Rédaction
16 March 2018
La pièce débute au printemps 1939. Elle raconte les malheurs de la comtesse Elvire Siersberg obligée de fuir son Autriche natale pour échapper aux persécutions nazies. Son mari est emprisonné dans un camp de concentration (où il mourra après y avoir été torturé) et leurs biens ont été saisis. La comtesse, sans ressources et sans papiers, s'est réfugiée à Paris où elle vient consulter l'avocat parisien de renom Jean Viroy. Elvire rencontre Claudine, la maitresse de l'avocat et le meilleur ami de ce dernier, André, rédacteur en chef d'un grand hebdomadaire. Elvire va travailler pour Jean, deviendra sa maitresse avant de le quitter et partir à l'étranger d'où elle enverra des articles à André.
© Comédie Claude Volter |
C'est, en la résumant à l'extrême, la trame de cette pièce de Bernstein, qui fut un des dramaturges français les plus joués dans la première moitié du XXe siècle. S'il est aujourd'hui un peu oublié, il reste néanmoins un remarquable architecte de la construction théâtrale. Son Elvire en constitue un bel exemple. La pièce ne manque certainement pas d'intérêt. Notamment sa contemporanéité avec le drame actuel des exilés qui fuient des régimes oppresseurs et se retrouvent démunis, sans identité dans des pays d'où ils risquent l'expulsion.
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Le talent des interprètes rend extrêmement attachante une œuvre peut-être un peu trop imprégnée de bons sentiments et au langage tant soit peu vieilli. Stéphanie Moriau interprète une Elvire subtile et sensible. Elle rend parfaitement crédible ce personnage de femme à la fois forte et fragile qui cache sa désespérance sous une apparente gaieté. Rappelons que le rôle avait été créé par Elvire Popesco, « monstre sacré » du théâtre de boulevard français du début des années 30 jusqu'à la fin des années 60.
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La pièce marque aussi le retour en Belgique de Natacha Amal, en tout cas le temps d'une saison. Son brillant parcours en France a un peu fait oublier que cette « femme de loi » est belge. Ici, elle joue, avec autant d'émotivité que de charme, le rôle de Claudine de Gaige, une femme lucide, tiraillée entre l'affection et la loyauté envers son mari et la passion amoureuse qui l'attache à son amant. À cet égard, la scène de rupture avec Jean est menée tout en finesse et pleine d'émotion.
Jean-Claude Frison incarne brillamment et avec une virilité assumée le rôle de l'avocat. Un personnage égoïste aux changeantes amours, davantage attiré par la séduction que par les femmes qu'il séduit. C'est pourtant lui qui va faire l'objet d'une très jolie scène de séduction au deuxième acte.
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Michel de Warzée arrive à rendre émouvant cet André Cormagnin, le journaliste désabusé, revenu de tout, mais qui peut encore être transporté par le courage d'une femme exceptionnelle au point de luis proposer un mariage de convention pour lui rendre une identité. Là, on assiste à une autre belle scène, de demande en mariage cette fois, pleine de pudeur et de retenue.
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Enfin, Sergio Zanforlin campe un valet de chambre parfaitement stylé.
Dans un élégant décor Art déco et des costumes de Serge Daems, la mise en scène de Michel Wright est d'une grande intelligence émotionnelle. Par exemple, elle réussit à élever certains silences des interprètes en non-dits éloquents. Il est aussi parvenu à gommer quelque peu le côté parisien et mondain de la pièce et lui donner ainsi une portée plus universelle.
Enfin, soulignons un mérite insigne de Bernstein : celui d'avoir été une des toutes premières voix, si pas la seule en son temps, à dénoncer l'existence des camps de concentration nazis.
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