La pièce raconte les péripéties amoureuses de Michel Desnoyers, un auteur-acteur en vogue. Après une scène violente (on en connaitra la raison au 2e acte), sa maitresse, Ecaterina, le quitte en claquant la porte après lui avoir claqué la joue. Voyant là un fécond sujet, Michel décide de faire de sa mésaventure une pièce de théâtre. Il jouera son propre rôle et Françoise celui de sa maitresse. Oui mais voilà, le soir de la première, Michel reçoit la lettre d’une femme l’avertissant qu’elle est dans la salle, armée, et qu’elle va tirer sur lui. Effectivement, une femme va se dresser dans le public et prendre Michel à partie. C’est Ecaterina !
© Comédie de Bruxelles
Le spectateur tombe alors dans un embrouillamini déconcertant : sur scène ce sont les domestiques qui jouent leur propre rôle, le décor est celui-là même de la résidence de l’auteur-acteur où on retrouve le même couple d’amis que dans la “vraie vie” au premier acte. Sommes-nous à la ville ou à la scène ? Chez Guitry, bien davantage que chez d’autres dramaturges, le théâtre c’est la vie et la vie c’est le théâtre. Toâ n’est probablement pas sa meilleure pièce (elle reste peu jouée), mais c’est incontestablement celle où la réalité du vécu et la fiction théâtrale s’entremêlent et s’enchevêtrent de la manière la plus inextricable. Bien qu’il s’agisse du remaniement d’une pièce (Florence) créée dix ans plus tôt, Toâ date de 1949. Elle compte parmi les dernières comédies de Guitry (mort en 1957). C’est peut-être une pièce-bilan. Dans le personnage de Michel Desnoyers, Guitry s’est inventé un double qui s’analyse lui et son couple et, à son habitude, refuse de montrer les choses avec gravité. Il les aborde avec légèreté et drôlerie, dans une langue brillante.
Nous sommes dans une des nombreuses pièces où Sacha incarne son propre personnage (ou est-ce à la ville qu’il joue son rôle ?). Où sont les limites entre l’acteur et l’homme ? Guitry navigue aux antipodes des impératifs sociologiques actuels, mais, dieu merci, personne n’a encore songé à le lui reprocher. C’est sans doute cela qui fait une partie de son charme auprès des spectateurs d’aujourd’hui.
© Comédie de Bruxelles
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La mise en scène du directeur de la Comédie de Bruxelles, Daniel Hanssens (assisté de Victor Scheffer), est parfaitement respectueuse de l’esprit de l’auteur. Tout comme son interprétation de Michel Desnoyers est sobre (les innombrables bons mots parlent d’eux-mêmes) et allurée. Le reste de la distribution est bien dans le ton : Christel Pedrinelli (spitante Ecaterina), Stéphanie Van Vyve (Françoise, élégante défenderesse du cocufiage), Marc Weiss (le mari de Françoise, un peu dépassé par les évènements, comme le sont la plupart des maris chez Guitry) et Robin Van Dyck (un valet de chambre pantois). Une mention spéciale pour Marie-Hélène Remacle qui interprète la gouvernante Maria. Ce type de rôles, Guitry les a toujours particulièrement soignés (en les confiant souvent à Pauline Carton). La scénographie de Francesco Deleo contribue aussi à l’excellente tenue du spectacle.
Pièce
Toâ, de Sacha Guitry
Mise en scène
Daniel Hanssens
Sur internet
Tournée
– Spa : le vendredi 9 décembre
– Ottignies : le mardi 13 décembre
– Bertrix : le mercredi 14 décembre
– Centre Culturel d’Uccle : dates
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