Passionné de cyclisme, c’est l’effort physique et l’envie de se dépasser qui donnent à Gilles le sentiment de prendre le pas sur la maladie.
Déjouant tous les pronostiques en sa défaveur, il grimpe à vélo le terrible mur de Huy, espérant inspirer dans son sillage d’autre malade en souffrance. Il décide ensuite de s’inscrire à la très exigeante Silk Road Mountain Race (SRMR), une course amateur d’ultracyclisme (l’équivalent cycliste de l’ultratrail) en autonomie à travers les 1 800 kilomètres au Kirghizistan. Alors que seulement 170 concurrents sont admis, sa seule participation est déjà une victoire en soi. Pour cette occasion, il lève des fonds pour l’Anticancer Fund, une asbl belge à vocation internationale qui investit dans des traitements prometteurs contre le cancer et dans le soutien aux patients atteints de cancer. Malheureusement, il se blesse lors d’une chute pendant sa préparation. Incapable d’être remis à temps pour le départ, il doit renoncer à son projet.
© Crolle Agency
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Puisant en son fort intérieur une force insoupçonnée, il se soigne et remonte en selle. Puisque qu’il ne peut pas aller au Kirghizistan, il se lance un nouveau défi : pédaler pendant 24 heures sans s’arrêter dans une nacelle de la grande roue de Bruxelles, place Poelaert. Une performance de haut vol qu’il accomplit haut la main !
Si son propre combat est perdu d’avance, il veut en faire profiter ceux qui ont encore une chance de guérir. Il monte une ASBL qu’il baptise Profitivisme, du nom de son nouveau mantra. “Je pense que, face à l’adversité, c’est vraiment très important de rester positif. C’est 60%, comme je dis toujours, de la guérison ou du maintien. Je ne sais pas si j’apporte beaucoup, mais j’essaye d’inspirer les gens à relativiser par rapport à leurs bobos de tous les jours, leurs tracas et en disant : ‘Attendez, arrêtez de vous plaindre, la vie est belle !’. Ce que j’essaye de transmettre. C’est un choix que l’on a face à l’adversité : soit on peut devenir une victime, soit on peut devenir un survivant. Pas survivant par rapport à la mort, mais survivant par rapport au fait qu’il y a moyen de vivre une expérience et devenir plus grand, plus grand humainement. Et c’est ça que j’essaye de faire au travers d’une ASBL. […] Parce que souvent, la société, la routine de tous les jours, fait qu’on perd la notion de ce qu’on a et ce qu’on a, c’est déjà énorme. Le simple fait de vivre et de respirer et de se réveiller le matin autour de ses proches, c’est déjà une victoire tous les jours !” explique-t-il alors à la RTBF.
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Aujourd’hui, l’asbl Profitivisme veut “déjouer (l’adversité) et permettre aux jeunes cancéreux de se lever le matin avec un objectif de vie qui les ‘drive‘ à aller de l’avant, à trouver un rythme, une dynamique et une nouvelle hygiène de vie, peut-on lire sur le site officiel de l’association. L’ASBL Profitivisme veut offrir un accompagnement aux adolescents et jeunes adultes (16-35 ans) au travers d’un défi sportif choisi par les cancéreux et qui les motivent.” comme on le lit sur le site internet de l’association.
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En 2023, il fut honoré par la magazine Lobby qui fit de lui le “Leader bruxellois de l’année” lors de la prestigieuse cérémonie des Lobby Awards.
Ces dernières semaines, Gilles Van der Spek avait repris des traitements plus expérimentaux et plus lourds, l’affaiblissant de manière plus importante. Malgré la rudesse des coups portés à son corps et à son moral, il n’a jamais abandonné, sur les messages qu’il partageait à sa communauté via ses réseaux sociaux, ni son humour, ni son espoir, ni sa joie de vivre, portant jusque dans les derniers instants son message profitiviste.
Gilles Van der Spek s’est éteint le 26 septembre 2024, à l’âge de 36 ans, après presque 4 ans d’un combat extraordinaire contre l’adversité et la fatalité, pour lui et tous les autres malades du cancer. Ses proches ont déclaré qu’ils poursuivraient les projets de l’ASBL Profitvisme après lui.
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Gilles, dans sa communication, avait pris l’habitude, comme une signature, de conclure ses messages par un énergique “Ride on” qui résumait tout son amour pour la vie. Aujourd’hui, c’est à nous d’écrire : “Ride on, Gilles et d’y ajouter “Merci pour tout.”
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