Rédaction
11 March 2016
Hallelujah, c'est d'abord l'histoire de Leonard Cohen. Celle d'un songwriter qui, à la fin des années 1970, peine à trouver l'inspiration après un dernier album plus mitigé (Recent Songs). Pour son prochain forfait, Various Positions, il souhaite donc tutoyer à nouveau les sommets. Et pour ça, il est prêt à prendre son temps, quitte à publier un recueil de poésies (Book Of Mercy), à participer à l'écriture d'un opéra rock (Night Magic de Lewis Furey) et à réaliser un court métrage pour la télévision canadienne (I Am a Hotel) pour combler les heures. Pour Hallelujah, il confesse alors avoir « rempli deux carnets de notes », s'être « retrouvé au Royalton Hotel de New York en sous-vêtements sur la moquette » en se « cognant la tête sur le sol » et en se « lamentant de ne pas pouvoir finir cette chanson ».
En décembre 1984 pourtant, après avoir griffonné 80 couplets différents pour finalement n'en retenir que 5, Leonard Cohen publie la version originelle de Hallelujah, dont les paroles sont partagées entre des interrogations intimes et des références chrétiennes (dans le premier couplet, par exemple, il fait allusion à la légende du roi David qui, d'après l'Ancien Testament, tentait de satisfaire le Seigneur en jouant pour lui quelques notes de lyre). Cet autoportrait désenchanté, mis en forme à travers le prisme biblique, c'est bien Jeff Buckley, 10 années plus tard, qui en fera un chef-d'œuvre sensible, fragile et incroyablement gracieux. Le jeune songwriter californien se permet même de zapper les paroles rédemptrices de la version originale au profit d'un dernier couplet provocant, presque sacrilège : « Il y a peut-être un Dieu là-haut, s'avance l'auteur à pas désormais nettement moins prudents, mais tout ce que m'a appris l'amour, c'est comment tuer un type qui t'a doublé. Et ce n'est pas une complainte que vous entendez, ni un quelconque pèlerin qui a vu la lumière, c'est un froid et brisé alléluia. »
Ajoutez à cela une interprétation d'une pureté fascinante, un songwriting tourmenté et un destin funeste (Jeff Buckley est mort noyé à 30 ans, le 29 mai 1997), et vous comprendrez que Hallelujah, pourtant revisité plus de 180 fois depuis sa conception (Bono, Rufus Wainright, Damien Rice, John Cale ou Willie Nelson, tous y sont passés), ne serait peut-être jamais devenu un tel hymne universel s'il n'avait pas eu sa place en 1994 au sein de l'album Grace. Celui de Jeff Buckley.
You And I, inédits et reprises. Dans les bacs à partir du 11 mars.Publicité