Rédaction
19 July 2017
Varda questionne et écoute les personnes. JR les photographie puis colle leur portrait en très grand sur les façades d'une maison ou d'un café. Ces deux-là partagent le goût des autres et nous emmènent dans une balade buissonnière avec une bonne humeur communicative. En dépit de petits côtés autofilmés, « Visages, Villages » parle de la vieillesse, de l'amour, de l'humilité, de la rencontre avec l'autre, de la vie telle qu'elle est ou devrait être. On se plaît à accompagner ce drôle de couple loufoque et bienveillant. Il nous fait découvrir des anonymes émouvants, sincères et quelques curiosités tel le minuscule cimetière de Montjustin (soixante habitants !), en Bourgogne, où reposent le photographe Henri Cartier-Bresson et son épouse - belge - Martine Franck. De retour de Bologne où le documentaire a été montré en plein air, Agnès Varda la malicieuse nous raconte son périple iconoclaste.
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Eventail.be - Voilà soixante ans que vous faites du cinéma. Comment définiriez-vous votre évolution ?
Agnès Varda - Dans les dernières vingt années, j'ai surtout réalisé des documentaires élargis comme « Les glaneurs et la glaneuse » (1999), « Les plages d'Agnès » (2008) en parlant avec des gens dans le siècle. Par hasard, j'ai rencontré JR, enfin grâce à ma fille (sourire). Nous avons l'intérêt commun d'écouter les gens, le même goût de mettre des anonymes en avant et qui n'ont pas de pouvoir. Plus qu'écouter, on essaie de les mettre en conversation. On a eu de la chance.
- Comment avez-vous approché les gens ?
- Il faut être capable de les attraper, de capter des moments. Si on leur fait confiance, les gens ont souvent de l'imagination. Une grande empathie, l'estime suffisent. Les acteurs de ce film sont des personnes qui voulaient bien se raconter, en dehors des plaintes nationales relayées par les médias. Elles ont aimé notre rencontre, ce n'est pas comme ça qu'elles le disent à un reporter télé. On était dans ce qu'un documentaire peut faire : mettre les gens en valeur et vous les rendre sympathiques. Permettre aux spectateurs d'être émus par des choses qui ne sont pas des suspenses, du drame, des poursuites en voiture, encore moins de la politique. Il n'y a pas de révolte derrière, pas de violence. On s'est dit : on va faire lien, on va faire amitié. Il y avait tout le temps du hasard. Le hangar de l'agriculteur de Chérence (Val d'Oise) se situe à 100 mètres de la maison de campagne de Nathalie Sarraute. C'est un film sur les regards. Le cinéma est un métier où on peut être heureux de le faire.
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- Le tournage a duré près de deux ans...
- Comme je suis un peu fatiguée, on tournait une semaine par mois. Ma fille a arrangé la production d'une certaine façon. Arrêter, reprendre nous donnait l'occasion de rechercher d'autres lieux et de nouvelles idées. Entretemps, j'ai fait des expositions, notamment à Bruxelles (NDLR : « Patates et compagnie » au Musée d'Ixelles). Les six mois de montage, le cinécriture, condensent le son, les gens, la musique de Matthieu Chedid, un ami de JR et de mon fils Mathieu. Couper n'était pas une simple affaire. Certaines séquences seront dans le bonus du DVD. Un livre paraîtra sur le documentaire. C'est moins fatiguant que le tournage (sourire).
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- Avez-vous été déçue de ne pas avoir rencontré Jean-Luc Godard ?
- Je voulais faire connaître Godard à JR. On avait rendez-vous en Suisse. Il n'a pas ouvert. Il m'a piquée. On le laisse comme c'est arrivé dans le documentaire, avec ma peine. C'est une peau de chien mais il s'est passé quelques entre Godard, Jacques (NDLR : Demy, le cinéaste et mari d'Agnès Varda) et moi. Je lui ai envoyé le DVD, ça reste silence radio. Jean-Luc est un homme intelligent. Il faut des chercheurs comme lui dans le cinéma. On prend parfois des baffes. Cela fait partie du jeu.
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