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Les apparences et l'amour

Corinne Le Brun

23 September 2020

© DR

[caption id="attachment_24653" align="alignnone" width=""][/caption]Eve, bibliothécaire (Karin Viard) et Henri, chef d'orchestre réputé (Benjamin Bioley), vivent ensemble depuis quinze ans et ont un fils. Pour le couple bourgeois français expatrié à Vienne, la vie coule sans histoires. Jusqu'au jour où Eve se rend soudain compte que son mari voit une autre femme. Dans le désespoir, elle décide de se venger. A sa manière...Dans le même temps, Eve se console avec un jeune homme rencontré au hasard d'une nuit de détresse. Les apparences sont trompeuses. Il convient quand même de les sauver... Marc Fitoussi ("Selfie", "Maman a tort", "Pauline Détective"...) signe une comédie noire, entre satire sociale et thriller, librement adaptée d'un roman suédois. Une réussite. Tourné presque entièrement à Bruxelles, "Les Apparences" réunit aussi des comédiens belges dont Laurence Bibot, en grande bourgeoise un brin médisante.

Eventail.be - On connaît vos comédies plutôt douces amères voire franchement drôles. Ici, le ton a changé...
Marc Fitoussi - Le ton est plutôt grinçant, en effet. Il y a un peu de comédie quand même dans certaines scènes. Je suis un gros lecteur de thrillers. La productrice Christine Gozlan m'avait proposé l'adaptation d'un roman alors que je venais de terminer mon premier film ("La vie d'artiste" (2007). Je n'étais pas prêt car j'avais pas mal d'histoires originales à raconter. En tant que cinéphile, j'aime les polars et, comme lecteur, je suis un fan de Patricia Highsmith. J'ai dévoré tous ses livres dont tous les droits étaient détenus par Sydney Pollack. Christine Gozlan est tombée sur "Trahie", un polar suédois de Karin Alvtegen que je trouvais moyennant bon. J'étais emballé, justement, pour en faire une adaptation. Je n'aurais jamais osé adapté un polar trop parfait. Le poids de la fidélité me faisait peur. Pour la première fois, j'ai adapté un roman en film.

- Qu'avez-vous apporté à l'histoire d'origine ?
- Dans le roman, Eve ne se résout pas à parler de sa colère de femme trompée à son mari. Ce silence me gênait car, selon moi, il manquait un contexte qui contraint cette femme trompée à se taire. J'ai donc inventé le milieu de Français expatriés à Vienne. Ils forment une communauté où les apparences comptent et où on a très peur de perdre son rang. Cette vie en vase clos oblige les personnages à rendre des comptes et à œuvrer comme ils le font. Du coup, on comprend mieux l'agissement de Eve, pas toujours très sympathique et même affreuse. Le spectateur se sent proche d'elle. Il y a plus qu'une couleur avec Karin Viard.

L'actrice Karin Viard dans le film Les Apparence du réalisateur Marc Fitoussi
© DR

- Vous avez réuni Karin Viard et Benjamin Bioley pour incarner un couple en déliquescence. Pourquoi ?
- Karin ne cherche pas à être désespérément sympathique à l'écran. Je lui avais proposé le rôle principal dans "Maman a tort" (2016). Elle n'avait pas envie de jouer une maman irréprochable (personnage incarné finalement par Emilie Dequenne, ndlr). Il faut effectivement pour Karin un peu de perversité. Mais elle a aussi un capital sympathique qui fait que même quand elle incarne des personnages un peu affreux, on est prêts à l'accompagner. Toutes n'ont pas ce pouvoir de sympathie. Pour incarner Henri, j'avais songé à un acteur qui n'a pu se libérer. Ce qui m'a permis de choisir Benjamin Bioley. Il est plausible en chef d'orchestre très taiseux et très en retrait. Cela lui va assez bien.

Le comédien Benjamin Biollay dans une scène du film Les Apparences du réalisateur Marc Fitoussi
© DR

- L'adultère est un sujet vieux comme le monde...
- Mais oui! Le thème est inépuisable. Lorsque Eve découvre que son mari la trompe, elle n'est jamais capable de l'affronter encore moins d'en parler à ses amies expats. Elle agit dans le déni pour préserver son rang plus que son amour. Tout se fait en catimini, en sourdine pour que son amie (Pascale Arbillot) ne sache rien. C'est la preuve qu'il y a la peur de perdre un statut social.

- "Peau d'Ane" apparaît dans votre film. Ce n'est pas un hasard...
- Jacques Demy propose un divertissement pour enfants qui est très apprécié de la bourgeoisie. S'il est perturbant dans ce qu'il raconte, le film est montré à tous les petits garçons et petites filles comme ce qui est bien lorsqu'on veut être bien élevés. Il y a déjà dans ce film un dérèglement qui fait écho à ce que Eve va vivre et entreprendre.

L'affiche du film Les Apparences du réalisateur Marc Fitoussi avec Karin Viard et Benjamin Biollay

- La musique, douce, inoffensive, voire inquiétante est très présente
- Elle me permettait d'affirmer un petit mieux le ton du film qui glisse progressivement vers le thriller. Elle a le pouvoir de mêler les genres. Au départ, elle nous invite à regarder une satire sociale dans laquelle il n'y aurait pas de crime. Pourtant, il y a quand même un climat de menace.

- Votre prochain film ?
- Je viens de terminer la réalisation de trois épisodes pour la quatrième saison de la série télévisée "Dix Pour Cent". Un avec Charlotte Gainsbourg, un autre avec Sandrine Kiberlain et le dernier avec Sigourney Weaver. Je compte tourner en Grèce "Les cyclades", un film sur les retrouvailles de deux amies d'enfance qui avaient une passion pour le film "Le grand bleu". Elles décident des années plus tard de faire ce fameux voyage qu'elles avaient rêvé de faire adolescentes: aller sur les traces du grand bleu....

 

"Les Apparences" de Marc Fitoussi.
Avec Karin Viard, Benjamin Bioley, Pascale Arbillot, Evelyne Buyle, Laetitia Dosch.
En salles

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