Le Chemin du bonheur, long métrage de Nicolas Stein, est adapté d’un livre de notre compatriote Henri Roanne-Rosenblatt, Le Cinéma de Saül Birnbaum (publié en 2013 et réédité à présent chez M.E.O. Editions). Le héros de ce récit teinté d’éléments autobiographiques est un survivant des persécutions nazies. Fuyant l’Autriche après l’Anschluss – grâce à un « Kindertransport » – il aboutit en Belgique où il mène pendant la guerre une existence d’enfant caché. AÀ la Libération, cédant à son rêve américain, il file à New York où il ouvre un delicatessen et se découvre une vocation imprévue de producteur de cinéma : à l’arrivée, le film qu’il a cofinancé lui vaudra même une consécration officielle.
Henri Roanne-Rosenblatt a rédigé lui-même le scénario inspiré de son livre et on peut vérifier à chaque instant dans Le Chemin du bonheur à quel point ce travail est irrigué par sa connaissance du cinéma. Comme je connais Henri depuis plusieurs décennies (nous avons travaillé ensemble à la RTBF), j’ai choisi le parti de l’appeler ici par son seul prénom – et je prie qu’on n’y voie nulle trace d’un copinage qui serait indigne de l’un et de l’autre. Il a notamment été le réalisateur (avec Gérard Valet) d’un documentaire sur la Chine communiste et d’un portrait d’Hergé, Moi, Tintin. On saluera dans Le Chemin du bonheur une maîtrise de la narration qui permet à l’auteur de construire un récit où le passé (l’avant-guerre en Europe) et le présent (le séjour américain) se bousculent constamment.
Ce qui j’ai aussi aimé dans ce film, c’est qu’Henri ait choisi un angle inhabituel pour traiter son sujet. Car les scènes situées dans le restaurant new-yorkais de Saül Birnbaum ont un point commun : elles sont toujours centrées sur un véritable culte de l’histoire du cinéma, dans la mesure où les familiers et les clients sont invités à une sorte de « quiz » permanent où il s’agit d’accoler des noms d’acteurs ou de réalisateurs à certains titres de films. Il y a aussi une bonne dose d’humour dans certains épisodes. A cet égard, Le Chemin du bonheur m’apparaît par moments comme une sorte d’hommage allusif à un cinéaste que nous aimons par-dessus tout : Ernst Lubitsch (je pense surtout à son incroyable To Be or Not to Be de 1942, qui arrivait à faire rire au sujet du nazisme).
Je sais gré à Henri Roanne-Rosenblatt d’avoir illustré ici une belle idée: si l’amour du cinéma n’efface pas les traumatismes de l’enfance, il peut du moins nourrir notre imaginaire et réintroduire une forme de magie dans nos vies. Ne manquez pas Le Chemin du bonheur, film attachant et généreux.
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