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À Bousval, un terroir est né !

GastronomieMade in BelgiumŒnologieVin BelgeVin nature

Martin Boonen

05 July 2024

Le vignoble du château de Bousval fête cette année ses 10 ans. À cette occasion, nous avons eu l’opportunité d’observer comment ce projet ambitieux et atypique, à la philosophie à contre-courant de la plupart du reste de la viticulture belge, s’était développé.

Lorsque Michel Verhaeghe de Naeyer reprend le château Bousval à un cousin, il a une vision assez claire de ce qu’il ambitionne pour cette propriété de famille : “Je voulais réancrer la maison à son territoire en développant un projet agricole de très grande qualité, avec une forte valeur ajoutée.” Passionné de vin, observateur averti du développement de beaux projets viticoles en Belgique, c’est donc sur cette culture qu’il jette son dévolu. Seulement, cela fait plus de cinquante ans que les terres qui constituent sa propriété sont menées dans la plus grande tradition de l’agriculture conventionnelle, gavée aux pesticides, fongicides, insecticides… bref, à tout le champ lexical de la culture intensive. “Les premiers spécialistes que nous avons fait venir pour étudier la nature de nos sols nous ont expliqué que, sur les 40 premiers centimètres de profondeur, ils étaient morts” se souvient Michel Verhaeghe. Or, il sait bien qu’il ne fera jamais le grand vin dont il rêve sur un terroir aussi appauvri.

Le château de Bousval, cœur du projet du vignoble © VCB

Mais Michel Verhaeghe, n’est pas un passionné pressé et il est déterminé à se donner les moyens de réussir. C’est pourquoi, en 2012, il plante sur son vignoble en devenir un mélange de graminées et de légumineuses qu’il regarde pousser sans y toucher pendant deux ans. Le temps pour la terre de se reposer, de se reconstituer une vitalité. En 2014, après une nouvelle étude qualitative des sols qui prouve que la situation s’est spectaculairement améliorée, les conditions sont déjà réunies pour que Michel Verhaeghe, Germano Prior, le chef de culture, Vincent Dienst, le maître de chai et Pascal Marchand, l’œnologue conseil, plantent les premiers pieds de vigne à Bousval.

Michel Verhaeghe de Naeyer © Vignoble du Château de Bousval

Dans la foulée, on demande à l’architecte Charly Wittock (du bureau AWAA) de dessiner et concevoir un chai énergétiquement exemplaire et paysagèrement particulièrement intégré. Semi-enterré pour pouvoir travailler le plus possible avec la gravité naturelle à l’intérieur, doté d’une toiture végétale et de courbes épousant la toponymie du terrain, il est presque invisible, comme fondu dans l’environnement.

© Vignoble du Château de Bousval

© Vignoble du Château de Bousval

À contre-courant

Cependant, le plus dur ne faisait que commencer. En effet, la petite équipe du désormais vignoble du château de Bousval n’a pas choisi la voie de la facilité. Si le réchauffement climatique est l’une des principales raisons du (re)développement de la culture de la vigne sous nos latitudes, les précédentes semaines, ont rappelé à tout le monde que nous sommes encore loin de bénéficier du climat bordelais, languedocien, rhodanien ou provençal. C’est la raison pour laquelle, la Belgique, en matière de vin, s’est faite une spécialité des vins effervescent (dont la vinification est plus tolérante sur les aléas météorologiques subi par les fruits), dans des cépages interspécifiques (naturellement plus résistant aux maladies inhérentes à nos météos humides) et en s’aidant comme on peut de la chimie dans les vignes comme au chai pour s’efforcer de maintenir, années après années, une qualité constante.

