Rédaction
05 April 2016
Effectivement, La Phrase revit à travers un livre dont l'idée émane d'une demande des citoyens. La Phrase est un projet, pieuvre à plusieurs bras: le premier bras était l'inscription de la phrase pendant un an dans l'espace public. Un essai de réponse à la question « Comment aborder le corpus littéraire qui dort dans les archives dans un geste pas simplement mémoriel ? ». Un autre bras est un documentaire réalisé par Zéphyr Haution et Théau Varlet. Enfin, il y a ce livre. La condition pour le faire, c'était que ce ne soit pas un album mais plutôt un outil pour s'interroger sur le projet, le prolonger et analyser ce qu'il s'est passé dans l'espace public. Un véritable outil de réflexion sur ce projet qui a dépassé dans plein de domaines ce que à quoi s'attendait Ruedi et Karelle.
La poésie n'est pas d'abord une manière d'écrire mais une manière de lire et de transformer ce qu'on a lu en manière de vivre.
Le livre permet de se souvenir (important pour les personnes qui ont participé au projet dans l'équipe mais aussi pour les citoyens) et de (re)découvrir la vie de La Phrase, de sa conception à son écriture sur les murs de la ville. Un petit résumé historique sur le patrimoine littéraire, les nombreux anecdotes et extraits des carnets personnels des peintres-calligraphes sur les réactions des passants-lecteurs, les photos et les entretiens (entre autres avec l'architecte Francesco Carreri) donnent un autre regard sur le projet.
La Phrase from laboratoire irb on Vimeo.
S'il est difficile de résumer en 320 pages le projet tant il a emmené ses concepteurs dans de nombreux recoins auxquels ils ne s'attendaient pas (un vrai « process ouvert »), il est encore plus difficile de rendre compte de l'entretien avec le duo. En vrac, nous avons abordé le projet dans la prison (seul moment où la phrase a disparu de l'espace public) ; les mots qui résonnent avec les bâtiments ou détails architecturaux ; les apéritifs citoyens ou les notions de pérenne et d'éphémère. Nous avons également évoqué l'envie de lire des lecteur-passants, « l'inutilité » de la poésie face aux mesures sécuritaires et on s'est posé la question de « Comment un livre retient notre attention alors même que ce qu'il a à nous dévoiler n'est pas directement à notre portée et que son contenu nécessite un décryptage ? » (« Difficile de passer une minute devant un livre de Victor Hugo en ayant l'impression de l'avoir lu ! »). Nous avons aussi évoqué le fait de travailler le patrimoine qui appartient aux citoyens, la fresque posant la présence des poètes sur les murs de la prison, Patti Smith, les citoyens qui sentent l'absence des responsables politiques, de la différence entre partager un projet et un projet participatif ou enfin de la littérature qui aide à ouvrir l'esprit et à s'interroger...
Les prisonniers travaillant à la fresque Le rêve mutuel après un atelier de 6 mois "Au plus on va garder un lien avec les prisons, au mieux on ira" affirment Karelle et Ruedi. |
Un très riche échange qui se conclut par le constat des créateurs: "Nous lisons plus que jamais mais différemment". Nous sommes envahis par les écrits avec la publicité et la signalétique (on n'est plus capable de se perdre !). La Phrase nous emmène donc ailleurs et cela fait du bien !
Karelle Ménine et Ruedi Baur, La Phrase, une expérience de poésie urbaine, Editions Alternatives, 2016.
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