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Rafiki, une histoire d'amour censurée

Corinne Le Brun

26 September 2018

© DR

La jeune réalisatrice Wanuri Kahiu venue de Nairobi a présenté Rafiki en sélection Un Certain Regard au Festival de Cannes. Une histoire d'amour entre deux jeunes filles qui a été censurée dans son pays juste avant la projection cannoise.

Interdit dans son pays au motif qu'il traite de l'amour entre deux femmes, Rafiki peut être actuellement vu pendant sept jours à Nairobi (du 23 au 29 septembre), et espérer ainsi être en lice pour les Oscars. Une première victoire pour la réalisatrice kényane et un espoir pour le cinéma africain.

Rafiki raconte le coup de foudre entre Kena (Samantha Mugatsia) et Ziki (Sheila Munyiva), deux étudiantes à Nairobi. Leurs chemins se croisent en pleine campagne électorale au cours de laquelle s'affrontent leurs pères respectifs. Attirées l'une vers l'autre dans une société kenyane conservatrice, les deux jeunes femmes vont être contraintes de choisir entre amour et sécurité... Le sujet de l'homosexualité est traité avec douceur, délicatesse, pudeur et tendresse, pour dénoncer une opinion publique victime de préjugés et de superstitions, qui rejette ceux qu'elle considère comme marginaux. Un plaidoyer contre l'intolérance.

Eventail.be - Comment est né Rafiki ?
Wanuri Kahiu - Il s'agit de l'adaptation du livre Jambula Tree de Monica Arac de Nyeko, que j'ai adoré. Je n'ai pas encore rencontré l'auteur ougandaise du roman. Nous avons communiqué par mails. Mon travail de cinéaste est politique, même si ce n'est pas mon objectif premier. J'ai créé une société de production qui propose une image du cinéma africain différente. Je propose un cinéma optimiste, joyeux, et positif. Je m'intéresse aux êtres humains et à leurs histoires. Dans mon premier long-métrage From A Whisper (2008) basé sur le fait réel des attentats terroristes contre l'ambassade des Etats-Unis à Nairobi, j'ai abordé le thème du pardon. Rafiki a pour sujet la compassion. Je voulais réaliser une histoire d'amour, peu importe que ce soit deux filles qui s'aiment. Je n'avais pas anticipé l'impact de Rafiki d'autant que j'avais reçu l'autorisation de réaliser le film. Le comité kényan de classification des films (KFCB) n'a pas accepté que je mette l'histoire d'amour - sexuelle - en images.

 
© C. le B. 

- Malgré tout, vous voulez montrer une image "joyeuse" de l'Afrique...
- Les films africains dressent en général l'état des lieux d'un continent qui va mal, le résultat est souvent déprimant. Il fallait aborder le sujet de l'homosexualité féminine avec une approche positive. Le père de Kena a une vraie conversation avec sa fille. Il l'écoute. Il va la soutenir. Il n'est pas le stéréotype masculin de l'amertume ou de la dureté. J'ai rencontré beaucoup d'hommes tendres, complexes, ouverts. Ce n'est pas suffisamment montré dans le cinéma africain. L'acteur principal (Jimmi Gathu) s'est aussi posé la question avant de faire le film : « que ferais-je si ma fille était lesbienne ? Je l'aimerais de toute façon ». C'est ce qu'il a apporté dans le film.

  

 
© DR 

  

- Vous vivez toujours au Kenya ?
- Oui et je continuerai à faire des films dans mon pays. C'est le plus bel endroit à vivre. C'est mon cœur. La Constitution, adoptée en 2010, est jeune. Nous restons optimistes. Rafiki montre la perspective des jeunes filles à Naïrobi, elles vivent leur ville comme une vidéo, dans une culture moderne. Naïrobi est une capitale cosmopolite, jeune, complexe.

Rafiki, de Wanuri Kahiu
Avec Samantha Mugatsia, Sheila Munyiva, Jimmi Gathu
En salle le 26 septembre 2018

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