© Vignoble du Château de Bousval

Et déjà, de cette façon, même si de plus en plus de vignerons y arrivent et de mieux en mieux, réussir à sortir un vin de qualité reste compliqué. Pourtant, Michel Verhaeghe a décidé, en concertation avec son équipe de spécialistes, de faire tout l’inverse : à Bousval, on fera des vins tranquilles, dans des cépages traditionnels et prestigieux, le tout en bio, biodynamie et permaculture. Le défi est à l’image de l’ambition de son fondateur : énorme

Des vignes et de la vie

En 2014, on plante donc sur les côteaux bousvaliens qui dominent le château 3,8 hectares de chardonnay, 1,6 hectares de pinot noir et même 35 ares de pinot gris. Au fil des années, le domaine s’étend un peu : le chardonnay atteint 5,3 hectares, 2,3 pour le pinot gris, et 60 ares pour le pinot gris. Le tout permet au vignoble du château de Bousval d’atteindre une surface plantée de 8,2 hectares de vigne.

© Vignoble du Château de Bousval

Le temps passant, les néo-viticulteurs, de succès en échec, de coup du sort en coup de chance, entre les années exceptionnelles et les annus horribilis, apprennent à vivre avec leur paris et leurs idées. Pour se protéger de la grêle si meurtrière, le vignoble se dote d’un impressionnant canon qui disperse les nuages porteurs de glace, pour prévenir les terribles gelées printanières, il acquiert des moulins qui dispersent l’air gelé les nuits de grands froids… Et si la vie revient entre les rangs de vignes, il faut désormais aussi se protéger des nuisibles qui l’accompagne. Toujours fidèle à leur crédo de laisser à la nature le plus de latitude possible, l’équipe du vignoble décide de jouer la carte des prédateurs naturels. On installe des perchoirs pour attirer les rapaces, ou on entasse des pierres pour accueillir les belettes. Les uns et les autres chasseront les petits rongeurs. On plante des végétaux spécifiques pour attirer certains insectes prédateurs et ainsi lutter contre d’autres, moins désirables comme les drosophiles. Les chevreuils que l’on admirait au départ sont tenus à l’écart des jolies grappes par une clôture qui protège aussi les cultures des dégâts des sangliers.

© Vignoble du Château de Bousval

Le vignoble du château de Bousval se protège aussi des voisins moins à cheval sur les pratiques agricoles durables et qui pulvérisent les champs contigus aux vignes en plantant des doubles rangées de haies… qui à leur tour accueilleront la vie et participeront à la diversité du domaine.

Les vins de Bousval…

Depuis leur première feuilles, les vignes de Bousval n’ont cessé de produire plus. Avec des hauts et des bas en fonction des années. De quelque 2000 bouteilles en 2018, la production devrait passer à 40 000 bouteilles cette année,… si la météo le permet.

L’approche des vendanges, complètement manuelles, et des vinifications est très parcellaires. Germano Prior et Romain Jacob (qui a pris la succession de Vincent Dienst au chai, partit, lui, fonder son propre vignoble, le Domaine de Wespin, après 6 ans passé à Bousval) se mettant parfois d’accord pour ne vendanger que des demi-rangs dans certaines parcelles pour être certain d’atteindre la maturité attendue sur tous les raisins récoltés. L’équipe a donc parfois été jusqu’à vinifier séparément 24 lots différents, à deux semaines d’intervalle.

Germano Prior (chef de culture), Michel Verhaeghe (propriétaire) et Romain Jacob (maître de chai) © Vignoble du Château de Bousval

Aujourd’hui, le vignoble du château de Bousval propose une gamme de cuvées très complète et intéressante à bien des égards et surtout très soignée. En blanc on dénombre deux chardonnay : “Gouttes d’O” et sa déclinaison gastronomique “Tout Cru”. À côté de ces deux là prend place “Le Petit Gris” en pinot… gris. Un rosé superbe, plein de fruit et de caractère, à la robe affirmée, “Le Nevrosé”, semble particulièrement de saison. L’unique cuvée en rouge, “Ange ou Démon”, cent-pour-cent pinot noir, est à la fois délicate et gourmande.

© Vignoble du Château de Bousval

© Vignoble du Château de Bousval

D’une manière générale, tous ces vins, menés à la vigne en biodynamie et permaculture et avec le moins possible d’intervention et d’intrants au chai et l’utilisation exclusive de levures indigènes, se rapprochent de l’esprit des vins nature : des vins vivants mais sans aucun défaut organoleptiques. Pourtant, seule la dernière cuvée en blanc, “Naturiste” (chardonnay) revendique cette philosophie sur l’étiquette. Globalement, toute la gamme se distingue par une grande digestibilité et buvabilité, une intensité soutenue sur les fruits, une véritable élégance et les vins offrent tous beaucoup de plaisir. Les passages en barrique ne marquent que subtilement les vins pour leur apporter structure, rondeur et profondeur, sans jamais altérer la fraîcheur du fruit. Cette maîtrise est à mettre au crédit de Romain Jacob.

