Rédaction
26 February 2019
Le froid y joue un premier rôle destructeur. « L'enfer, c'est le froid ! », dit un protagoniste. Le décor : un hiver terrible, un pays en guerre, une ville dévastée par les bombardements des barbares, un appartement vide et sale où il ne reste qu'un fauteuil délabré, un âtre dans lequel il n'y a plus rien à brûler et une bibliothèque bien fournie (du moins, au début de la représentation). Les personnages : un vieux professeur d'université qui héberge chez lui Daniel son assistant et Marina la petite amie de ce dernier.
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Marina est une étudiante prête à tout pour survivre au froid mortel, notamment à brûler des livres pour se réchauffer. Devant la réaction du professeur d'abord choqué par cette proposition, la jeune fille met en balance la valeur d'un livre contre une vie humaine. Dans ce huis-clos glauque, nos trois intellectuels vont se livrer à une sorte de procès de la littérature. Ils se poseront les questions de savoir quel livre aurait-on le moins de scrupule à détruire ? Lequel en premier lieu et lequel en dernier ? La littérature a-t-elle une quelconque utilité face à la guerre ? A-t-elle jamais pu l'empêcher ? L'autodafé aura donc lieu et les livres seront utilisés comme combustibles.
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Au fur et à mesure que la bibliothèque se dégarnira, viendront se greffer d'autres questionnements. Comme la sincérité du professeur dans son enseignement. Aime-t-il vraiment les ouvrages qu'il porte aux nues et déteste-t-il réellement ceux qu'il démolit ? Ce à quoi il répond : « laissez-moi le privilège de nuire à mes élèves ». Il sera aussi question de variations dans les attachements amoureux selon les circonstances...
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Bref, une œuvre métaphorique dans une atmosphère irréelle comme Amélie Nothomb excelle à les créer. Un théâtre efficace malgré certaines longueurs et quelques séquences un tant soit peu répétitives. La mise en scène est signée Marcel Delval, mais ce dernier n'a pu la mener à son terme pour raison de santé. C'est Michel Wright, le récemment nommé directeur de La Valette, qui a parachevé et peaufiné la scénographie avec beaucoup d'efficacité. C'est lui aussi qui incarne le professeur cynique, désabusé, acerbe et quelque peu manipulateur. Si l'homme était surtout reconnu comme metteur en scène et adaptateur de talent, ses récentes performances d'acteur attestent d'une très belle maturité. Fabien Dorsimont joue l'assistant crédule et idéaliste avec beaucoup d'énergie. Quant à Manoëlle Meeûs, qui interprète pourtant l'instigatrice du sacrifice de la bibliothèque pour un peu de chaleur, elle parvient à instiller dans l'esprit du spectateur la conviction d'être la seule dans cette histoire à véritablement aimer les livres et la littérature.
Les CombustiblesJusqu'au 24 marsThéâtre de La Valette11, rue Basse1460 Ittrewww.theatrelavalette.be/combustiblesPublicité