Vivre. Plus qu’un simple titre donné à son dernier album, publié en 2021 et enregistré auprès du pianiste lillois Sofiane Pamart, nul doute qu’il s’agissait ici d’une injonction : un conseil offert à Arno à tous ceux et celles qui ont pris plaisir à l’écouter pendant près d’un demi-siècle. « Le clochard de luxe », c’est une certitude, a bien vécu, le corps toujours en mouvement, l’esprit perpétuellement ouvert sur le monde extérieur. Il y a d’abord eu Freckle Face, Tjens Couter et TC Matic, formation proto-new wave au sein de laquelle il publie quatre albums foutraques et un tube : Putain putain, repris par Stromae bien des années plus tard.
Avec Stromae, sur la scène de l'Ancienne Belgique, le 13 février dernier © Danny Willems
Par la suite, il y a eu d’autres groupes (Charles et les Lulus, Arno & The Subrovnicks), plus ou moins éphémères, mais c’est bien en solo qu’Arno a continué de chanter la vie. Celle des Filles du bord de mer, celle des bords d’Ostende, sa ville d’origine, où il servait la tambouille à Marvin Gaye au début des années 1980, celle de ces soirées qui se terminent inévitablement au bar du coin, celle des grands rêveurs au cœur meurtri. « Je veux vivre dans un monde/Sans papier et où mon foie/Arrête de pleurer », chantait-il de cette voix si caractéristique, si profonde, si marquée par une vie d’abus (de drogues, d’alcools et de clopes). Arno disait simplement « tromper l’ennui », conscient que ce mode de vie alimentait pleinement un répertoire rongé par la mélancolie, l’amertume et le romantisme, mais avant tout marqué par son amour du beau mot. Sa passion pour le rock également – pas un hasard, finalement, si cet admirateur d’Elvis et de Muddy Waters a repris les Stones, enregistré aux côtés de Craig Armstrong ou jouer de l’harmonica pour The Experimental Tropic Blues Band.
Depuis fin 2019, période au cours de laquelle on lui diagnostique un cancer du pancréas, la vie d’Arno était toutefois plus compliquée : rythmé par les hospitalisations et les chimiothérapies, son quotidien ne lui ressemblait plus. Il était devenu routinier, pesant, soumis aux aléas d’un corps qu’il ne contrôlait plus. Ne restait alors que sa musique, qu’Arno continuait de faire vivre sur scène. Sa dernière apparition publique ? À Ostende, forcément : c’était le 6 mai dernier, dans le cadre d’un festival de cinéma. L’occasion de se rappeler que le Flamand a toujours eu un pied dans le 7e art : en tant qu’acteur (chez Michel Piccoli, ou aux côtés de Bashung dans J’ai toujours rêvé d’être un gangster, etc.), mais aussi en tant que compositeur. C’était en 1990, pour un film de Bertrand Blier au titre plus qu’éloquent : Merci la vie.
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