© Vignoble du Château de Bousval

© Vignoble du Château de Bousval

… sont de Bousval

Lors de notre première visite, il y a huit ans, Germano Prior, Pascal Marchant, Vincent Dienst et Michel Verhaeghe multipliaient les références aux méthodes, au terroir, aux vins de Bourgogne. Au point de nous demander si l’ambition finale du domaine n’était pas de faire du bourgogne en Belgique. En 2018, Michel Verhaeghe nous répondait avec conviction : “Nous voulons faire du bousval, à Bousval”. Un voeux pieux qui tout en nous enthousiasmant nous avait interpellé. Cette année, le propriétaire s’exprimait en ces termes : “Quand Pascal Marchand, notre œnologue conseil, vient nous prêter main forte sur les assemblages, il dit retrouver, année après année, les caractéristiques du chardonnay de Bousval et de nul part ailleurs. Mais c’est vrai qu’au départ, nous étions très entourés de professionnels issus du vignoble bourguignon, et c’est une chance puisqu’il s’agit sans aucun doute de l’un des plus beaux vignobles du monde et que son terroir partage certains traits communs avec le nôtre. Ils nous ont beaucoup aidé, beaucoup appris et sans doute un peu influencé aussi” reconnaît-il.

© Vignoble du Château de Bousval

La dégustation de la semaine dernière n’a pourtant laissé aucun doute : l’influence bourguignonne qui planait au-dessus des vignes et du domaine s’est évanouie au fond des bouteilles. Les vins de Bousval sont désormais l’expression forte d’un terroir insoupçonné qui, d’un coup, nous apparaît au nez et au palais. Des vins tranquilles, issus de cépages nobles et d’une culture extrêmement attentive à la nature, c’était le pari du vignoble du château de Bousval. Dix après, les occasions de se compromettre, de renoncer, de dénaturer la vision originelle n’ont pas dû manquer. Mais l’équipe de Michel Verhaeghe n’a jamais rien lâché, ni cédé d’un pouce sur ses idéaux. Aujourd’hui, le projet initial est intact. Mieux encore : il est réussi.

© Vignoble du Château de Bousval

Reconnaissance et renaissance

Quand on demande à Michel Verhaeghe de tirer un bilan de cette première décennie, il pense évidemment à la reconnaissance que les professionnelles du milieu accordent à son travail et celui de son équipe : “Rien n’a vraiment été facile. Il faut avoir les nerfs solides. Mais voir le Decanter World Wine Awards (l’un des plus sérieux, réputé et exigeant concours vinicole au monde, ndlr) décerner une médaille à notre cuvée “Tout Cru” est évidemment une immense satisfaction. Cela représente la confirmation que nos choix, aussi risques étaient-ils, étaient les bons. Quand on croit en quelque chose, il faut y aller à fond.” On le comprends, mais, en jetant un œil sur le vignoble autour du chai, comment ne pas penser que la plus belle des réussites de ce projet un peu dingue n’est pas la naissance d’un terroir viticole riche, singulier et prometteur ainsi que la résurrection d’un écosystème naturel vivant et vivace dans une ancienne friche agricole devenue stérile avec le temps et les pratiques intensives. Un vignoble unique et riche de vie, c’est peut être ça, la plus grande vertu du Vignoble du Château de Bousval.

© Vignoble du Château de Bousval

L'été des vins (belges) : les ambitions du Vignoble du Château de Bousval

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Quand Michel Verhaeghe de Naeyer reprend le château familial de Bousval, au cœur du Brabant wallon, son projet est très clair : produire des grands vins tout en prenant soin de l'environnement. C'est à dire utiliser ces cépages nobles, les cultiver le plus naturellement possible et vinifier soigneusement.

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