Paris, 1894. Fanni (Mélanie Thierry), une jeune femme bourgeoise, abandonne mari et enfants pour se laisser volontairement enfermer entre les murs de la Pitié-Salpêtrière.
Eventail.be – Avez-vous lu et vu Le Bal des Folles pour incarner Fanni ?
Mélanie Thierry – Je n’ai pas lu Le Bal des folles ni vu le film de Mélanie Laurent. Cela ne m’intéressait pas. Il y a un moment où j’ai envie de me sentir libre, vierge. En revanche, j’avais pu voir le film Augustine d’Alice Winocour. Cette jeune fille, interprétée par Soko, était soignée par le professeur Charcot à l’hôpital de la Salpêtrière, à la fin du 19e siècle. Augustine lui servait de cobaye. Le film est magnifique. Et de toute façon, le sujet reste tellement fascinant, mystérieux et impénétrable. Du coup, on a vraiment envie de s’y intéresser.
– Comment avez-vous travaillé le personnage de Fanni ?
– Toute l’équipe du film a reçu un dossier et des photos d’archives très intéressants. On comprend que la Salpêtrière est une ville à elle toute seule qui accueille des milliers de personnes. C’est effrayant. Je m’intéressais à savoir qui était Fanni, pour pouvoir avoir cette idée complètement folle, même si elle ne frotte pas la folie, de vouloir rentrer dans un service où elle n’a pas conscience qu’elle n’en sortira jamais, finalement. D’où elle vient-elle ? Qu’est-ce qui l’habite ? Que cherche-t-elle pour que sa démarche devienne une telle urgence et une telle nécessité ? C’est étonnant. Parce que, pour une femme bourgeoise, on peut se dire que la vie est belle. Fanni aime ou pas son mari mais, en tout cas, elle est une parfaite épouse. Elle a des enfants, elle fait des réceptions, elle mange à sa faim, elle va chercher des belles robes au Bon Marché… On pourrait se dire que de cette vie-là, plus d’une s’en contentait et que Fanni n’était pas malheureuse. Mais, néanmoins, quelque chose vibre à l’intérieur d’elle. Du coup, elle a besoin de comprendre pourquoi elle est faite d’autant de failles et de résoudre l’énigme de cette interrogation qui traîne depuis toujours.
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– La mort de sa mère…
– Elle a cru comprendre que sa mère n’était pas morte et qu’elle se trouve à la Salpêtrière depuis plusieurs années. Elle la cherche. Elle découvre la violence dont sont victimes les femmes enfermées, soit parce qu’elles souffrent de troubles psychiatriques, de handicaps, de maladies nerveuses, soit saines d’esprit, mais emprisonnées sous la contrainte par un mari ou une famille qui souhaite s’en débarrasser. Fanni s’interroge sur les hommes, sur leur responsabilité, sur la maternité, sur le mensonge…C’était quelque chose qu’elle ne soupçonnait pas et qui s’avère être bien plus violent et insupportable. Elle se retrouve face à des rencontres qu’elle n’aurait jamais faites autrement et à développer un sentiment d’empathie, de solidarité et de sororité. Ce qu’elle n’aurait peut-être pas forcément cultivé dans son quotidien. Retrouver sa mère est peut-être un prétexte. Le monde, la dureté de vie qu’elle va découvrir là vont l’éveiller.
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– Du début à la fin du film, votre regard est profondément triste
– Je n’ai absolument pas cherché à avoir un regard triste. Je pense que ma mélancolie est comme ça et qu’elle se traduit de cette façon-là quand je suis filmée. Mais je trouvais intéressant qu’Arnaud (des Pallières) ne donne pas les clés tout de suite aux spectateurs. On assiste à une forme de flottement où on ne sait pas qui elle est, ce qu’elle cherche. On ne sait pas si elle est réellement atteinte d’une forme de folie ou si elle est une intrigante ou une femme de mauvaise vie ou une criminelle…On ne sait rien et tout est possible et envisageable. Donc j’aimais bien cette idée qu’on ne donne pas tout de suite le jeu de cartes et qu’on avance, tâtonne avec elle et qu’on s’interroge comme elle s’interroge, en fait.
– Les femmes ne portent jamais leur vrai prénom. Pourquoi ?
– Dans le film, elles portent un surnom. Elles perdent leur identité. Le personnage de Hersilie Rouy (Carole Bouquet) a vraiment existé. Professeur de piano, elle avait été enregistrée sous un autre nom. Sur ordre de son demi-frère qui veut capter sa part d’héritage, elle est internée administrativement en septembre 1854 à l’asile de Charenton, puis mise comme “indigente” à la Salpêtrière. Les hommes se mettaient d’accord entre eux. Comme on ne lui avait pas demandé son avis à intégrer la Salpêtrière, Hersilie n’a pas eu non plus le choix quant à son nom. Parfois des femmes perdent même leur existence. Le personnage de La Douane (Marina Foïs), par exemple, ne m’appelle jamais par mon prénom. Je n’existe pas, à ses yeux. Elle sent peut-être que suis là pour d’autres raisons.
– Vous jouez dans un film d’époque, pour la première fois ?
– Non. J’ai fait mes débuts au cinéma dans le film La légende du pianiste sur l’océan de Giuseppe Tornatore (1998). L’histoire se déroulait dans les années 30. C’est vachement plaisant de faire des films d’époque. C’est magnifique de traverser le temps, au cours d’un film, d’avoir l’illusion d’appartenir à une autre époque.
Film
Captives
Réalisation
Arnaud des Pallières
Distribution
Mélanie Thierry, Josiane Balasko, Carole Bouquet, Marina Foïs
Sortie
En salles
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