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Berlinale 2018 : affronter le passé, ou le revivre ?

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Rédaction

19 February 2018

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[caption id="attachment_19301" align="alignnone" width=""]Le réalisateur allemand Christian Petzold et les comédiens Paula Beer et Franz Rogowski [/caption]« Ceux qui refusent d'affronter le passé sont condamnés à le revivre ». Cette phrase du philosophe américain George Santayana trouve une manière d'illustration dans deux films présentés à cette 68e Berlinale.

Transit, du réalisateur allemand Christian Petzold (58 ans), se situe à Marseille au début de la dernière guerre. Les troupes du Troisième Reich ont envahi la France ; la zone sud, dite non occupée, relève du régime de Vichy. Fuyant la menace nazie, le héros du film, Georg, retrouve dans la cité phocéenne des compatriotes à la recherche d'un visa et d'un embarquement incertain vers les Amériques (Etats-Unis ou Mexique). À partir de là, les choses commencent à se compliquer. Petzold est obsédé par les changements ou les usurpations d'identité, un thème récurrent dans ses œuvres précédentes (notamment dans Phoenix, à mon avis son opus le plus intéressant). À une intrigue qui ne cesse de s'épaissir s'ajoute bientôt une histoire d'amour avec une mystérieuse Marie (incarnée par Paula Beer, la superbe interprète de Frantz de François Ozon).

 
 © Schramm Film / Christian Schulz

On découvre ainsi que la jeune femme en question n'est autre que l'épouse d'un écrivain allemand qui s'est suicidé à Paris au début du récit et dont Georg a falsifié plus tard le passeport. Tout cela se ramènerait à une histoire politico-policière fort alambiquée, si le cinéaste n'avait choisi, bizarrement, de tourner dans le décor de la Marseille actuelle (il n'y a donc ni SS ni véhicules blindés ornés de la croix gammée). Certaines scènes suggèrent que Christian Petzold voit un parallèle entre le sort des anti-nazis traqués par la police de Vichy et la condition des sans-papiers et autres demandeurs d'asile dans la société européenne du 21e siècle. Ce lien me paraît bien ténu et finalement l'enseignement historique qu'on peut tirer de Transit ne va guère au-delà d'une vague spéculation intellectuelle.

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J'ai été en revanche fort intéressé et plus d'une fois ému par Dovlatov (également en compétition) du cinéaste russe Alexeï German Jr. Né en 1976, le metteur en scène est le fils d'un brillant réalisateur qui avait connu jadis pas mal d'ennuis dans son pays. Le récit se déroule pendant cinq jours à Leningrad, en 1971, à l'époque où le régime du sinistre Brejnev plonge l'URSS dans une véritable glaciation politique, morale et intellectuelle.

 
 © SAGa Films

On connaît mal chez nous les écrits de Sergueï Dovlatov (1941-1990), poète et auteur de fictions (Le Domaine Pouchkine, La Valise), alors que dans la Russie actuelle il est révéré comme une des grandes figures de la littérature moderne (ses douze dernières années ont été vécues en exil à New York). Le film d'Alexeï German Jr. recrée brillamment cette atmosphère d'oppression et de chasse aux dissidents qui empoisonnait l'existence des artistes et des écrivains. Dovlatov, lui, n'accepte pas la compromission – contrairement à pas mal de ses collègues. Exclu de l'Union des écrivains soviétiques, il refuse de rentrer en grâce en acceptant, comme on le lui propose, d'écrire des textes à la gloire des travailleurs soviétiques. Le film nous plonge, comme si nous y étions, dans ces soirées tellement russes où l'on se noie dans la vodka en écoutant du jazz, tout en sachant qu'au bout de la nuit on va buter éternellement sur l'implacable évidence : il n'y a pas de place pour un esprit libre dans l'URSS du camarade Brejnev.

 
 © SAGa Films

La seule alternative est l'exil, ou plus précisément l'expulsion, et l'on voit d'ailleurs ici Joseph Brodsky, l'ami de Dovlatov, quitter sa patrie pour les Etats-Unis (il obtiendra le Prix Nobel de littérature en 1987). L'acteur serbe Milan Maric incarne avec beaucoup de justesse Dovlatov, cet artiste d'origine à la fois juive et arménienne qui réagit par un humour sarcastique à toutes les absurdités jalonnant l'existence de l'homo sovieticus. Le film d'Alexeï German Jr. a été financé en partie par la télévision d'État de Russie. Un journaliste a demandé hier au cinéaste s'il a subi des pressions ou si on l'a incité à des compromissions. Réponse : aucune interférence dans le processus de création, et même pas l'ombre d'une tentative de censure. Mais il ajoute en conclusion : « Malheureusement, la situation change très vite. Je ne sais ce qui arrivera dans un an, mais je voudrais rester en Russie et continuer à y faire des films ».

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Sur ma liste noire, j'inscris sans hésiter Eva de Benoît Jacquot (en compétition samedi dernier), remake du film homonyme réalisé il y a une cinquantaine d'années par Joseph Losey d'après le roman de James Hadley Chase publié dans la Série Noire (Jeanne Moreau tenait le rôle principal).

 
 © 2017 Macassar Productions - Europacorp - Arte France Cinema - NJJ Entertainment - Scope Pictures / Guy Ferrandis

Histoire d'une prostituée de haut vol despotique et fabulatrice. Scénario invraisemblable, personnages sans intérêt, interprétation masculine (Gaspard Ulliel) insipide. Isabelle Huppert est tellement inexpressive et glaciale qu'elle semble avoir été extraite à l'instant d'un congélateur géant. À éviter.

 

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