Christophe Vachaudez
18 March 2024
Désigné comme héritier par son père qui éconduit son frère Hassan et brave ainsi la tradition, Abdallah II de Jordanie monte sur le trône à la mort du charismatique roi Hussein le 7 février 1999. Le souverain qui a toujours joué un rôle essentiel de modérateur dans la région œuvre constamment pour la paix et doit gérer pour l’instant l’une des périodes les plus critiques de son règne. D’une superficie modeste, la Jordanie accueille pourtant deux millions de réfugiés palestiniens et la stabilité du pays est mise à rude épreuve depuis l’escalade israélienne à Gaza et dans les territoires occupés.
© Royal Hashemite Court of Jordan
D’origine palestinienne, la reine Rania qui lui a donné quatre enfants demeure son plus fidèle soutien et travaille elle aussi pour la paix lors d’interventions sur les réseaux ou dans des congrès internationaux. Issu de la dynastie hachémite qui gouverne la Jordanie depuis un siècle, Abdallah descend en droite ligne du prophète, par le mariage de sa fille Fatimah avec le caliphe Ali, ce qui en fait le gardien traditionnel des sites sacrés de Jérusalem, musulman et chrétien. Pas étonnant dès lors qu’il soit reconnu comme un interlocuteur de choix pour initier des dialogues interreligieux, même si nous en sommes à la 41e génération depuis Mahomet !
© Royal Hashemite Court of Jordan
Sa double culture l’autorise aussi à jeter des ponts entre Orient et Occident. En effet, le Roi naît à Amman le 30 janvier 1962, fils aîné du roi Hussein et de sa seconde épouse, la britannique Antoinette Avril Gardiner, rebaptisée princesse Muna. Adolescent, il est envoyé en pensionnat en Angleterre avant de poursuivre sa formation à Deerfield aux États-Unis et d’intégrer par la suite l’Académie royale militaire de Sandhurst, très prisée des Hachémites, le Pembroke College d’Oxford et l’Université de Georgetown, non loin de Washington. Á son retour en Jordanie, il entame une carrière militaire qui lui permet d’acquérir une expérience de premier plan sur le terrain. Bientôt, il prend le commandement des forces spéciales jordaniennes, nouant des liens étroits avec le Pentagone et multipliant les contacts avec l’Irak, la Syrie ou Israël. Il accompagne son père lors de voyages déterminants pour la pérennité du pays et la complicité entre les deux hommes ne cesse de se renforcer au point que ce dernier le désigne comme son héritier à la surprise générale.
© Royal Hashemite Court of Jordan
La tâche s’avère compliquée car, après 47 ans sous le sceptre d’un homme respecté, le pays qui traverse une grave crise économique ne sait à quoi s’attendre. Le souverain relève le défi et la Jordanie renoue avec la croissance. Soucieux de préserver la paix intérieure, le roi dispose d’un réseau d’informateurs efficace qui parvient à parer aux dangers les plus immédiats. Il fait ainsi expulser des membres du Hamas et veille à éloigner les groupuscules intégristes du territoire. Il deviendra d’ailleurs l’une des cibles d’Al Qaida et échappera à un assassinat lors d’un voyage d’agrément en Grèce grâce à la diligence des services de renseignements. Nous sommes en 2000 et cinq plus tard, Amman, la capitale jordanienne, est pourtant frappée par un attentat qui fait soixante victimes, ultime atteinte pour ébranler ce pôle de stabilité au cœur d’une région toujours sous haute tension.
© Didier Lebrun/Photo News
De nos jours, il veille à la tolérance religieuse, décernant même une récompense aux initiatives favorisant le dialogue entre les communautés. Plus récemment, le Roi a tiré une autre sonnette d’alarme. Le nombre de réfugiés ne cesse de croître et son pays semble saturé avec plusieurs millions de personnes déplacées, toutes nationalités confondues, une situation qui devient intenable. Côté famille, le Roi a épousé le 10 juin 1993, Rania Al Yassin, une jeune femme d’origine palestinienne qui a longtemps vécu au Koweit. Déjà investie dans le domaine caritatif, son rôle s’accroît de façon significative quand elle devient reine. Icône de la mode, elle offre une image complémentaire à celle du Roi, plus martiale, car le monarque revêt bien souvent l’uniforme militaire.
© Royal Hashemite Court of Jordan
Pourtant, Abdallah ne manque pas d’entregent et sait faire preuve d’humour. N’apparait-il pas dans un épisode de Star Trek, une série qui le fascine ? Passionné de football, il pratique aussi le ski nautique et la moto dans le désert. Très communicatif, il n’hésite pas à promouvoir le tourisme en Jordanie à la télévision, des merveilles de Petra au désert du Wadi Rum, des ruines de Jerash aux gorges du Wadi Mujib, une terre ancestrale dont il est immensément fier de défendre les atouts. Plus récemment, il a été mis en difficulté lors de la fuite des Pandora Papers. Lors d’une allocution télévisée, il a nié avec force toute implication dans des activités frauduleuses, confirmant que ses avoirs à l’étranger n’ont rien d’illicite. Le couple royal a quatre enfants, les princesses Iman et Salma et les princes Hashem et Hussein. Unanimement respecté, le roi Abdallah tient d’une main ferme le timon du navire Jordanie, pour le salut d’un Moyen-Orient !
Photo de couverture © Royal Hashemite Court of Jordan
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