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De l'humour aux frissons : le cinéma asiatique dans tous ses états

Rédaction

28 April 2016

© Marcel Croës

Un film entièrement consacré à de jeunes enfants ? J'avoue qu'à cette idée j'ai gagné la salle de projection du Festival en traînant quelque peu les pieds. Ce genre de sujet incite le plus souvent à la mièvrerie et à une sentimentalité insupportable. En outre, on a pu vérifier maintes fois que s'ils sont livrés à eux-mêmes les interprètes juvéniles versent sans retenue dans le cabotinage. The World of Us (qu'on pourrait traduire par « Notre monde ») a été en fait une excellente surprise qui a suscité un tonnerre d'applaudissements. Premier long métrage de la jeune Coréenne Yoon Ga-eun, le film a pour héroïne une fillette de dix ans qui en début d'année (nous sommes dans une école du nord de Séoul) se lie d'amitié avec une nouvelle camarade du même âge. La réalisatrice décrit avec une étonnante justesse l'évolution de cette relation, qui passe d'un attachement passionné à une rancoeur vengeresse losque la petite Sun se sent délaissée par sa copine. J'ai rarement vu autant de finesse et de subtilité dans l'exploration de la psychologie enfantine. Et les deux fillettes (qui n'avaient jamais joué dans une œuvre de fiction aussi ambitieuse) se révèlent d'un naturel incroyable. Yoon Ga-eun était toute chavirée l'autre soir par l'accueil enthousiaste du public local et de la critique.

Une autre réalisatrice asiatique, la Japonaise Tanada Yuki, me confiait avant-hier qu'après avoir fait des études à Tokyo elle avait éprouvé des doutes quant à sa vocation, lorsque la découverte d'un film européen – en l'occurrence Toto le héros de notre compatriote Jaco Van Dormael – lui redonna une furieuse envie de faire du cinéma... Son septième long métrage, Round Trip Heart, se déroule pour une bonne part dans le wagon d'un de ces trains ultra-rapides qui sillonnent l'archipel nippon. La jeune Hachiko, 26 ans, pousse à travers les couloirs le classique chariot contenant des boissons et des victuailles, lorsqu'elle surprend un passager en train de piquer sournoisement un panier-repas. A partir de cette rencontre, qui commence par une altercation entre l'employée modèle et le voleur joyeusement désinvolte, se développe une relation entre deux êtres qui a priori n'ont rien en commun. L'intérêt le charme du film tiennent au fait que le scénario emprunte constamment des chemins imprévisibles, un peu comme dans les récits du cinéaste coréen Hong Sang-soo (découvert chez nous depuis déjà une bonne dizaine d'années). Round Trip Heart, sorte de road movie tout en zigzags, a du charme, de la tendresse et de l'humour.

Je n'ai jamais été un fan de mangas, mais avec Bakuman de One Hitoshi (né à Tokyo en 1968) je me suis trouvé plongé dans un monde que j'ignorais totalement, celui des auteurs de ces romans dessinés souvent délirants qui se vendent là-bas à des millions d'exemplaires. Deux lycéens rêvent de créer un super-manga qui battra tous les records, et le film est le récit de cette folie qui s'empare d' adolescents naïfs prêts à gâcher leur vie entière pour un succès on ne peut plus éphémère. La mise en scène de One Hitoshi inclut des séquences oniriques assez époustouflantes. Bakuman aurait à coup sûr sa place dans un festival du film fantastique comme celui qui se déroule chaque année chez nous en avril.

La course au succès et la recherche frénétique de la réussite matérielle sont aussi au programme d'un film thaïlandais nettement plus pessimiste que celui du cinéaste nippon. Heart Attack de Nawapol Thamrongrattanarit (au pays du roi Bhumibol, les patronymes sont souvent de redoutables « tongue-twisters », comme on dit en anglais !) nous présente un graphiste tellement obsédé par son travail qu'il se prive de sommeil pendant plusieurs nuits et finit par contracter une mystérieuse affection dermatologique; une jeune et jolie doctoresse s'emploiera à l'en délivrer, mais sans le convaincre pour autant de renoncer aux cadences infernales face à son ordinateur. S'il faut en croire Heart Attack, le monde des graphistes est un univers encore plus impitoyable que celui de la série télévisée Dallas ... Le film a été très controversé en Thaïlande, mais il s'est tout de même classé deuxième l'an dernier au box-office local, et il a remporté là-bas une palanquée de récompenses.

Pour moi, le plaisir cinématographique le plus intense éprouvé jusqu'ici à Udine vient d'un film signé par un créateur qui n'est pas précisément un débutant: Kiyoshi Kurosawa a 61 ans et il a déjà signé une bonne vingtaine de longs métrages. En Europe, on l'a découvert à partir de 1977 avec Cure, et il a enchaîné dans les années suivantes avec Charisma, Séance, Pulse et Doppelgänger qui l'ont consacré comme le maître d'un genre où la terreur se marie au fantastique. Mais Kurosawa nous a aussi donné récemment deux beaux films intimistes, centrés sur des relations familiales : Tokyo Sonata (2006) et Vers l'autre rive (2015). Avec Creepy, il revient à une forme de récit propre à hanter les nuits des spectateurs aux nerfs fragiles. Son portrait d'un serial killer psychopathe nous entraîne inexorablement dans un monde de cauchemar, d'autant plus inquiétant que le réalisateur ne recourt jamais à des effets faciles du style grand-guignol. La précision de la mise en scène, le sens du décor et de l'atmosphère, la qualité de la direction d'acteurs, la rigueur dans le développement du scénario : tout concourt à faire de Creepy une machine à nous glacer le sang.

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